What ecological transition for tomorrow? Energy, climate, metals (Part 2)

Le rôle des minerais critiques dans la transition écologique

Le système énergétique de demain, reposant sur des éoliennes, des panneaux solaires, des batteries et des réseaux d’électricité est dépendant de nombreux métaux. Lithium, cobalt, nickel et manganèse pour les batteries, terres rares pour les éoliennes et véhicules électriques, cuivre pour les panneaux solaires et les réseaux électriques. A côté des impacts socio-environnementaux de l’extraction minière, il existe aujourd’hui des préoccupations bien réelles sur les capacités de l’offre à rencontrer la demande mondiale en métaux en croissance rapide.

The ecological transition is very dependent on metals but the supply risks not being able to meet the rapidly growing demand, among other limits linked to these resources.

Cette analyse s’inspire du contenu des interventions de Tomás Bredariol de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), Johan Yans, directeur du département de géologie de l’UNamur et Karel Van Acker, Professeur en économie circulaire à la KU Leuven, lors du séminaire organisé par Justice et Paix et le RBRN le 16 mai 2022

La contrainte métallique

 « Le sujet des métaux n’est pas nouveau. En 1948 déjà, le géologue M. Roubault écrivait « la Terre nous apparaît petite. Elle n’est plus qu’un espace limité dont les ressources sont elles-mêmes limitées. En ce domaine, comme en bien d’autres, l’humanité se trouve à un tournant de son histoire. (…) Souhaitons donc que les hommes s’orientent le plus rapidement possible vers une utilisation plus rationnelle, plus pacifique et moins égoïste de ce dont la nature les a pourvus. Car, s’il en était autrement, ce que nous appelons à tort ou à raison la civilisation moderne risquerait fort de disparaître » introduit Joan Yans.

S’il n’y a pas de risque d’épuisement des ressources selon l’AIE, il est probable que l’offre en métaux ne soit pas à même de suivre le rythme en croissance rapide de la demande[1]. Pour développer les technologies nécessaires à un scénario zéro net émissions en 2050, 6 fois plus de métaux seront nécessaires d’ici à 2040.

Plusieurs éléments représentent des sources de préoccupation. La concentration de certains minerais dans un nombre limité de pays en est une. Il en va ainsi du cobalt qui est produit à près de 70% par la RD Congo. Il en va de même pour le lithium produit à plus de 50% par l’Australie et environ 25% par le Chili. Environ 60% des terres rares sont produites par la Chine. Ces chaînes d’approvisionnement pourraient être rapidement perturbées par des changements de régulation ou des problèmes d’instabilité politique, par exemple.

Ensuite, un décalage imminent existe entre les besoins urgents en minerais pour les technologies de transition (éoliennes, panneaux solaires, batteries, etc.) et les délais d’exécution assez lents des projets miniers. Autrement dit, à court terme (2025 environ), les mines en cours d’exploitation ou en phase de développement ne suffiront pas à combler l’augmentation rapide de la demande pour plusieurs minerais tels que le cuivre, le lithium ou le cobalt.

Un autre risque important concerne la diminution de la concentration des minerais riches en substances métalliques, pouvant ralentir la transition énergétique. Cela signifie que l’on trouve moins de minerais riches dans une tonne de roche aujourd’hui qu’il y a 100 ans[2]. Les meilleurs gisements ont, pour la plupart, déjà été exploités. Cette baisse avérée pose de nombreuses questions en matière de coûts de production, d’émissions de CO2 et de génération de déchets. En effet, moins un minerai est concentré, plus il faut investir d’énergie, d’eau, etc. pour en récupérer la quantité souhaitée.

Et Johan Yans de rappeler la quantité gigantesque de déchets produites par l’extraction minière. « Prenons par exemple l’argent. Un filon est exploitable à 0,01%, ce qui signifie que les 99,9% restant ont été extraits mais constituent du déchet. Et cette teneur est 5000 fois plus élevée que ce qu’on trouve dans la nature ». C’est ainsi qu’on extrait aujourd’hui 92 milliards de tonnes de matériaux[3], principalement des minerais non métalliques (40 millions de tonnes), mais aussi des minerais métalliques (8,1 Mt), des énergies fossiles (14,5Mt) et de la biomasse (23,1 Mt).

Bien que la production de minerais soit moins émettrice de GES que celle des énergies fossiles, elle implique d’autres impacts non négligeables tels que la perte de biodiversité, des perturbations sociales liées aux changement d’affectation des sols, pollution de l’eau, de l’air, contamination liées aux déchets, corruption, violations des droits humains, etc. « De nombreux progrès peuvent être mis en place par les gouvernements afin que l’extraction soit plus responsable. Si, pour préserver notre environnement ici, nous détruisons l’environnement ailleurs, ça n’a pas de sens » selon Tomás Bredariol.

Comment combler la demande ?

Selon l’AIE, le recyclage peut être une source importante d’approvisionnement et une manière de réduire les impacts sur l’environnement mais il représente aussi un défi important. La collecte en est un aspect tout comme l’extrême complexité de nombreux objets électroniques qui rend difficile la séparation des matériaux. Mais le potentiel d’amélioration est important.

Pour assurer l’approvisionnement mondial en minerais, l’AIE propose plusieurs recommandations parmi lesquelles diversifier les sources d’approvisionnement, promouvoir les innovations technologiques, changer l’échelle du recyclage, améliorer la transparence du marché, augmenter les standards environnementaux et sociaux et renforcer la collaboration entre producteurs et consommateurs.

On regrettera que la diminution de la demande et la transformation de nos modes de vie ne fassent pas partie des recommandations de l’Agence. Selon Justice et Paix, les innovations technologiques ne doivent pas être surestimées mais bien réfléchies avec discernement.

Face aux risques de rupture d’approvisionnement, la Commission européenne encourage les Etats Membres à ré-exploiter leur sous-sol. Certains pays comme la France, l’Espagne[4] ou encore les pays nordiques ont emboîté le pas. En Belgique, des forages de prospection ont été réalisés dans la commune de Plombières où l’on pourrait encore exploiter du plomb et du zinc, ainsi que les minerais associés que sont le germanium, le gallium et l’indium. A ce stade, pas de projet d’exploitation en vue. Et les citoyen·ne·s sont plutôt défavorables.

Finalement, « rien dans cette problématique n’est géologique » conclut Johan Yans « et c’est bien la difficulté principale, c’est que tout est résolument transdisciplinaire ».

L’économie circulaire comme solution ?

L’économie circulaire est fréquemment invoquée comme une solution pour une gestion plus responsable et durable des ressources naturelles. Elle vise à les conserver le plus longtemps possible dans un circuit fermé. Les déchets constituent ainsi de nouvelles ressources. La Commission européenne a publié un plan stratégique sur l’économie circulaire en 2020 tout comme le gouvernement fédéral belge et la Région Wallonne.

Selon Karel Van Acker, différentes stratégies d’économie circulaire peuvent être mises en place. Il dresse une équation dans laquelle les ressources (émissions) sont égales à la fonction sociétale X produits/fonction (1) X matériaux/produits (2) X ressources/matériaux (3). Au niveau de la fonction des produits (1), on peut citer comme propositions : le partage, l’augmentation de la durée de vie des produits, la réparation ou encore l’économie de la fonctionnalité. Au niveau des matériaux qui composent les produits (2), Karel Van Acker liste l’écoconception, l’amélioration des processus, la « remanufacture ». Enfin, concernant les ressources nécessaires pour fabriquer les matériaux (3) peuvent être listés le recyclage et la substitution de matériaux, entre autres.

A propos du recyclage, Karel Van Acker précise qu’il doit rester l’ultime option. Le recyclage consomme lui aussi de l’énergie et des ressources primaires. Bien sûr, il est souvent plus avantageux d’un point de vue de l’empreinte CO2 et de l’énergie consommée, mais il ne faut pas l’idéaliser non plus. Ainsi, pour le cas du cuivre, le cuivre recyclé permettrait de diminuer de 40% l’impact en termes d’équivalent CO2, ce qui est bien mais limité malgré tout.

Le recyclage fait face à de nombreux défis. L’incroyable complexité des objets en est un quand on sait qu’un smartphone se compose d’environ 50 minerais dans des proportions infimes. Une autre faiblesse pointée par Karel Van Acker est l’inefficience actuelle dans le recyclage des DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques). La séparation des matériaux reste encore assez grossière et ne permet pas d’isoler des métaux spécifiques. Son équipe a réalisé des tests sur le recyclage d’ordinateurs pour évaluer le taux d’efficience du recyclage des métaux, donnant lieu aux résultats suivants : 75% pour l’aluminium, 58% pour l’argent, 76% pour l’or. Ces taux ne sont pas mauvais mais sont loin des 99%. Une part importante de la matière est perdue.

Un troisième défi soulevé par Karel Van Acker est la qualité des éléments recyclés. L’acier recyclé d’une voiture n’est plus utilisé comme tel dans une nouvelle voiture. Il sera généralement destiné au secteur de la construction avec moins d’exigences sur la qualité recherchée. C’est ce qu’on appelle le downcycling.

« Un meilleur recyclage n’est pas seulement dépendant de meilleures technologies » selon Karel Van Acker. Par contre, une meilleure conception pourrait grandement faciliter le recyclage ainsi qu’une meilleure collecte avec d’éventuels incitants et une meilleure connaissance des flux de matériaux (passeport produit[5]).

Quelles autres options que le recyclage ?

La réduction de la demande ressort en premier lieu dans la réduction des émissions, pour les cas de l’aluminium et de l’acier présentés par Karel Van Acker. Elle permettrait d’économiser de nombreuses ressources et d’éviter les externalités négatives associées. Ensuite, apparaît la prolongation de la durée de vie et enfin, un usage plus intensif des objets.

D’autres options peuvent être avancées comme le partage. Dans le domaine de la mobilité, il est une étape vers des changements de comportements vers la mobilité multimodale selon Karel Van Acker, en parallèle avec le découragement de la voiture individuelle et la promotion d’alternatives plus douces.

Finalement, l’économie circulaire, bien qu’elle ait un potentiel certain, doit être appréhendée avec clairvoyance. La circularité parfaite des matériaux présente des limites bien réelles. De plus, bien avant le recyclage, c’est sur le prélèvement des ressources qu’il faut agir en réévaluant nos besoins afin de produire et consommer moins. Sans quoi, l’économie circulaire n’est qu’un énième paravent pour éviter une remise en question lucide de notre modèle de société.

Geraldine Duquenne.


[1] AIE, Le rôle des minerais critiques dans les transitions énergétiques propres, mai 2021

[2] La concentration des mines d’or en Australie est passée de 20 grammes par tonne de roche à moins de 5 grammes en l’espace d’un siècle.

[3] International Resource Panel

[4] Pour en apprendre plus sur la situation en Espagne, nous vous invitons à lire les deux analyses de Justice et Paix issues d’un séjour minier en Andalousie organisé par l’association française SystExt en mai 2022.

[5] Le Passeport numérique des Produits est une initiative validée par la Commission européenne. Selon celle-ci, il fournira des indications sur la durabilité environnementale des produits. Il devrait aider les consommateurs à faire des choix éclairés lorsqu’ils achètent un produit, faciliter la réparation et le recyclage, et améliorer la transparence en ce qui concerne l’incidence de l’intégralité du cycle de vie d’un produit sur l’environnement.

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