Face aux défis environnementaux et sociaux croissants, l’Europe doit repenser son modèle de développement technologique. Dans cet article, nous explorerons le paysage actuel des low-tech en Europe, en examinant les politiques, les initiatives des entreprises et les mouvements associatifs.
Crédit image : Markus Spiske
Les politiques européennes, une orientation ambiguë
L’Union Européenne a mis en place plusieurs initiatives pour promouvoir une technologie plus durable. La directive sur la standardisation des câbles de chargement USB en est un exemple emblématique. Cette mesure, visant à réduire les déchets électroniques, s’inscrit parfaitement dans l’esprit low-tech en simplifiant les usages et en allongeant la durée de vie des appareils. Cependant, la majorité des politiques européennes mettent en avant les technologies de pointe comme le big data, l’IA et la blockchain. Ces choix reflètent une vision techno-solutionniste qui privilégie les innovations complexes au détriment des solutions simples et accessibles. De plus, on remarque que les low-tech sont rarement citées dans les grands discours politiques, malgré leur potentiel pour une transition écologique efficace[1].
Au niveau national, plusieurs pays européens commencent à intégrer les principes low-tech dans leurs politiques publiques. La France, par exemple, soutient des projets de recyclage et de réemploi dans le cadre de sa loi anti-gaspillage. L’Allemagne investit dans des infrastructures pour le partage et la réparation, favorisant ainsi une économie circulaire. Ces initiatives portent leurs fruits, mais leur mise en œuvre reste lente et inégale. Les résultats sont prometteurs, avec une réduction des déchets et une meilleure sensibilisation du public. Toutefois, le manque de coordination et les divergences politiques entre les pays membres freinent une adoption plus large et plus rapide des low-tech.
Les entreprises: entre engagement et greenwashing
Les entreprises européennes montrent un intérêt croissant pour les low-tech, souvent perçues comme un moyen de réduire les coûts et de répondre aux attentes des consommateur·rices. Des start-ups émergent, proposant des solutions innovantes comme des appareils réparables. De grandes entreprises commencent également à intégrer des pratiques plus durables dans leurs processus.
Cependant, ce mouvement est souvent entaché par des pratiques de greenwashing. En effet, certaines entreprises prétendent adopter les low-tech, mais le font uniquement pour des raisons marketing, sans changer fondamentalement leur modèle de production ou de consommation. Le défi consiste donc à distinguer les initiatives authentiques des opérations de communication.
Le marché des low-tech reste encore marginal comparé à nos modes de consommation énergivores.
Cependant, des initiatives comme le Low-tech Lab Liège montrent un dynamisme croissant et une communauté de plus en plus active. Ces mouvements promeuvent des solutions concrètes et sensibilisent le public aux avantages des low-tech.
De plus, le mode de vie de la communauté Amish, basé sur la simplicité volontaire et l’autonomie, offre une source d’inspiration pour les low-tech. Sans prôner un retour complet à ce mode de vie, nous pouvons en tirer des leçons pour développer des technologies plus respectueuses de l’environnement et des relations humaines. Les Amish montrent que l’on peut vivre confortablement sans recourir à des technologies complexes et énergivores. Il est cependant important de reconnaître les limites de cette analogie. Adopter les low-tech ne signifie pas renoncer aux avancées technologiques bénéfiques. Il s’agit plutôt de trouver un équilibre entre simplicité et innovation, en privilégiant les solutions qui minimisent notre impact environnemental tout en améliorant notre qualité de vie.
Une réelle opportunité à saisir
Les low-tech répondent aux défis environnementaux en prônant une utilisation rationnelle des ressources et une économie circulaire. Contrairement à la surconsommation, les low-tech encouragent la réparation, le recyclage et le partage. Cette approche permet de réduire notre empreinte écologique tout en créant des emplois locaux et en renforçant les liens sociaux.
En misant sur des technologies simples, les low-tech favorisent l’autonomie des individus et des communautés. Elles réduisent notre dépendance aux grandes infrastructures et aux chaînes d’approvisionnement complexes, souvent vulnérables aux crises économiques et environnementales. Les low-tech offrent une voie prometteuse pour une Europe plus durable et résiliente. En simplifiant nos technologies, nous pouvons réduire notre impact environnemental, diminuer notre dépendance aux ressources rares et renforcer notre autonomie.
La transition vers une société low-tech nécessite une volonté politique forte, une collaboration entre les acteurs·rices économiques et une mobilisation citoyenne. Nous devons promouvoir une culture de la réparation, du partage et de la simplicité volontaire. Il est essentiel de valoriser les initiatives locales et de créer des synergies entre les différent·es acteurs·rices pour accélérer cette transition.
De plus, les associations jouent un rôle clé dans la promotion des low-tech. Elles sensibilisent, informent et mobilisent les citoyen·nes autour de ces enjeux. Leur plaidoyer est indispensable pour influencer les décisions politiques et encourager les entreprises à adopter des pratiques durables[2]. Le Low-tech Lab Belgium est une organisation dédiée à la promotion et au développement des low-tech. Elle propose des ateliers, des conférences et des projets collaboratifs pour sensibiliser le public et encourager l’innovation durable. Parmi les projets phares du Low-tech Lab Belgium, il existe la possibilité d’organiser des ateliers chez soi, les tutos low-tech[3], le jeu de cartes ludiques pour conscientiser à l’énergie que nous consommons quotidiennement et l’écriture de recommandations politiques low-tech en partenariat avec Justice & Paix.
À notre niveau, en tant que citoyen·nes nous pouvons encourager les projets de réparation, de réemploi et de partage, promouvoir l’éducation aux low-tech, organiser des campagnes de sensibilisation avec des ateliers pratiques, etc. En Belgique, par exemple, le mouvement vers les low-tech prend de l’ampleur grâce à de nombreuses initiatives citoyennes. Ces projets locaux montrent que la transition vers des technologies simples et durables est non seulement possible, mais également bénéfique pour la communauté et l’environnement.
À titre d’exemple, voici deux initiatives qui illustrent parfaitement comment les citoyen·nes belges s’engagent activement dans la promotion des low-tech :
Les Repair Cafés sont des ateliers de réparation gratuits où des bénévoles aident les citoyen·nes à réparer leurs objets du quotidien : appareils électroménagers, vêtements, meubles, et bien plus encore. Ces espaces favorisent l’échange de compétences et la coopération communautaire, tout en réduisant les déchets. Depuis leur introduction en Belgique, les Repair Cafés ont rencontré un grand succès. Ils ont permis de réparer des milliers d’objets, évitant ainsi leur mise en décharge et prolongeant leur durée de vie. Ces ateliers sont également des lieux de rencontre où les citoyen·nes peuvent partager leurs connaissances et renforcer les liens sociaux.
Les fermes Urbaines de Bxl est un projet innovant qui intègre les principes low-tech dans l’agriculture urbaine. Située au cœur de Bruxelles, ces fermes utilisent des techniques simples et écologiques pour produire des aliments frais et locaux. Parmi les techniques utilisées, on trouve la permaculture, les jardins verticaux, et les systèmes d’irrigation par gravité. Ces méthodes permettent de maximiser l’utilisation des ressources naturelles tout en minimisant les besoins en énergie et en eau. Les fermes urbaines de Bxl fournissent non seulement des aliments sains aux habitants de la ville, mais elles servent également de centre éducatif où les citoyen·nes peuvent apprendre à cultiver leurs propres jardins urbains. Ce projet renforce la résilience alimentaire de la communauté et encourage des pratiques agricoles durables.
En Belgique, les initiatives citoyennes en faveur des low-tech montrent qu’un avenir durable est à portée de main. Par la réparation, l’innovation locale, l’agriculture urbaine, et l’éducation, les citoyen·nes belges prennent des mesures concrètes pour réduire leur impact écologique et renforcer leur résilience. Ces projets, en collaboration avec les politiques et les entreprises, peuvent transformer notre société pour un futur plus durable et équitable[4].
Oscar Thielen.
[1] EPALE, Damien Amichaud, « Quelle place en Europe pour un futur souhaitable ? », 2022.
[2] La fabrique écologique, « Vers des technologies sobres et résilientes – Pourquoi et comment développer l’innovation « low-tech », 2019.
[3] https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Explore
[4] Climate Chance, Développement de la communauté Low-tech en Belgique.