Quels engagements pour quelles sociétés ?
Régulièrement, nous entendons autour de nous des phrases du type :« on ne s’engage plus autant qu’avant » ou « c’était quand même bien mieux avant ». Mais ne seraient-ce pas plutôt les formes d’engagement qui diffèrent plutôt que leur intensité ?
L’appel à s’engager se perçoit partout autour de nous. Les citoyennes et les citoyens font aujourd’hui face à une multitude d’engagements possibles [1]. Si l’on en croit l’opinion publique, ces nombreux appels à la mobilisation seraient le fruit d’une société de plus en plus individualiste, d’un repli de l’individu sur sa sphère privée ou encore d’un détachement de la sphère publique. Alors que, paradoxalement, « jamais le nombre d’associations n’a été aussi élevé, jamais la participation à des groupements volontaires n’a été aussi forte » [2] . De plus, de nombreuses collectivités locales se forment dans l’espoir de recréer du lien entre les personnes. Comment expliquer alors ce décalage entre le « chacun pour soi » et la consternation de certaines personnes face aux intolérances ou grandes crises (humanitaires ou environnementales) du XXIe siècle ?
Aujourd’hui, l’impression que les citoyen·ne·s s’engagent moins qu’avant est fort présente dans les esprits. En 2015, une étude [3] a estimé qu’il y avait environ 1 166 000 belges qui exerçaient une activité de volontariat [4]. Comment donc expliquer ce sentiment que l’engagement est moins présent dans notre société ? Il est évident que l’engagement d’aujourd’hui diffère de celui d’hier car il est intrinsèquement lié à la société et ses enjeux spécifiques.
Anne-Claire Willocx.
Notes
[1] De nombreuses associations ouvrent leurs portes et font appel à des volontaires. Certaines écoles ou entreprises encouragent également leurs membres à s’investir dans des activités citoyennes.
[2] Ion J., Engagez-vous ! Une injonction paradoxale, FUCID, Namur, 2019.
[3] Fondation Roi Baudouin, Le volontariat en Belgique, chiffres-clés, octobre 2015.
[4] Cette étude prend comme référence la loi belge sur le volontariat et ne considère dès lors que le volontariat au sein d’associations. Nous pouvons donc estimer que le nombre de volontaires en Belgique est plus élevé.
[5] Pierron J.-Ph., « L’engagement. Envies d’agir, raisons d’agir », in Sens-Dessous, n°0, 2006, pp. 51-61.
[6] Verjus M., La question de l’engagement : d’hier à aujourd’hui. Essai d’une typologie, étude du CESEP, 2008.
[7] Ion J. (dir.), L’engagement au pluriel, Publications de l’Université Saint-Étienne, 2001, (Sociologie : Matières à penser), p.30.
[8] Une enquête menée par des chercheur·euse·s de l’ULB, la VUB et la KUL montre que le manque de confiance dans la politique et l’idéologie ont influencé le scrutin des élections du 26 mai 2019.
[9] Pour poursuivre la réflexion sur les formes et modes d’engagement voir l’étude de Justice et Paix, Actions citoyennes : le pouvoir de votre engagement, juillet 2020.
[10] Fédération Wallonie-Bruxelles, Le volontariat en Wallonie et à Bruxelles. Regards du monde associatif et de la recherche académique, 2014.
[11] Fondation Roi Baudouin, Le volontariat en Belgique, chiffres-clés, 2015.
[12] Résolution du Parlement européen du 12 juin 2012 sur « Reconnaître et valoriser les activités de volontariat transfrontalières dans l’UE » 2011/2293.
[13] Frère B. et Jacquemin M, « Quoi de neuf sous le soleil militant ? », in Résister au quotidien ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, pp. 246-247.
