Entre 1995 et 1997, les 29 États membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) avaient entrepris en secret la négociation d’un accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qui consacrait la prévalence du droit des entreprises multinationales sur celui des peuples. Aujourd’hui, cet accord avorté revient sous une nouvelle forme non moins néfaste: le traité transatlantique. Reste à savoir si la mobilisation ayant permis de contrer l’AMI il y a 20 ans peut à nouveau se réveiller !
« Le bien-être passe par la croissance, et la croissance par le commerce, donc tout au commerce » ! Ce discours simplificateur est vécu comme une véritable prophétie par nombre de responsables du monde politique prêts à négliger certaines normes socio- environnementales pour atteindre ce bel idéal. Dans notre monde globalisé où la logique concurrentielle règne en maître, c’est à qui fera l’alliance commerciale la plus stratégique pour dynamiser son économie. C’est ainsi que près de 200 accords commerciaux bilatéraux et régionaux sont entrés en vigueur depuis 1999 [1]Zacharie Arnaud, « Les accords commerciaux bilatéraux et régionaux : la raison du plus fort ? », la plupart étant des accords de libre-échange Nord-Sud [2]Le libre-échange Nord-Sud signifie qu’un accord de type commercial est conclu entre un pays « riche » du Nord et un pays dit « en développement » du Sud. où la raison du plus fort s’impose souvent au détriment du respect des droits les plus fondamentaux. C’est autour de ce sujet que 4 partis politiques belges, le Sp.a avec Dirk Van der Maelen, Groen avec Petra de Sutter, le cdH avec Georges Dallemagne et le PTB+/PVda+ avec Tim Joye ont exprimé leur positionnement aux citoyens.« procéderait au démantèlement de tous les obstacles au commerce des services [3]Il s’agit d’un projet de marchandisation des services publics (santé, éducation, services sociaux…) qui renforceraient les tendances à la privatisation et à la commercialisation de ceux-ci et de tous les tarifs douaniers sur les produits. Les barrières techniques et non tarifaires seraient également éliminées à travers l’harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes et des réglementations. Les marchés publics, la propriété intellectuelle et l’investissement seraient intégralement libéralisés ». [4]Lire l’article complet sur MediapartConcrètement, le traité permettrait à des entreprises privées de concurrencer nos services publics en matière de santé et d’éducation notamment. Cette logique privée purement marchande pourrait bien engendrer une dégradation de la qualité des services, des soins et des conditions de travail comme on le voit dans les hôpitaux privés de Grande-Bretagne, indique un rapport officiel. [5]Mentionné dans CNE, « Le traité transatlantique : le comprendre pour le couler » Même affaire pour l’éducation qui verrait bientôt fleurir des universités privées indépendantes du contrôle des États et probablement étrangères au développement de l’esprit critique qui nous est cher. Alors pourquoi conforter davantage un partenariat entre ces deux géants économiques tandis que les taxes douanières [6]Il s’agit d’une taxe prélevée sur une marchandise importée lors de son passage à la frontière. Les droits de douane s’élèvent en moyenne à 5,2% pour les biens à destination de l’UE … Continuer la lecture environnent déjà les 4% et que l’ampleur des échanges annuels dépasse les 600 milliards de dollars pour les seuls produits ? Officiellement, pour favoriser la croissance et l’emploi, officieusement, pour consacrer la suprématie des entreprises privées sur les États, le tout inféodé au libéralisme dérégulé. Car la ratification de ce traité supposerait aussi l’élimination des barrières non tarifaires existantes, c’est-à-dire de la plupart des normes et des réglementations à l’arrivée des produits américains sur le marché européen. Autrement dit, la disparition des mesures de protection sociales, environnementales et sanitaires qui contreviendraient à la liberté de marché voulue par des entreprises avides de profit. Produits OGM, bœuf aux hormones, porc gonflé à la ractopamine… pourraient alors peupler nos supermarchés. Avec en prime, le privilège pour ces entreprises de porter plainte en cas de résistance d’un État à leurs bénéfices potentiels dans des tribunaux spécialement créés pour arbitrer ce genre de litiges. Plus encore, un Conseil de coopération réglementaire composé de hauts fonctionnaires européens et américains serait chargé d’évaluer si les lois des gouvernements nationaux ne coûtent pas trop cher aux entreprises et, auquel cas, de les recaler. Un avenir où le libre-échange institutionnalisé imprégnerait toutes les politiques publiques en ne leur concédant que quelques miettes de souveraineté.
- Emploi:
- Arbitrage investisseurs/États :
- Environnement :
« Citoyens, gardez l’œil ouvert, restez critiques, et ne vous laissez pas embobiner ! ».
Documents joints
Notes[+]
↑1 | Zacharie Arnaud, « Les accords commerciaux bilatéraux et régionaux : la raison du plus fort ? », |
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↑2 | Le libre-échange Nord-Sud signifie qu’un accord de type commercial est conclu entre un pays « riche » du Nord et un pays dit « en développement » du Sud. |
↑3 | Il s’agit d’un projet de marchandisation des services publics (santé, éducation, services sociaux…) qui renforceraient les tendances à la privatisation et à la commercialisation de ceux-ci |
↑4 | Lire l’article complet sur Mediapart |
↑5 | Mentionné dans CNE, « Le traité transatlantique : le comprendre pour le couler » |
↑6 | Il s’agit d’une taxe prélevée sur une marchandise importée lors de son passage à la frontière. Les droits de douane s’élèvent en moyenne à 5,2% pour les biens à destination de l’UE et à 3,5% pour les biens à destination des États-Unis. |
↑7 | WALLACH Lori M., « Le traité transatlantique, un typhon qui menace les européens ». |
↑8 | Ce terme désigne les usines de montage situées à la frontière entre le Mexique et les États-Unis où sont produits à bas prix des biens de différents secteurs comme le textile, la chimie et agrochimie, l’électronique et les automobiles |
↑9 | CNE, « Le traité transatlantique : le comprendre pour le couler » |
↑10 | Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat |
↑11 | Chaque puits d’extraction nécessite entre 4 et 30 millions de litres d’eau et de 80 à 300 tonnes de produits chimiques cancérigènes, comme le benzène, le toluène, l’éthylbenzène ou le xylène. |