« Vous savez, les « minerais des conflits » ne se présentent plus tout à fait sous la même forme qu’il y a quelques années, et cela contrairement à ce que croient encore beaucoup d’ONG européennes », nous confie Descartes Mponge Malasi, le président de la société civile du Sud-Kivu. S’il est vrai que l’intensité des conflits a baissé de plusieurs crans, les minerais continuent d’être taxés par des groupes armés illicites et l’armée régulière congolaise grâce à des modes opératoires innovants visant à contourner l’attention sans cesse croissante de la communauté internationale sur cette région du monde…
La province du Sud-Kivu située à l’Est de la RD Congo, est un territoire maintes fois meurtri par des conflits sanglants qui ont vu depuis près de 20 ans groupes rebelles et armée régulière se déchirer sur fond de dissensions ethniques et territoriales. Les populations semblent enfin recommencer à vivre en paix, malgré une pauvreté criante qui gangrène toujours la société. Bukavu, capitale de la province, a vu son nombre d’habitants augmenter drastiquement ces dernières années, sous la pression de l’exode rural provoqué par les guerres. Aujourd’hui, les marchés, écoles et églises ne désemplissent pas et la circulation des motos et taxis est effrénée. Signe que l’on n’a au moins plus peur de sortir et de vaquer à ses occupations. Pourtant, c’est bien un calme de façade qui prédomine. Il cache la réalité toujours problématique que vit le territoire tout entier. Avec 920 sites miniers artisanaux qui sont autant de foyer potentiels de tensions, le Sud-Kivu ne parvient toujours pas à s’extirper de ce cycle de violence endémique. « Si auparavant les conflits étaient provoqués par des revendications ethniques et de territoires, nous faisons face à de nouvelles réalités », nous explique Descartes Mponge. Pour ce militant des droits de l’Homme entendu par le Parlement européen en décembre 2014 au sujet d’un futur règlement européen visant à briser les liens entre commerce des ressources naturelles et conflits, les différents groupes armés ont désormais comme objectif principal de s’accaparer des ressources minières afin de s’enrichir. « C’est un glissement qui s’est opéré lentement mais qui explique les nouveaux comportements enregistrés sur le terrain. Il est désormais réducteur de dire que les ressources naturelles jouent comme auparavant uniquement un rôle visant à les intensifier et les perpétuer » [1]Voir « À l’Est du Congo, briser le lien entre conflits et ressources naturelles » : www.justicepaix.be/?article777.Documents joints
Notes[+]
↑1 | Voir « À l’Est du Congo, briser le lien entre conflits et ressources naturelles » : www.justicepaix.be/?article777 |
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↑2 | Visites menées par une large palette d’acteurs de la société civile, du monde politique et de la coopération internationale visant à prouver que les sites miniers n’accueillent pas de groupes armés, de femmes enceintes, ni d’enfants. S’il est prouvé que le site est « propre », il obtient un statut de site « vert » et peut ainsi prétendre à instaurer un système de traçabilité. |
↑3 | Lignes Directrices de l’Organisation de Coopération et de développement économiques pour des chaînes d’approvisionnement responsable en minerais issus des zones de conflits et à haut risques, 2010. Cet outil vise à aider les entreprises, par un guide pratique en 5 étapes, à s’approvisionner de manière responsable en minerais. www.oecd.org/corporate/mne/mining.htm |
↑4 | La loi nord-américaine Dodd-Frank et sa section 1502 qui vise particulièrement à obliger les entreprises enregistrées dans une bourse américaine à faire preuve de « diligence raisonnable » dans leur chaîne d’approvisionnement si leurs minerais proviennent d’Afrique Centrale. |
↑5 | Voir « Comment mettre fin aux « minerais des conflits » ? www.justicepaix.be/?article822 |
↑6 | 480 entreprises dites « importatrices » sont visées par le projet de règlement, alors qu’il existe des milliers d’autres entreprises européennes utilisant les minerais visés dans leurs activités. Seulement quatre minerais sont couverts (or, étain, tungstène, cassitérite, tantale), alors que d’autres minerais/minéraux/métaux ont été détectés comme ayant permis à des groupes armés de s’enrichir illicitement dans le monde. Voir le rapport du CCFD-Terre Solidaire à ce sujet : http://ccfd-terresolidaire.org/infos/paix-et-conflits/un-rapport-sur-des-4789 |
↑7 | Voir « composition de nos appareils électroniques : des entreprises en crise … de moralité ? » www.justicepaix.be/?article864 |