International sanctions: democracy in disarray

With the invasion of Ukraine, the Russian threat forces the West to resort to international sanctions, generating economic dependence among peoples and offering a key to understanding the democratic discourse at odds with the ideal it promotes.

Russie : entre menace et dissuasion

Un des enjeux liés au conflit en Ukraine aujourd’hui est celui de la menace nucléaire et, plus particulièrement, celui de la dissuasion. Ce principe qui a vu le jour dans la seconde moitié du 20e siècle dispose qu’ « un État qui lancerait une attaque nucléaire s’expose irrémédiablement à des représailles au moins égales aux conséquences subies par son adversaire ». La détention multilatérale de l’arme atomique serait donc un frein à son utilisation. Une vision contestable si l’on se penche sur la doctrine russe qui considère cet arsenal comme pouvant répondre à des attaques non nucléaires si l’existence même de l’État est en question [1]. Par ailleurs, le président russe a récemment déclaré qu’il n’hésiterait pas à mener une riposte « rapide et foudroyante » avec ses armes « les plus modernes » si la communauté internationale venait à s’ingérer dans le conflit ukrainien. Compte tenu de la récente démonstration de force russe avec le déploiement de Satan II[2], missile pouvant être équipé d’ogives nucléaires, il y a des raisons de croire que c’est de cette arme dont il s’agit quand Vladimir Poutine s’en réfère « [aux] plus modernes ». Par conséquent, la dissuasion nucléaire reste donc, dans le cas qui nous occupe, un présupposé fragile basé sur un principe contre-intuitif et paradoxal, lequel fait tout de même penser qu’écarter cette éventualité relèverait de l’hérésie[3].

Privilégier d’autres formes de conflit

Quoi qu’il en soit, que l’arme atomique soit dissuasive ou non, on ne peut lui retirer que sa possession implique, pour un éventuel belligérant, d’y réfléchir à deux fois avant d’agresser militairement un autre État. Dès lors, l’arme atomique a en tout cas pour effet de privilégier, à court terme, des « formes alternatives de conflit » telles que la mise en place de sanctions internationales. Un processus qui semble ici très théorique, mais dont l’application n’aura échappé à personne à l’aune du conflit russo-ukrainien et des nombreuses sanctions prises par plusieurs États, dont la Belgique, à l’encontre de la Russie. À titre d’exemple, on peut citer la décision de l’Allemagne de ne pas certifier le gazoduc Nord Stream 2 à la suite de la reconnaissance du Donbass par la Russie. Néanmoins, lorsqu’un État s’engage dans un tel conflit, les sanctions qu’il impose impactent l’économie adverse, mais également la sienne ; d’abord en raison de la réplique potentielle, ensuite parce que ces mesures ont un effet sur ses propres affaires (si l’UE créait un embargo sur le gaz russe, elle se priverait elle-même de ce gaz). Ainsi, ce n’est pas sans sacrifice que l’Allemagne a renoncé à la certification de ce gazoduc. Mais ce constat soulève un enjeu plus profond : celui de la démocratie.

Protéger la liberté, à quel prix ?

L’invasion de l’Ukraine par la Russie nous renvoie, dans une sorte d’exhalaison du « sentiment » démocratique, à la nécessité absolue de pérenniser notre modèle envers et contre tout. C’est en tout cas ce que semblent indiquer les déclarations de plusieurs dirigeants belges et européens. On peut citer à ce titre notre Premier ministre, Alexander De Croo : « l’attaque de Poutine est une attaque contre la liberté », une manière de dire que l’invasion russe ne vise pas à contrecarrer l’élargissement de l’OTAN, mais à pourfendre les démocraties européennes. Et Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne d’ajouter : « oui, protéger notre liberté a un prix (…), mais nous le payons volontiers, car cette liberté n’a pas de prix trop élevé ». Mais la contestation de l’impérialisme russe doit-elle se faire à tout prix ? Quel impact cette entreprise aura-t-elle sur la démocratie belge ? Et la défense de nos valeurs démocratiques par le biais d’une belligérance économique n’est-elle pas contre-productive ?

Avant la pandémie de COVID-19, la démocratie était déjà devenue un modèle fragile. L’avènement du virus a ensuite entrainé l’émergence d’une centralisation des pouvoirs des gouvernements à travers le monde. Si bien que, depuis 1995, jamais autant de pays n’avaient vu leur régime basculer vers des modèles autoritaires[4]. Dans les premiers mois de la pandémie, la Belgique a par exemple été régie par un gouvernement en affaires courantes devenues gouvernement de plein exercice et bénéficiant de pouvoirs spéciaux amoindrissant nos libertés civiles et politiques alors même que la population n’avait pas été consultée. Et voici maintenant que pleuvent des sanctions internationales aggravant une récession économique déjà bien installée. Alors même qu’elles tendent à dénoncer un régime autoritaire qui asservit son peuple, ces sanctions permettent-elles réellement de soutenir notre démocratie ?

Économie et démocratie sont étroitement liées en ce sens que la croissance économique est corrélée à la promotion et à la sauvegarde des libertés individuelles. Ainsi, à l’Ouest, les sanctions ont pour effet d’accroitre la dépendance économique des citoyens européens à leurs États respectifs, lesquels prennent une place de plus en plus importante dans la régulation économique, justifiée par la nécessité de répondre aux répercussions de ces sanctions[5].

Alors si, la protection des libertés a un coût à la fois démocratique et pécunier. Ce coût peut s’évaluer par divers indices comme l’inflation, le panier de la ménagère, le prix des hydrocarbures, la baisse de croissance, le pouvoir d’achat … Un coût qui se répercute bien plus durement sur les personnes précarisées.

Entretenir la démocratie

Dans cette période de recul démocratique généralisé, où « l’olicratie »[6] des dirigeants occidentaux semble enfoncer un clou supplémentaire dans le cercueil de la démocratie, que pouvons-nous faire, à notre échelle, pour endiguer ce phénomène ?

L’entretien continu de la démocratie constitue alors le moyen le plus efficace d’éviter son érosion : faire valoir ses droits, manifester, s’engager, débattre … est autant de leviers qui permettent au citoyen de se faire entendre d’une part, et de contrôler l’action du gouvernement d’autre part. La démocratie participative, en ce qu’elle constitue une institutionnalisation de ce contrôle citoyen, est une des meilleures façons de réaliser cet entretien continu de notre régime et d’éviter son basculement vers une forme autoritaire. Par ailleurs, le débat permanent entre la nation et ses représentants permet au citoyen de conserver un regard critique sur les régimes autoritaires comme la Russie ainsi que de penser et d’organiser des formes d’aide ou de soutien aux populations en souffrance, comme nous l’avons vu avec l’Ukraine.

Cette demande de participation de la part du citoyen se fait de plus en plus pressante pour le gouvernement belge qui semble avoir initié un travail en ce sens. La plateforme digitale « Un pays pour demain » constitue à cet égard le premier pas d’un long chemin vers une forme plus moderne de démocratie. Notre rôle, en tant que citoyen, est de saisir chacune de ces opportunités pour faire entendre notre voix. Cette plateforme va-t-elle tout changer ? Certainement pas. Elle doit évidemment s’intégrer au sein d’une politique plus large réformant les relations que nous avons avec nos dirigeants et nos institutions. Mais pour ce faire, le citoyen doit s’en emparer.

Samuel Meurisse.


[1] Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie université Paul-Valéry Montpellier 3, Institut diplomatique de Paris et c.f. n.b. n°1.

[2] RS-28 Sarmat.

[3] Bosserelle, E., « La guerre économique, forme moderne de la guerre ? », dans Revue Française de Socio-Économie, n°8, 2011, pp. 167-186.

[4] International IDEA, « The global state of democracy 2021 », 2021.

[5] C. f., n.b. n°11.

[6] Contraction d’oligarchie et démocratie.

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