Comme nous l’avons dit, notre modèle de développement occidental, basé sur le progrès industriel et la croissance, reste dans l’imaginaire de beaucoup la recette idéale à appliquer car il nous a permis d’atteindre notre confort de vie actuel. Différents économistes (Adam Smith, Herbert Spencer, Walt Whitman Rostow) postulent que toutes les sociétés parcourent naturellement une série d’étapes au cours de leur histoire, d’un stade primaire à un stade développé/industriel. Même si les inégalités de richesse explosent et projettent un nombre toujours plus important d’européens dans la précarité [4], notre classe dirigeante continue de penser utile de faire rayonner notre modèle dans les autres pays du monde, notamment ceux du Sud de la planète.
Dans les pays sous-développés ou en voie de développement, on peut dégager plusieurs modèles de développement économique mis en œuvre [5]. Passons par un petit aperçu historique. Suite à la crise de 1929, les pays d’Amérique latine ont constaté l’inefficacité d’une économie basée sur les exportations de matières premières. L’industrialisation leur est dès lors apparue comme la voie de la prospérité. Plus question d’importer trop de marchandises de l’extérieur mais bien de produire ses propres biens de consommation. Cette politique passant par un rôle important accordé à l’État a donné lieu à une période de croissance. Ce modèle s’est effondré dans les années 80 où de nombreux pays d’Amérique latine (Argentine, Mexique, Brésil, etc.) se sont retrouvés en situation de crise financière aigüe. Les biens produits sur place étaient impayables [6]. Les taux d’intérêt des emprunts latino-américains ont augmenté brutalement et ces derniers se sont retrouvés dans l’incapacité de payer.
Pour éviter la banqueroute, ces pays furent contraints de se tourner vers la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI). Ils obtinrent de nouveaux prêts conditionnés à l’adoption d’un plan d’ajustement structurel (PAS). Celui-ci impliquait des mesures économiques strictes : diminution du rôle de l’État, privatisations, diminution des dépenses publiques… Aussi appelé Consensus de Washington, cette recette libérale fait confiance au marché et à la mondialisation pour apporter le développement. Aujourd’hui, ces PAS sont largement critiqués pour leurs effets contre-productifs. En outre, plus qu’à un ajustement structurel, ces programmes ont contraint les pays du Sud à s’aligner sur le paradigme économique officiel des sociétés du Nord basé sur la concurrence,l’enrichissement et la promotion de l’individu.
Suite à la crise financière de 2008, des recettes similaires ont été imposées aux pays européens, avec des degrés d’intensité différents. Quelques années plus tard, le FMI et la Banque Mondiale admettent les limites des politiques d’austérité. Et l’ONU vient de publier un rapport qui vise le dépassement de l’austérité.
Du côté asiatique, plusieurs pays (dont la Chine, la Corée du Sud, Taïwan) ont décidé de baser leur développement sur le marché et une forte mainmise de l’État. En connivence avec certaines entreprises privées, ce dernier conduit un libéralisme contrôlé.
En Afrique, la décolonisation des années 60 a donné l’espoir d’un développement autonome, inclusif et participatif. Mais la tutelle occidentale est restée prégnante dans ce continent riche en matières premières indispensables à l’Union européenne. La plupart des pays africains ont une économie qui repose sur l’exportation de matières premières ciblées. L’Afrique importe ainsi 83% des produits alimentaires transformés. D’aucuns iront jusqu’à dire que le développement s’y apparente à une nouvelle forme de colonisation.
De nombreux pays en voie de développement continuent de percevoir le modèle de développement occidental comme l’idéal à atteindre. La plupart des pays veulent s’intégrer au grand jeu du marché mondial. C’est la trajectoire qu’ont en tout cas suivie plusieurs pays d’Amérique latine. C’est le cas du Pérou et de nombreux autres pays qui présentent une économie peu diversifiée basée principalement sur l’exportation de matières premières peu transformées et donc assez vulnérables aux variations de prix. Pourtant, l’alignement des pays en voie de développement sur le modèle occidental est impossible quand on sait que 20% de la population mondiale consomme 80% des ressources naturelles de la planète.
On le voit, sous l’influence de l’Occident, et dans le cadre d’échanges mondialisés, les modèles de développement ont tendance à s’uniformiser. Les pays cherchent ainsi à créer de la croissance selon leur profil économique afin de créer de la richesse et se développer. Mais depuis plusieurs décennies, on constate les dégâts de ce modèle de développement qui suppose une phase d’industrialisation coûteuse en énergie et en ressources. Plus les pays se développent économiquement, plus ils dégagent une capacité à consommer pour une classe moyenne élargie. S’enclenche le cercle vicieux d’une consommation massive alimentée par une production intensive de biens matériels dont le coût écologique est devenu insupportable pour la planète.
Les excès écologiques de ce modèle sont reconnus et admis par un cercle toujours plus large. Ainsi, il a fallu inventer une nouvelle vision du développement assurant un avenir paisible : le développement durable.