Conflicts with new faces – what horizon for peace?

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Les conflits de ces dernières décennies ont radicalement changé le rapport de force sur la scène internationale. La multitude des acteurs impliqués, leur nature complètement différente par rapport au passé, la technologie moderne et les médias ont changé le visage de la guerre. Désormais, les conflits entre Etats engageant la confrontation entre armées professionnelles, pour une période bien définie et conclue par des armistices, relèvent du passé. Dans ce contexte, quelle est la spécificité des nouveaux conflits dans le XXIème siècle et comment peut-on arriver à leur résolution d’une manière pacifique et durable ?


Désormais, les conflits se déroulent souvent à l’intérieur même des Etats, comme le montre le dernier numéro du Grand Atlas 2020 édité par Courrier international [1]Courrier international, Grand Atlas 2020 Autrement, 1ère de la couverture (intérieur).: «80% des conflits se déroulent à l’intérieur des frontières étatiques ». On ne parle plus de guerre entre Etats mais plutôt de « conflits asymétriques », entre différents niveaux de pouvoir : les Etats, mais aussi des groupes rebelles, des puissances financières etc. Autrement dit, les conflits contemporains transcendent les frontières nationales.

Les acteurs impliqués ont changé la donne également de par leur multiplicité et leur diversité. Très souvent, ils ont su profiter de l’essor des nouvelles technologies et de la porosité des frontières pour se rendre « invisibles » et mener à bien des actions destructrices. On assiste ainsi à un véritable jeu de chat et souris entre d’un côté, les structures « lourdes » de l’Etat – mastodonte bureaucratique et administratif – et de l’autre côté, la flexibilité et la souplesse de ces nouveaux acteurs capables de s’immiscer dans les conflits du jour au lendemain.

Par ailleurs, par le passé, les enjeux derrière les conflits étaient essentiellement liés aux revendications territoriales et à la quête du pouvoir. De nos jours, une nouvelle cause s’est rajoutée. Celle-ci découle de l’évolution de nos sociétés de plus en plus « gourmandes » en ressources naturelles, telles que le pétrole, les terres rares, l’eau ou les minerais. Différents acteurs (Etats, multinationales, groupes armés) prennent part à des conflits interminables dans des régions gorgées de ressources naturelles où, paradoxalement, des populations civiles manquent de ressources de base pour garantir leur droit à une vie digne.

La quête du pouvoir militaire constitue également une cause de conflit dans le monde. Cela passe par le développement des industries de l’armement et les dépenses militaires. A ce titre, il convient de citer le rôle majeur que le lobby des armes (NRA) [2]NRA (The National Rifle Association). joue aux Etats Unis, une des puissances qui alloue des budgets considérables pour l’armement et l’innovation technologique. Les dépenses militaires américaines atteignaient 649 milliards USD en 2018. La même année, la Chine a augmenté ses dépenses militaires de 5% et l’Inde de 3,1%. Ainsi, les Etats-Unis suivis par la Chine, l’Arabie saoudite, l’Inde et la France représentent ensemble 60% des dépenses militaires mondiales [3]Rapport GRIP : « Dépenses militaires, production et transferts d’armes », Compendium 2019, p.8..

Mais qui paye le prix et subit les conséquences de ces « investissements » sur le terrain ? Le plus souvent, ce sont les populations civiles. Selon Amnesty International, le nombre de victimes civiles en temps de guerre est passé de 5% au début du XXème siècle, à 15% pendant la Première Guerre Mondiale, puis à 65% à la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour culminer à 90% lors des conflits armés des années 1990 [4]Amnesty International, vidéo « Voir pour comprendre : les civils dans les conflits "..

Les nouvelles facettes de la guerre

Le développement technologique, l’évolution du contexte et des acteurs internationaux posent de nouveaux défis en termes de compréhension des conflits et des enjeux stratégiques qui les motivent. Des puissances politiques mènent une lutte acharnée pour contrôler l’information, qu’elle soit politique, technologique ou géostratégique. La culture est également instrumentalisée par des puissances pour étendre leur influence. Par exemple l’industrie cinématographique de Hollywood est un outil extrêmement efficace pour transmettre partout dans le monde « the American way of life ». Dans ce contexte, les conflits n’ont pas uniquement lieu sur les espaces physiques (terre, eau, air), mais également sur des champs plus symboliques (l’information, la culture, l’internet)

A l’aune des technologies informatiques desquelles les armées sont de plus en plus dépendantes, quel uniforme endosse la guerre moderne ?

Les cyberconflits

Apparus au début du XXIème siècle avec l’essor des technologiques informatiques et de l’espace numérique, les cyberconflits constituent le 5ème plus gros risque mondial en 2020, selon le sondage « Global Risks Perception Survey » publié par le Forum Economique Mondial [5]Global Risks 2020 : an unsettled world, fig. 1.1 qui dresse la liste des principaux risques mondiaux et de leur impact respectif sur l’humanité. 76,1% des sondés estiment que le risque de cyberattaques va encore augmenter en 2020. Ces conflits se déroulent dans le cyberespace qui après la terre, la mer, l’air et l’espace est le cinquième territoire soumis aux rivalités des puissances [6]Pascal Boniface, La géopolitique – 48 fiches pour comprendre l’actualité, ed. 2018, p. 67..

Toutefois, la définition du cyberespace ne fait pas l’unanimité. D’un côté, on le décrit comme espace de liberté et d’expression publique libre de régulation et de l’ingérence étatique, favorisant la diffusion d’informations. On attribue notamment un rôle essentiel à l’Internet et aux réseaux sociaux dans les mobilisations citoyennes partout dans le monde, ainsi qu’aux « hackivistes » comme le mouvement Anonymus qui agissent pour défendre la liberté d’expression.

De l’autre côté, Internet engendre le risque, de par son anonymat qui est à la fois sa force et sa faiblesse, d’être difficilement contrôlable et de devenir ainsi un espace de convoitise pour les nouvelles formes de criminalité, à savoir les cyberattaques utilisées par différents acteurs géopolitiques, y compris les Etats.
Les cyberattaques peuvent prendre plusieurs formes :

  • Sabotage : pratique dont le but est d’empêcher un système de fonctionner ;
  • Espionnage : action qui vise à s’introduire dans un système afin d’y dérober des données ;
  • Subversion : pratique dont le but est de rallier des gens à sa cause par ses exploits ou la dénonciation des méfaits de l’autre.

En avril 2019, l’entreprise 4IQ spécialisée dans les cyberattaques listait les menaces de cybersecurité provenant du « darknet », plateforme cachée de l’Internet conventionnel où des activités de criminalité informatique et trafics de toute sorte se font sans aucune restriction. En plus, en décembre 2017, la même entreprise a révélé que le « darknet » disposerait d’une base de données piratée et libre d’accès contenant 1.4 milliard de données et mots de passe. Certains Etats ont pris des mesures et ont fait de la cybersécurité un enjeu majeur. En mai 2019, Israël a riposté pour la première fois de l’histoire par une frappe militaire contre un site à Gaza, après avoir accusé le Hamas d’avoir orchestré une attaque virtuelle contre Israël. La Belgique a mis en place en 2015 le Centre pour la Cybersécurité Belgique (CCB). L’OTAN a également créé un Centre d’excellence en matière de cyberespace et l’Union européenne a fondé en 2004 l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA). La Chine n’est pas restée bras croisés et, selon un rapport publié par la société de sécurité informatique américaine « Mandiant », elle s’est dotée en 2004 et au sein de l’armée chinoise, de l’Unité secrète 61398, spécialisée dans le cyber-espionnage. Le géant de la téléphonie mobile Huawei, deuxième numéro mondial après Samsung, est également soupçonné d’espionnage via les infrastructures de téléphonie 5G, susceptibles de pouvoir capter des informations sensibles.

Les guerres de l’espace

Les moyens spatiaux constituent une composante essentielle de la maîtrise de l’information, clé de la puissance du XXIème siècle. Préoccupation primordiale pendant la Guerre froide, la conquête de l’espace demeure un objectif géostratégique des grandes puissances car celui qui contrôle l’espace contrôle également la Terre via des systèmes de transmission, de positionnement et captation du renseignement : « Dans l’art militaire, la maîtrise du point le plus haut a toujours représenté un atout stratégique décisif. Par analogie, l’espace est devenu ce point haut permettant de contrôler et de dominer les positions terrestres » [7]Ibid 6 p.62..
Dans la mesure où l’espace extra-atmosphérique n’a pas d’appropriation nationale, différents types d’engins y gravitent en toute liberté: « des sous-marins de l’espace, des satellites additionnels qui sont envoyés dans l’espace en même temps qu’un autre satellite et qui s’en détachent à un moment, des drones aérospatiaux » [8]Jean Luc Lefebvre : « Stratégie spatiale : penser la guerre des étoiles », éditions L’esprit du livre, juin 2011.. L’impact de ces engins sur terre est colossal car une attaque spatiale pourrait nuire aux systèmes de télécommunication et de GPS, impacter les flux financiers internationaux, dysfonctionner les systèmes d’échange de données, endommager les capacités militaires voire même désorbiter un satellite adverse.

A la fin de la Guerre froide, la course à la reconquête spatiale a été relancée avec, en ligne de mire, les anciennes puissances (Etats-Unis et la Russie), suivies de près par certains pays émergents du bloc des BRICS, en particulier la Chine. En janvier 2019, le pays a réitéré ses ambitions spatiales en lançant le module explorateur Chang’e-4 qui a réussi un atterrissage inédit sur la face cachée de la Lune. Des chercheurs chinois sont même allés jusqu’à cultiver du coton dans une biosphère à bord de l’explorateur, mais l’expérience a pris fin à cause du gel. La Chine est devenue le premier pays au monde à faire pousser une plante sur un autre corps céleste que la Terre, ce qui constitue une véritable prouesse technologique. Notons qu’en mars 2019, un accord a été signé entre la France et la Chine dans le domaine de l’exploration planétaire. Quant aux Etats-Unis, ils annonçaient à la même période l’accélération de leur programme spatial de retour sur la Lune d’ici 2024. Malgré la course de plus en plus accrue des grandes puissances pour conquérir la Lune, le Traité de la Lune de 1979 adopté sous l’égide des Nations-unies met en exergue le fait que l’astre et les autres corps célestes du système solaire reviennent à l’humanité tout entière. Mais dans le vide juridique existant concernant la guerre dans l’espace, nul ne sait ce que l’avenir réservera.

Les guerres médiatiques et « twiplomacy »

L’information c’est le pouvoir et avec l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), les stratèges de guerre et les dirigeants politiques utilisent de plus en plus les médias pour légitimer les conflits, voire même les gagner. Désormais, les guerres ne se déroulent plus dans des espaces lointains, mais devant nos yeux, sur nos écrans. Les journalistes jouent un rôle crucial dans la prise de conscience collective. Celles et ceux qui travaillent pour des médias indépendants sont souvent menacés et risquent leur vie pour transmettre des informations fidèles à la réalité du terrain. Dans le dernier rapport publié par Reporters sans frontières en 2019 sur la liberté de la presse, les dernières places reviennent aux pires dictatures où faire du journalisme est synonyme de courage : le Turkménistan, la Corée du Nord, la Chine, le Soudan ne sont que quelques exemples.

Par ailleurs, détruire ou même éliminer la presse d’opposition est devenu un objectif en soi, comme ce fut le cas lors de l’intervention en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003 où les locaux de la chaîne de télévision Al Jazeera, critique de ces interventions, ont été bombardés par le gouvernement américain, un signal pour faire taire les journalistes opposants, voire même les tuer. Mais il y aussi les médias proches des pouvoirs centraux qui permettent à des puissances de légitimer l’intervention dans certains conflits. Ainsi, ces médias trahissent leur rôle et sont à la solde des Etats, servant d’organes de propagande : « Avant, ils servent à convaincre et à mobiliser ; pendant, ils aident à cacher, intoxiquer et galvaniser ; après, ils contribuent à justifier la guerre, à façonner les perceptions de la victoire et à interdire les éventuelles critiques » .

Quelques exemples édifiants dans ce sens sont : l’agence de presse multimédia internationale « Sputnik » et la chaîne internationale « Russia Today » utilisée comme outil de propagande par le pouvoir russe ; la chaîne de télévision Fox News fervent supporter du Président Trump ; l’agence de presse nationale chinoise « Xinhua » ; le réseau international de la chaîne qatari Al Jazeera qui émet dans plusieurs langues et a une grande couverture internationale. Les médias deviennent ainsi un outil de relations publiques et de marketing utilisé pour « vendre » une guerre et gagner des sympathisants. Cela passe par l’instrumentalisation des émotions au détriment des faits réels.

Les guerres médiatiques ont désormais basculé dans les nouveaux médias, à savoir les réseaux sociaux, en suivant de près l’apparition de ce qu’on appelle « la diplomatie digitale» ou « eDiplomacy ». Twitter y est le point focal en devenant le média par excellence de l’influence politique sur la toile. Le monde se fait et se défait sur Twitter, voire même retient son souffle lorsque des menaces d’attaques nucléaires sont désormais proférées dans des messages courts. Les échanges de tweets entre le président Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-Un illustrent parfaitement cette dynamique.

Que peut-on faire en tant que citoyens face à l’émergence de ces nouveaux conflits ?

Parmi les possibilités d’actions citoyennes, nous pouvons nous munir des clefs de lecture permettant de bien saisir les dessous de ces nouveaux conflits et pouvoir ainsi mieux les comprendre.
Deuxièmement, on devrait se mobiliser davantage tant pour des enjeux locaux, mais aussi pour des enjeux mondiaux et des conflits lointains qui affectent les populations civiles, comme les marches contre la guerre en Syrie organisées régulièrement.
Enfin, nous pouvons interpeller les dirigeants politiques, souvent en proie à une diplomatie traditionnelle misant sur l’affrontement militaire à tout prix, pour qu’ils puissent prendre en compte des moyens plus pacifiques de résolution des conflits. Le but de cette démarche serait d’atteindre à terme, une paix durable. Comme souligné dans l’outil « Comprendre les conflits », « les transformations qu’ont connues les conflits ces dernières années impliquent une révision drastique des méthodes de traitement des conflits, tant d’un point de vue militaire que diplomatique » [9]Outil pédagogique « Comprendre les conflits internationaux », Justice et Paix, p.33..

Larisa Stanciu.

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Notes

Notes
1 Courrier international, Grand Atlas 2020 Autrement, 1ère de la couverture (intérieur).
2 NRA (The National Rifle Association).
3 Rapport GRIP : « Dépenses militaires, production et transferts d’armes », Compendium 2019, p.8.
4 Amnesty International, vidéo « Voir pour comprendre : les civils dans les conflits ".
5 Global Risks 2020 : an unsettled world, fig. 1.1
6 Pascal Boniface, La géopolitique – 48 fiches pour comprendre l’actualité, ed. 2018, p. 67.
7 Ibid 6 p.62.
8 Jean Luc Lefebvre : « Stratégie spatiale : penser la guerre des étoiles », éditions L’esprit du livre, juin 2011
9 Outil pédagogique « Comprendre les conflits internationaux », Justice et Paix, p.33.
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