Une crise oubliée aux portes de Kinshasa 

À l’ouest de la République démocratique du Congo, une crise humanitaire majeure se déroule dans le silence presque total. Des milliers de morts, plus de 280.000 personnes déplacées et une économie rurale dévastée : l’Ouest du pays vit depuis 2022 au rythme d’une violence diffuse et d’un effondrement social silencieux. Un drame que Caritas International et Justice & Paix Belgique veulent aujourd’hui porter à la lumière à travers la campagne “Le Poids du Silence”. 

Ghislain Mukoko, habitant de Kibirika (Maï-Ndombe), a survécu à une attaque menée par plus de 200 miliciens Mobondos en 2022. © Colin Delfosse

Une crise née de fractures profondes

Ce qui n’était au départ qu’un différend foncier dans le territoire de Kwamouth, à la suite d’une hausse des taxes coutumières, s’est mué en crise régionale. 
Les violences, amorcées en 2022, se sont étendues jusqu’aux portes de Kinshasa, touchant les provinces du Maï-Ndombe, du Kwango, du Kwilu et du Kongo Central. 

Mais réduire cette crise à une querelle locale serait une erreur. Les analyses menées par la CDJP-Kinshasa, l’IPIS et Caritas International révèlent un phénomène bien plus complexe : une crise née de tensions économiques, foncières et politiques accumulées depuis des décennies. 

À Batshongo, à 160 km de Kinshasa, des déplacés Yaka se sont installés en périphérie du village, dans une zone désertée par les populations Teke après les violences. © Colin Delfosse 

Gouvernance défaillante et absence de l’État 

L’absence d’autorité étatique est au cœur de la tragédie. Sans médiation crédible ni régulation claire de la propriété foncière, les tensions locales ont dégénéré. Les forces de sécurité, censées protéger les civils, ont parfois été accusées d’extorsions et de collusions avec des groupes armés, aggravant la méfiance des populations. 

Les initiatives de paix et de médiation entre 2022 et 2024 ont échoué à restaurer la confiance. Les communautés locales se disent écartées des processus de négociation, tandis que les violences se propagent, souvent portées par des groupes opportunistes qui exploitent la crise à des fins économiques. 

Des conséquences humanitaires dévastatrices 

Les chiffres sont alarmants : plus de 280.000 personnes encore déplacées selon les Nations unies, des centaines de villages incendiés et 80 % des terres arables inaccessibles dans le territoire de Kwamouth. L’économie agricole, pilier de la subsistance locale, est à l’arrêt. Le prix des denrées de base a triplé, plongeant des milliers de familles dans l’insécurité alimentaire. 

Les conséquences sociales sont tout aussi lourdes : 

  • 30 % des enfants sont hors du système scolaire. 
  • Plusieurs centres de santé ont été détruits ou fermés. 
  • Les épidémies de rougeole, de choléra et de M-Pox sévissent dans des zones déjà fragilisées. 

Camp de déplacés “Maman Océane », ville de Kenge. © Colin Delfosse

 
“Nous avons perdu nos terres et nos récoltes. Trois saisons sans pouvoir cultiver, c’est la faim qui s’installe.” 
— Personne déplacée, Kenge 

Des solidarités locales, un appel au soutien 

 Malgré la gravité de la situation, des élans de solidarité persistent. Dans plusieurs zones, les habitants accueillent des familles déplacées, partagent leurs maigres ressources et participent à des dialogues communautaires pour rétablir la paix. 

Le consortium Lisanga, coordonné par Caritas International, regroupe huit organisations locales et internationales qui œuvrent ensemble pour la protection des civils, l’aide humanitaire et la cohésion sociale. 

Malumu Nkanga, mobilisateur de santé, Hopital de Mbankana. © Colin Delfosse

Mais les besoins dépassent largement les moyens disponibles. Les initiatives locales de paix, menées par des acteurs religieux et communautaires, restent sous-financées et peu relayées. . 

Le Poids du Silence : rendre visible une crise oubliée 

Pour briser l’indifférence, Caritas International et Justice & Paix Belgique ont lancé la campagne “Le Poids du Silence”. Cette initiative vise à rendre visible ce drame oublié, à soutenir les organisations locales et à interpeller les décideurs belges et européens. 

La campagne s’appuie sur deux leviers principaux : 

  • A exposition photographique, signée par le photojournaliste Colin Delfosse et présentée à Géopolis (Bruxelles) dans le cadre du cycle Crises oubliées. À travers ses images, l’exposition rend visibles les visages et les histoires de celles et ceux qui vivent cette crise. Des villages incendiés, des familles déracinées, mais aussi des gestes de solidarité et de résilience. 
    À découvrir jusqu’au 28 novembre 2025. 

Ces initiatives visent à rompre le silence, à mobiliser les consciences et à plaider pour une paix durable. Elles rappellent qu’il est encore possible d’agir en donnant de la visibilité à la crise, en soutenant les organisations locales et en inscrivant ce drame à l’agenda diplomatique et humanitaire. 

Caritas International et Justice & Paix appellent à ne pas détourner le regard. 
Briser le silence, c’est déjà soutenir. 
Partager, c’est déjà agir

Pour aller plus loin 

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