Les enjeux pétroliers sont couramment évoqués comme étant la cause majeure de la sécession du Soudan. Mais les identités religieuses du Nord, musulman, et du Sud, chrétien, ont, elles aussi, eu un rôle majeur dans le processus de séparation des deux régions en 2011
Le Soudan reste fortement marqué par 56 années de colonisation anglo-égyptienne, suivie par de multiples coups d’état et de guerres civiles. Le pays a été pendant cette période en perpétuelle recherche d’une identité nationale bien souvent affaiblie par les fractures arabo-musulmanes et arabo-africaines découlant de la colonisation. Depuis la décolonisation en 1956, une longue série de guerres et massacres se sont en effet succédés, ainsi que des persécutions religieuses menées par le gouvernement de Khartoum contre la région du Sud. Les disparités religieuses ont abouti dès 1989 à un conflit entre le Nord, arabo-musulman, et le Sud, chrétien et animiste, ce dernier revendiquant son indépendance. Souvent décrit comme étant le plus ancien conflit du continent africain, il a été analysé à de nombreuses reprises sous l’angle des ressources naturelles et plus particulièrement celui de son or noir, le pétrole. Néanmoins, même si les enjeux pétroliers restent une des causes principales des velléités de séparation, nous tenterons de comprendre dans cette analyse comment et pourquoi un conflit peut débuter ou s’envenimer sur base d’une identité religieuse [1]Pour aller plus loin dans cette réflexion : MAALOUF Amin, Les identités meurtrières, Paris : Grasset, 1998, 210 p..**Qu’est-ce que l’identité ?
« L’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées » [2]MAALOUF Amin, Les identités meurtrières, Paris : Grasset, 1998, 210 p. L’identité est « un ensemble articulé de traits spécifiques à un individu ou à un groupe » [3]Simonis Guy (coord.). 2002. Vivre ensemble autrement.. Chaque personne construit son identité selon son environnement culturel, familial, professionnel … Les identités sont donc multiples et propre à chaque individu. Placer la question des identités au cœur d’un conflit s’avère délicat. Pourtant, bon nombre de conflits [4]Prenons l’exemple du Rwanda entre les Hutus et Tutsis ou encore au Tchad ou au Niger. peuvent être analysés sous cet angle. L’importance des idées et la manière dont l’autre est perçu semblent diriger notre comportement face à une problématique. Afin de comprendre la sécession du Soudan du Sud en 2011, il s’avère utile de se replonger dans le passé commun qui lie le Nord et le Sud du Soudan et de « faire appel à l’Histoire qui souvent révèle l’enracinement profond de la conflictualité » [5]MAILA Joseph, « Religion et conflits », Revue Projet, n° 281, Juillet 2004.. Depuis sa naissance en 1956, le Soudan est marqué par de multiples conflits internes. Il a été difficile pour le pays de trouver un terreau propice à la création d’un État solide et solidaire. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce constat : la colonisation, les différences religieuses et la perception de l’autre.Documents joints
Notes[+]
↑1 | Pour aller plus loin dans cette réflexion : MAALOUF Amin, Les identités meurtrières, Paris : Grasset, 1998, 210 p. |
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↑2 | MAALOUF Amin, Les identités meurtrières, Paris : Grasset, 1998, 210 p. |
↑3 | Simonis Guy (coord.). 2002. Vivre ensemble autrement. |
↑4 | Prenons l’exemple du Rwanda entre les Hutus et Tutsis ou encore au Tchad ou au Niger. |
↑5 | MAILA Joseph, « Religion et conflits », Revue Projet, n° 281, Juillet 2004. |
↑6 | Le condominium est un droit de souveraineté exercé en commun par plusieurs puissances sur un même pays. |
↑7 | Pour l’Egypte. |
↑8 | Pour la Grande-Bretagne. |
↑9 | Le Soudan applique la charia depuis 1983 sous le gouvernement du président Gaafar Nimeiry. |
↑10 | Voir carte |