La montée de l’extrême droite, ses conséquences pour la démocratie en Europe.

Dans le contexte occidental actuel, la démocratie est mise à l’épreuve par la montée de l’extrême droite. Cet article examine les crises économiques, identitaires et sécuritaires qui alimentent ce phénomène et renforce l’importance de l’éducation, élément central de la démocratie.

Depuis plusieurs décennies, l’Europe, plus particulièrement la Hongrie, la France et chez nous en Belgique, est le théâtre d’une montée inquiétante des mouvements d’extrême droite. Des partis politiques autrefois marginaux ont acquis une influence croissante, tant au niveau national qu’européen, et ont progressivement façonné le paysage politique. Cette tendance n’est pas isolée ; elle s’inscrit dans un contexte mondial où le populisme, le rejet des élites et la méfiance envers les institutions démocratiques deviennent des phénomènes de plus en plus répandus. Cette montée du populisme et de l’extrême droite en Belgique s’explique par une combinaison de crises économiques, sociales et identitaires, couplée à une défiance croissante envers les élites traditionnelles. L’exploitation des peurs liées à l’immigration, à la mondialisation, ainsi que la fragmentation de la société jouent également un rôle majeur dans cette tendance.

La montée de l’extrême droite doit être analysée non seulement en termes politiques, mais aussi à travers ses impacts sociétaux et économiques. Elle s’accompagne souvent d’une recrudescence de discours de haine, de la stigmatisation des minorités, ainsi que de remises en question des droits fondamentaux. Le repli identitaire, la xénophobie, et l’euroscepticisme sont devenus des thèmes centraux du discours politique de ces mouvements. Le citoyen et la citoyenne de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne sont pas épargné·es par cette vague, qui transforme non seulement le débat public, mais aussi les valeurs démocratiques sur lesquelles repose la société.

Dans cette analyse, nous nous inscrirons dans une démarche d’éducation permanente afin de mieux comprendre cette montée de l’extrême droite et ses répercussions sur la société. Comment comprendre les causes profondes de ce phénomène afin d’analyser ses implications sur les principes démocratiques et les droits humains ? Face à cette menace, quelles pistes d’action citoyenne envisager sur le plan politique et éducatif ? La montée de l’extrême droite est-elle une fatalité ?

La montée de l’extrême droite : Symptôme de crises et défis pour les démocraties

Comme le démontre l’étude du CENTRAVEC,  la montée de l’extrême droite en Belgique et dans d’autres démocraties occidentales est un phénomène complexe, reflet de crises économiques, identitaires et sécuritaires plus larges. Comprendre ces dynamiques est essentiel pour saisir les défis auxquels sont confrontées les démocraties contemporaines. Cette analyse propose d’examiner ces phénomènes à travers le prisme des valeurs démocratiques fondamentales de liberté, d’égalité et de fraternité, et de l’importance de l’éducation civique pour renforcer la démocratie.

L’essor de l’extrême droite est souvent associé à des crises économiques. En Belgique, comme dans d’autres pays européens, les périodes de récession économique et de chômage élevé ont créé un terreau fertile pour les discours populistes. Selon les politologues Inglehart et Norris[1], la théorie de la modernisation montre que les changements économiques rapides peuvent provoquer une anomie sociale, où les individus se sentent désorientés face aux transformations de la structure économique. Cette situation peut conduire à un ressentiment contre les élites politiques et économiques perçues comme responsables de ces changements, et à une recherche de boucs émissaires parmi les minorités ethniques et les immigrés1.

En Belgique, la montée du Vlaams Belang en Flandre illustre comment les crises économiques peuvent être exploitées par l’extrême droite pour gagner en popularité. Le parti a su capter les inquiétudes économiques des électeur·rices en promettant des politiques protectionnistes et anti-immigration, accusant souvent les étranger·es de voler des emplois et de profiter des aides sociales.

Les crises identitaires sont un autre facteur clé de la montée de l’extrême droite. La mondialisation, avec ses flux migratoires et ses échanges culturels, a remis en question les identités nationales traditionnelles. Les partis d’extrême droite exploitent souvent ces peurs en promouvant un nationalisme exclusif et en stigmatisant les immigré ·es et les minorités. En Belgique, la question de l’identité est également accentuée par les tensions linguistiques et régionalistes qui existent entre Flamands et Wallons.

Cas Mudde souligne que l’extrême droite instrumentalise les crises identitaires pour mobiliser un électorat inquiet de la perte de leur culture et de leurs traditions face à la diversité croissante2. Le discours de l’extrême droite se concentre souvent sur la défense de l’identité nationale contre les menaces perçues de l’immigration et de l’islamisation.

Les crises sécuritaires, notamment les attentats terroristes et l’augmentation perçue de la criminalité, ont également contribué à la montée de l’extrême droite. Les partis d’extrême droite exploitent les peurs sécuritaires pour justifier des politiques autoritaires et xénophobes. En Belgique, les attentats de Bruxelles en 2016 ont été un catalyseur pour l’extrême droite, qui a utilisé ces événements pour promouvoir des politiques de sécurité renforcées et des restrictions à l’immigration.

Selon les travaux du politologue américain et spécialiste du terrorisme, Robert Pape, “les crises sécuritaires amplifient le soutien aux partis qui promettent la sécurité avant tout, souvent au détriment des libertés civiles”3. Cette dynamique est visible aussi en Belgique, où les discours de l’extrême droite mettent en avant la sécurité nationale comme justification aux mesures draconiennes.

Impact sur les valeurs démocratiques

L’analyse de la montée de l’extrême droite à travers le prisme des valeurs démocratiques de liberté, solidarité et de fraternité révèle des tensions profondes. Les politiques et discours de l’extrême droite tendent à éroder ces principes fondamentaux.

Liberté : L’extrême droite promeut souvent des politiques restrictives qui limitent les lib[2]ertés individuelles, notamment celles des minorités et des immigré·es. Les propositions de surveillance accrue et de mesures de sécurité renforcées peuvent également mener à une réduction des libertés civiles pour l’ensemble de la population.

Solisatité : Les partis d’extrême droite ont tendance à promouvoir une vision inégalitaire de la société, où les droits des citoyen·nes sont conditionnés par leur origine ethnique ou leur religion. Cela va à l’encontre du principe démocratique d’égalité devant la loi et d’égalité des chances pour tous les citoyens.

Fraternité : La fraternité, ou la solidarité sociale, est minée par les discours de division et de haine promus par l’extrême droite. En stigmatisant certains groupes, ces partis créent un climat de méfiance et de fragmentation sociale qui s’oppose à l’idée d’une communauté nationale unie et solidaire.

L’éducation permanente : Un rempart contre le populisme

Pour contrer la montée de l’extrême droite et ses effets néfastes sur les valeurs démocratiques, il est impératif de renforcer l’éducation civique et la participation active des citoyen·nes. Le décret sur l’éducation permanente en Belgique (2003) souligne l’importance de promouvoir des initiatives visant à encourager l’engagement civique et la compréhension des principes démocratiques4.

La désinformation et les fake news sont des outils couramment utilisés par l’extrême droite pour manipuler l’opinion publique. Des programmes éducatifs doivent être développés pour améliorer les compétences médiatiques des citoyen·nes, les aidant à identifier les sources fiables et à analyser de manière critique les informations qu’ils reçoivent. L’éducation permanente joue un rôle crucial dans ce domaine en offrant des formations continues qui permettent aux citoyen·nes de rester informé·es et critiques face aux médias.

L’éducation permanente met également l’accent sur la promotion de l’inclusion et de la diversité. En sensibilisant les citoyen·nes aux avantages d’une société diversifiée et en combattant les préjugés, on peut réduire le soutien aux politiques d’exclusion et de discrimination. Les initiatives telles que les ateliers interculturels et les formations sur la diversité contribuent à créer un climat de respect et de tolérance.

Il est crucial de renforcer les institutions démocratiques pour résister aux tentatives de subversion par l’extrême droite. Cela inclut des mesures pour garantir l’indépendance judiciaire, la liberté de la presse et la transparence gouvernementale. Des institutions fortes et résilientes sont essentielles pour maintenir la confiance des citoyen·nes dans le système démocratique. L’éducation permanente contribue à ce renforcement en formant des citoyen·nes conscient·es de leurs droits et responsabilités, et capables de participer activement à la vie démocratique.

L’article 24 de la Constitution belge garantit le droit à l’éducation et souligne l’importance de l’éducation permanente5. Ce droit est essentiel pour permettre à chaque citoyen·ne de s’épanouir et de participer pleinement à la société. Le décret sur l’éducation permanente (2003) précise les objectifs de cette politique, incluant la promotion de la citoyenneté active, la lutte contre les inégalités sociales et l’encouragement à la participation démocratique.

Agir face à la montée de l’extrême droite, un impératif pour la démocratie

La montée de l’extrême droite en Europe constitue un défi majeur pour les sociétés contemporaines, y compris en Belgique. Les mouvements extrémistes s’appuient sur des peurs, des frustrations, et des ressentiments souvent légitimes, mais instrumentalisés à des fins dangereuses pour la cohésion sociale. Les valeurs démocratiques, telles que la tolérance, le respect des droits humains et la solidarité, sont aujourd’hui menacées par ces idéologies. Elles se nourrissent d’un rejet des différences et d’une vision exclusive de la société, en opposition directe avec les principes fondateurs de nos démocraties pluralistes.

Face à ce constat, il est essentiel d’adopter une approche proactive, tant au niveau institutionnel que citoyen, pour contrer l’influence de l’extrême droite. Il ne suffit plus de se contenter de dénoncer ces mouvements : il faut également agir de manière concertée et stratégique. La réponse à la montée de ces idéologies doit s’ancrer dans des actions de long terme qui reposent sur l’éducation, le dialogue et l’implication active des citoyen·ne·s.

L’éducation permanente joue ici un rôle central. En renforçant les compétences critiques des citoyen·ne·s, en les sensibilisant aux mécanismes populistes et en les outillant pour faire face aux discours de haine, il est possible de construire une résilience collective. Cela nécessite aussi un engagement institutionnel fort, en soutenant les organisations de la société civile et en développant des politiques publiques qui promeuvent l’inclusion, l’égalité des chances et la justice sociale.

Il est tout aussi crucial de repenser les dynamiques économiques et sociales qui permettent à l’extrême droite de prospérer. Les inégalités croissantes, le sentiment d’abandon de certaines populations, et la perte de confiance envers les institutions démocratiques forment un terreau fertile pour le populisme. Répondre aux besoins légitimes des citoyen·ne·s, notamment ceux et celles les plus marginalisé·e·s, est un enjeu clé pour déjouer les discours d’extrême droite.

En conclusion, l’avenir de nos démocraties dépend de notre capacité à reconnaître les dangers que représentent ces mouvements extrémistes et à agir collectivement pour les contrer. Chaque citoyen·ne, chaque organisation, chaque institution a un rôle à jouer pour préserver les acquis démocratiques. La lutte contre l’extrême droite est un combat pour l’avenir, pour une société qui ne cède pas à la peur, mais qui choisit la solidarité, la justice et la diversité comme socles de son avenir commun. Il est temps d’agir, de manière déterminée et collective, pour que les valeurs démocratiques prévalent et que les forces de division soient neutralisées avant qu’elles n’érodent irrémédiablement nos sociétés.

Patrick Balemba Batumike.

Notes de bas de pages :

  1. Inglehart, R., & Norris, P. (2016). Trump, Brexit, and the rise of populism: Economic have-nots and cultural backlash. Harvard Kennedy School Working Paper.
  2. Mudde, C. (2019). The Far Right Today. Polity.
  3. Pape Robert. A. (2005). Dying to Win: The Strategic Logic of Suicide Terrorism. Random House.
  4. Décret sur l’éducation permanente du 17 juillet 2003. Moniteur belge.
  5. Rupnik, Jacques. Montée de l’extrême droite en Europe : (www.touteleurope.eu)
  6. Constitution belge. Article 24.

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