What long-term management for nuclear waste?

L’énergie nucléaire reste controversée et source de débats. Regardons de plus près le problème de la gestion des déchets dans cette analyse, et les solutions préconisées par nos états.

Crédit photo: Frederic Paulussen_Unsplash

Le conflit armé en Ukraine a remis sur le devant de la scène une réalité géopolitique prévisible : nous dépendons des puissances étrangères pour notre consommation énergétique, dans ce cas-ci, du gaz russe. Ainsi, les différentes pressions géopolitiques ont contribué à l’explosion du prix de l’énergie[i], fragilisant nos industries et les ménages les plus modestes. Il reste très difficile de trouver des sources d’énergies alternatives : on ne peut pas construire des barrages hydro-électriques n’importe où, et les énergies éoliennes et photovoltaïques restent gourmandes en investissements, et sont trop intermittentes[ii] pour garantir une production continue nécessaire à nos besoins.

L’énergie nucléaire est donc revenue dans les débats publics, notamment avec les efforts pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et la création du Forum nucléaire. Cette technologie permet de produire de l’énergie de manière continue, et ce avec une empreinte CO2 plus faible que les autres sources[iii]. L’état belge a récemment fait volte-face sur la fermeture de nos centrales en étendant leur durée d’activité ; ainsi, le nucléaire est appelé à rester dans notre mixe énergétique pour les prochaines années à venir (il représente actuellement entre 40 et 50% de notre production énergétique) [iv]. Tout n’est cependant pas rose avec l’énergie atomique, car le malfonctionnement d’une centrale peut avoir des conséquences catastrophiques, comme pour les exemples tristement célèbres des centrales de Fukushima et de Tchernobyl. L’approvisionnement de l’uranium nécessaire pour la réaction de fission pourrait également nous rendre dépendant des puissances étrangères productrices.

Dans cette analyse, nous nous pencherons sur un autre grand point de discussion inséparable du nucléaire, celui de la gestion des déchets radioactifs. Nous examinerons quels sont les types de déchets produits, comment ils sont produits, quel traitement leur est réservé actuellement et nous parlerons ensuite brièvement du futur du nucléaire.

Le fonctionnement d’une centrale et les types de déchets nucléaires rejetés

Le fonctionnement d’une centrale nucléaire est fondamentalement très simple : une réaction de fission de noyaux d’uranium ou de plutonium génère une grande quantité d’énergie. Cette énergie sert à chauffer de l’eau, chaleur qui est échangée dans un second circuit d’eau. L’eau de ce deuxième circuit se vaporise et alimente une turbine qui va générer de l’électricité. La vapeur est finalement refroidie[v].

Bien que ce procédé soit fondamentalement très simple (mais difficile dans sa mise en œuvre en pratique), il a le grand désavantage de générer des déchets radioactifs[vi]. Le combustible nucléaire est bien entendu radioactif, et beaucoup de composants, accessoires et pièces de machinerie en contact proche seront irradiés, comme des filtres, des canalisations, des vannes, des vêtements de protections… Tous ces objets associés à l’exploitation génèrent ainsi un grand volume de matériaux radioactifs à stocker et à traiter. Bien que l’énergie nucléaire soit la plus grande responsable, d’autres secteurs peuvent générer des déchets radioactifs, comme le secteur médical ou l’agriculture[vii].

Evidemment, une aiguille hypodermique utilisée dans le traitement contre le cancer ne sera pas traitée de la même façon que des résidus d’uranium. Il existe trois types de rayonnements radioactifs : les rayonnements alphas et betas, qui sont des émissions de particules qui sont stoppées respectivement par une feuille de papier et une feuille d’aluminium, et les rayonnements gammas, qui sont des ondes électromagnétiques et beaucoup plus dur à arrêter (on utilise par exemple d’épaisses parois en béton). Un autre facteur important pour catégoriser les déchets radioactifs est leur temps de demi-vie[viii].

Pour leur gestion à court terme, les déchets sont catégorisés selon leur rayonnement : nous avons donc les déchets de faible intensité, les déchets d’intensité moyenne, et les déchets de haute intensité. Cette catégorisation est utile pour établir les conditions de stockage en surface, et pour permettre de déterminer la protection nécessaire pour les techniciens (temps d’exposition maximal, blindage des installations de traitement…).

Au niveau de la Belgique, nous avons produit sur une période de 100 ans 70 000 m³ de déchets de faible activité (82% du volume de déchets total), 11 000m³ de moyenne activité (13%) et 4500m³ (5%) de haute activité [ix] . Si l’on reporte ces chiffres sur l’échelle de la population belge pour une production électrique nucléaire de ces 40 dernières années, un belge qui vivrait 100 ans aurait produit l’équivalent de 3 canettes de déchets de haute activité au cours de sa vie.

Pour la gestion à long terme, c’est-à-dire le stockage final, l’Ondraf (organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies) utilise trois catégories :

  • Les déchets de catégorie A (déchets de faible ou moyenne activité et de courte durée de vie) : ces déchets ont une faible durée de demi-vie, mais peuvent contenir des traces d’éléments à longue durée de vie. Ils seront mis en dépôt en surface, mais devront être isolés de tout contact avec l’environnement jusqu’à ce que leur niveau d’activité soit réduit d’au moins un facteur 1000, ce qui peut prendre des centaines d’années.
  • Les déchets de catégorie B (déchets de faible ou moyenne activité et de longue durée de vie) : ces déchets ont été contaminés par des émetteurs alpha de longue durée de vie les excluant de la catégorie A, mais générant trop peu de chaleur pour appartenir à la C.
  • Les déchets de catégorie C (déchets de haute activité et de courte ou longue durée de vie) : ce sont les déchets les plus problématiques. Ils émettent une chaleur très élevée en raison de leur intensité radioactive.

Les déchets de catégorie B et C doivent être isolés de l’homme et de la nature pendant de très longue durée, beaucoup plus que les quelques centaines d’années des catégorie A. On parle dans ce cas-ci de plusieurs centaines de milliers d’années, et même jusqu’à un million.

Gestion des déchets nucléaires

La gestion de ces déchets nocifs pendant ces échelles de temps démesurées constitue un des principaux arguments contre l’énergie nucléaire. L’argument est d’ordre pratique (comment allons-nous les gérer) mais également philosophique (nous reportons la responsabilité de notre production sur les générations suivantes). Faisons un petit tour des différentes solutions.

Dès 1946, les Etats-Unis immergent leurs déchets dans l’océan, et cette « solution » sera préconisée par 13 autre pays par la suite, dont la Belgique[x]. Bien que l’océan soit un système de refroidissement idéal pour les déchets exothermiques (qui émettent de la chaleur), les scientifiques se rendent compte du danger que cela représente pour l’océan et ses écosystèmes, et cette pratique sera limitée avec la convention de Londres de 1972, pour enfin être totalement interdite en 1993.

Depuis lors, les déchets sont entreposés dans des centres en surface. Cette solution est celle qui est préconisée pour les déchets de catégorie A, car leur impact sur l’environnement et sur l’être humain est limité. Ces entrepôts ne sont cependant pas suffisants pour ceux de catégorie B et C, car l’intensité du rayonnement va percer les différents blindages et va contaminer les sols environnants, et les centres de stockages ne sont certainement pas construits pour tenir un million d’années…

D’autres pistes sont avancées. Nous pourrions les enfouir à la rencontre de deux plaques tectoniques en zone de subduction[xi], pour que les déchets finissent par retourner vers le manteau terrestre ; il n’est cependant pas garanti que tout se passe comme prévu aux profondeurs concernées… Nous pourrions également les envoyer dans l’espace, direction le vide intersidéral ou carrément le soleil ! Cette solution semble simple, mais comporte un énorme risque : celui du mal fonctionnement de la fusée. Voulez-vous prendre le risque qu’un engin contenant d’énormes quantités de combustibles explose avec du matériel hautement radioactif dans notre atmosphère ? Moi non plus.

Nous pourrions également traiter les déchets radioactifs pour diminuer leur intensité radioactive ou leur temps de demi-vie, voir même les recycler. De nombreux chercheurs travaillent sur ces solutions pour le moment, mais il n’est pas responsable de miser sur une découverte miraculeuse pendant que nos déchets s’accumulent et continuent de contaminer les environs.

Une autre solution est celui de l’enfouissement profond. C’est la solution qui a été préconisée par les Etats-Unis, la Finlande, la Suède, la France qui ont un programme très avancé, et également par la Belgique et le Royaume-Uni qui se penchent sur cette méthode. Le concept est très simple : en choisissant une couche géologique aux propriétés qui nous intéressent (pas en zone sismique et absence de faille, quasi-imperméabilité), nous pourrions creuser des galeries pour stocker ces déchets, qui ne pourraient plus impacter l’environnement grâce à trois barrières : la barrière du conteneur (les déchets arrivent dans des emballages blindés), la barrière du lieu de stockage (les galeries sont conçues pour empêcher les contaminants de faire des dégâts), et la barrière naturelle géologique (la couche est tellement imperméable que le temps qu’un liquide radioactif la passe serait plus long que sa durée de vie). Cette méthode à deux avantages : celle de ne pas laisser la génération future régler le problème, et celle de la réversibilité (si une solution scientifique est trouvée, on peut toujours aller rechercher les déchets).

Evidemment, il ne s’agit pas d’une solution miracle. Pouvons-nous garantir l’intégrité du centre pendant une durée qui est plus longue que la civilisation humaine ? Comment passerons-nous le savoir sur un temps aussi long ?

Quel futur ?

La recherche continue à travailler sur les procédés nucléaires. Les technologies s’améliorent et les nouvelles générations de centrales génèrent toujours moins de déchets. A l’extrême horizon, on parle de l’énergie miracle, presque propre, de la fusion nucléaire. Se reposer sur la science est cependant dangereux, car cela nous déresponsabiliserait sur notre production de ces matériaux toxiques aujourd’hui, sans garantie que l’on puisse un jour s’en débarrasser.

Ainsi, le nucléaire pourrait continuer de garder sa place dans notre mixe énergétique, et ce pour le long terme. La solution pour réduire notre impact environnemental ne viendra cependant pas de solutions scientifiques miraculeuses, ni d’un rééquilibrage subtil des différents types d’énergie, mais bien de notre réduction de consommation, qui est la méthode la plus forte que nous pouvons avoir pour réduire notre pollution.

Arthur Longrée.


[i] Beaucoup de facteurs sont rentrés en jeu dans cette crise : EUR-Lex – 52022PC0473 – EN – EUR-Lex (europa.eu)

[ii] Les éoliennes produisent de l’électricité quand il y a du vent, et les panneaux photovoltaïques quand il y a suffisamment de soleil ; ainsi, la production électrique de ces sources est nulle par exemple dans une nuit peu venteuse, mais certaines industries et nos différentes infrastructures doivent quand même fonctionner. L’avantage du nucléaire dans ce cas-ci est la production d’électricité constante, de jour comme de nuit.

[iii] https://www.economiedenergie.fr/les-emissions-de-co2-par-energie/

[iv] https://www.comparateur-energie.be/blog/mix-energetique-en-belgique/

[v] https://afcn.fgov.be/fr/dossiers-dinformation/centrales-nucleaires-en-belgique/fonctionnement-dune-centrale-nucleaire#:~:text=Dans%20le%20r%C3%A9acteur%2C%20la%20fission,pour%20l’emp%C3%AAcher%20de%20bouillir.

[vi] « La radioactivité est le phénomène physique par lequel des noyaux d’atomes instables (dits radionucléides ou radioisotopes) se transforment spontanément en d’autres atomes en émettant simultanément des rayonnements, c’est-à-dire des particules de matière. On dit alors qu’ils sont radioactifs. » https://www.orano.group/fr/decodage/tout-savoir-sur-la-radioactivite#:~:text=La%20radioactivit%C3%A9%20est%20le%20ph%C3%A9nom%C3%A8ne,alors%20qu’ils%20sont%20radioactifs.

[vii] https://www.forumnucleaire.be/theme/contr%C3%B4le-et-gestion-des-d%C3%A9chets-nucl%C3%A9aires/quen-est-il-de-nos-d%C3%A9chets-nucl%C3%A9aires-1?gclid=CjwKCAiA3pugBhAwEiwAWFzwdXWElr3YNwCA7TmgD0fcgBSsb_1CCrIUvrfPTOp90R-qFF9vhVSqKRoC61UQAvD_BwE&gclsrc=aw.ds

[viii] La demi-vie représente le temps que met une substance pour perdre la moitié de sa radioactivité.

[ix] https://www.ondraf.be/sortes-de-dechets-radioactifs

[x] https://www.andra.fr/sites/default/files/2018-01/585.pdf , https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/pollution-futs-radioactifs-mer-70-ans-apres-y-t-il-risque-environnement-marin-97798/

[xi] Une zone de subduction correspond à la rencontre de deux plaques tectoniques, dont l’une plonge en-dessous de l’autre. Placer les déchets dans la plaque plongeante pourrait donc en théorie leur permettre d’accompagner la plaque dans le manteau terrestre.

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