Sur fond d’inquiétude sur la fiabilité et même sur la tenue des élections, les Congolais se préparent, quand même, à tenter une expérience inédite dans leur histoire : la passation du pouvoir présidentiel par les urnes.
Depuis son indépendance en 1960, la RD Congo n’a jamais assisté à une passation pacifique du pouvoir Présidentiel par la voie des urnes. Les élections du 23 décembre 2018 pourraient être les premières à voir un Président en exercice quitter son poste au profit d’un autre nouvellement éluet ce, sans coup de force. Ces élections auront donc, si elles se tiennent comme prévu, une connotation historique. Pourtant, le contexte délétère dans lequel elles se sont organisées a soulevé de multiples interrogations. Après plus de deux années d’attente, de nombreux citoyens congolais doutent encore aujourd’hui de la qualité et de la transparence de ce scrutin pourtant crucial. Ce qui pourrait déboucher sur des contestations de résultat dans les semaines à venir, et conduire de nouveau à l’embrasement de ce grand pays.
Après plus d’une décennie des conflits armés qui ont ravagé le pays au point de remettre en cause son existence, la République Démocratique du Congo s’est résolument engagée dans un processus de refondation de l’État à travers une gouvernance basée sur l’élection comme moyen unique pour mettre fin à des crises politiques récurrentes et à la contestation de la légitimité des Institutions.
Alors qu’une décrispation du climat politique est attendue depuis l’Accord de la Saint Sylvestre de 2016, les mois précédents l’élection ont été entachés de nombreux débordements : difficultés de déplacements pour certains candidats, (notamment l’atterrissage interdit dans diverses régions), meetings politiques réprimés, affrontements entre militants …
De plus, certains points d’achoppement ont été mis en avant et n’ont toujours pas été adressés par la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI) à quelques jours du scrutin. Le fichier électoral est encore suspecté de présenter de potentiels électeurs fictifs. Selon un audit réalisé par les experts de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en mai 2018, 16,6% d’électeurs sans empreinte digitale sont inscrits dans le fichier électoral . En parallèle, la CENI a décidé unilatéralement d’utiliser des machines électroniques comme mode de scrutin pour les élections. Sous le coup de la surprise, l’opposition politique s’y était d’abord opposée, avant de finalement développer des positions divergentes. D’aucuns estiment que si cette machine serait acceptable pour les élections des députés vu leur nombre (15 355 candidatures à la députation nationale sont validées pour 300 sièges et 19 640 candidatures pour les provinciales), elles ne sont pas nécessaire en ce qui concerne les présidentielles qui pourraient se faire en utilisant des bulletin-papier. La coalition de l’opposition « LAMUKA » – qui sensibilisait sur le boycott de la machine à voter – a revu sa position et accepte désormais que ses militants l’utilisent, mais uniquement pour l’impression des bulletins de vote.
La loi électorale congolaise, en son article 23ter proscrit expressément le vote électronique pour des élections en cours d’organisation. Déjà interpelle à ce propos, la CENI a plusieurs fois répondu que, selon elle, la machine à voter ne relève pas du vote électronique, dans la mesure où elle ne servirait qu’à « imprimer » les bulletins de vote. On entrevoit ici encore de possibles contestations des résultats.
La disponibilité des machines à travers le pays pose également question. Si les cent mille machines prévues sont toutes effectivement déployées à temps vers les bureaux de vote, environ 400 électeurs défileront devant chacune d’entre-elles. Avec les défis énergétiques et logistiques qui se posent eu égard à l’envergure du pays, le défi reste de taille.
La question du déploiement et de la disponibilité des machines s’est encore posée à moins d’une semaine du scrutin avec l’incendie dans les entrepôts de la CENI à Kinshasa, la nuit du 12 décembre dont on ignore encore l’origine,. Cet incendie est à l’origine de la destruction d’environ 8.000 machines à voter destinées être déployé dans les bureaux de la ville de Kinshasa.
L’observation des élections en RD. Congo
L’observation électorale est une pratique courante. Cette dernière peut être faite par une ou plusieurs parties indépendantes qui peuvent être de différents ordres : observateurs étrangers déployés par leur État ou au nom d’une organisation régionale par exemple. Des observateurs nationaux, issus des partis politiques ou de la société civile peuvent également être déployés. L’observation a pour but d’assurer un processus électoral équitable, conduit selon des standards internationaux. Ce processus encourage la protection des droits civils et politiques. La légitimité d’une élection peut être affectée par les critiques des observateurs.
La division de l’assistance électorale des Nations Unies est l’organisation la plus connue : des personnels permanents, observateurs et experts en élections qui assistent à des élections dans le monde entier. D’autres organisations internationales comme l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), l’Union Européenne (UE), le Conseil de l’Europe, l’Union Africaine ou encore l’OIF et la SADC (Southern African Development Community) peuvent également déployer des missions d’observation des élections. Les observateurs sont souvent concentrés dans les endroits les plus susceptibles de présenter des irrégularités. Enfin, on distingue les observateurs à court-terme qui sont présents dans les semaines précédant ou suivant directement le scrutin, des observations à long-terme qui sont présentes plusieurs mois avant les élections pour observer « le contexte électoral » d’une manière plus globale, ainsi que les éventuels cas de contestation.
Selon le contexte, la société civile peut se mobiliser pour observer des élections dans le but : d’engager les citoyens dans le processus électoral ; de décourager la fraude ; d’exposer les problèmes et les irrégularités ; de fournir une mesure exacte de la qualité de l’élection ; de promouvoir la confiance dans le processus et les résultats ; et de fournir des recommandations pour améliorer le processus pour la prochaine élection. À plus long terme, l’observation citoyenne des élections contribue à assurer l’intégrité électorale, et renforce la capacité de la société civile à promouvoir la participation des citoyens, à s’engager dans le plaidoyer politique et à favoriser la responsabilisation gouvernementale durant les élections et bien au-delà du cycle électoral.
Pour les élections congolaises du 23 décembre 2018, la société civile congolaise constituera la plus importante mission d’observation avec quelque 20.000 observateurs issus de la SYMOCEL (Synergie des Missions d’Observation Citoyenne des Elections) et quelque 40.287.387 observateurs dépêchés par la Commission Justice et Paix congolaise .Ces observateurs seront déployés dans les 76.000 bureaux de vote.
Concernant les observateurs internationaux, il y a lieu de signaler que les observateurs de l’Union Européenne, tout comme ceux du Centre Carter (américain) n’ont pas été invités pour observer les élections alors qu’ils l’avaient été lors du dernier scrutin de 2011 .Cette exclusion semble être la réponse aux sanctions de l’Union Européenne qui ont touché quelques ténors du régime proche de la mouvance présidentielle (dont le « dauphin » du président sortant) d’un côté mais reste interprétée, de l’autre, soit comme un manque de volonté de transparence, soit un corolaire du refus d’accueillir le soutien financier extérieur.
Le reporter Peter VANDERLIDEN de la VRT, ainsi que d’autres journalistes ont été refoulés et leur visa annulés considérés comme indésirables sur le sol congolais en période électorale .Une présence internationale sera toutefois assurée par des membres de la SADC et de l’Union Africaine avec quelque 200 observateurs à travers le pays.
La nuit du 12 décembre environ 8.000 machines à voter prévues pour la ville de Kinshasa ont été brûlées dans un incendie dont on ignore encore l’origine. La CENI, malgré les inquiétudes manifestées, rassure l’opinion n disant qu’elle dispose d’autres machines en réserve pour combler cette perte.
Un possible report ?
Le matin du 19 décembre, la campagne électorale a été suspendue à Kinshasa sur décision du Gouverneur de la province pour des raisons de sécurité.
Tout porte à croire qu’au 23 décembre tous les bureaux de vote n’auront pas été dotés de l’intégralité du matériel prévu pour les élections. Le report éventuel ne serait-il pas interprété comme un échec de l’équipe de la CENI en impliquant ainsi sa démission ou carrément comme un subterfuge du pouvoir en place ?
Une attention particulière est donc à avoir afin que ce pays ne sombre de nouveau dans une spirale de violence qui n’épargnera pas la région de l’Afrique Centrale.
À 3 jours des élections, la CENI reste confrontée aux défis techniques et logistiques. « L’acheminement des procès-verbaux n’est pas encore effectif dans tous les centres de vote et de compilation à travers l’immense territoire qu’est la République démocratique du Congo.»
Et à la veille des élections ?
Nous sommes aujourd’hui à la veille des élections en RD Congo. Il est important que le scrutin se passe dans un climat apaisé.
C’est le message envoyé par la Conférence Episcopale des évêques (CENCO), réunie en session plénière extraordinaire du 20 au 22 novembre dernier, à l’issue de laquelle elle a constaté la détermination de plus en plus affichée du gouvernement et de la CENI à tenir les élections le 23 décembre 2018, conformément au calendrier électoral. Malgré les divergences de vue sur certains points importants du processus, tous les partis et regroupements politiques semblent également résolus à aller aux élections. La CENCO a toutefois lancé un appel au peuple congolais. Elle a également plaidé pour l’unité du pays, l’intégrité de son territoire national, la justice, la paix et l’amélioration des conditions de vie de la population. Ces élections constituent pour le peuple congolais un moment important, et ce notamment en vue de l’exercice de son droit souverain primaire à se choisir les dirigeants qui lui seront redevables et qui travailleront pour son bien-être dans les années à venir. En parallèle, la majorité et l’opposition devraient participer à la fin du processus de façon constructive et éviter ainsi la surenchère verbale et les tactiques d’affrontement pour garantir un scrutin apaisé dans des conditions de sécurité et de transparence.
Ainsi sera surmonté le grand défi pour que les élections du 23 décembre 2018 ne constituent pas un énième rendez-vous manqué [1]8ème Rapport sur les Elections du 23 décembre 2018, Réseau pour la Réforme du Secteur de Sécurités de la Justice, p9. . Un processus historique dont la société civile aura joué un rôle prépondérant, de la préparation à l’observation, et qui pourra dès lors inspirer les mobilisations citoyennes à travers le monde.
Patrick Balemba.
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