Les mois ont passé, et aucune réponse satisfaisante n’a été apportée face au comportement incompréhensible des forces policières. Pire, les manifestations suivantes organisées pour protester contre le TTIP ont vu d’autres agissements illicites perpétrés par les forces de l’ordre, comme si les leçons du passé n’avaient pas encore été tirées. Ainsi, le 15 octobre 2015, en marge d’un rassemblement pacifique et annoncé prenant place dans le quartier européen de Bruxelles, une équipe de ZIN TV, web-TV de participation citoyenne à caractères culturel, éducatif et informatif était arrêtée alors qu’elle couvrait l’évènement. La police n’a pas hésité à détruire les images tournées, faisant “disparaître délibérément, illégalement et impunément les preuves de son action. Les images contenaient l’humiliation de la police infligée à des manifestants perçus comme des “sales gauchistes”, des “chômeurs qui n’ont rien d’autre à faire que d’emmerder la population" [2] … La police a justifié boîteusement que la lutte contre le terrorisme étend ses pouvoirs et l’autorise à le faire, surtout si son personnel apparaît dans les images.
“Faux”, rétorque la Ligue des Droits de l’Homme, en citant l’ouvrage de Mathieu Beys, qui explique : “Il n’existe aucune interdiction générale de photographier ou filmer les actions de la police. Il est légitime que des citoyens et journalistes filment ou photographient des interventions policières, que ce soit pour informer ou récolter des preuves du déroulement des événements (…) Le fait d’être photographiés ou filmés durant leurs interventions ne peut constituer aucune gêne pour des policiers soucieux du respect des règles déontologiques” [3]. Ainsi, avec ou sans carte de presse, la police ne peut nous empêcher de la filmer pendant ses interventions. Un droit sur lequel elle se garde bien entendu de nous informer… Toute demande de remise de films enregistrés doit être approuvée par une autorité judiciaire. En détruisant ces images, les policiers deviennent ni plus ni moins des délinquants.
Notons que cette manifestation a également vu la police détruire les images d’un journaliste italien et le garder à vue pendant 5 heures, et cela alors même qu’il exhibait sa carte professionnelle. Des manifestants espagnols ont également été arrêtés et l’un d’eux, souffrant d’une crise d’épilepsie, a été laissé à même le sol mouillé et froid, sans aucun soin, pendant de longues minutes. Cette scène a été filmée par un citoyen [4] et a provoqué l’indignation de nombreux médias espagnols. Ce citoyen nous a affirmé après : “J’ai essayé de faire entendre raison à un policier devant moi, qui m’a rétorqué : “Vous n’êtes pas content ? Et bien plaignez-vous au Comité P. Vous verrez, ca n’aboutira pas, comme d’habitude…”.
En effet, le Comité permanent de contrôle des services de la police (Comité P) ne se prononce que très rarement en faveur des citoyens. Un dysfonctionnement dénoncé à de nombreuses reprises, notamment par la campagne “Stop Répression” de la JOC, qui invite à manifester chaque année le 15 mars, lors de la journée internationale contre les violences policières.
Quand le Comité P intimide à son tour…
L’assurance de l’impunité permet à la police de couvrir ses propres dérapages. Ainsi, quelques jours après ces évènements, un groupe d’une vingtaine de militants chahutait la Commissaire au Commerce de l’UE Cécilia Malmström lors d’un débat organisé au Collège de Bruges. La direction du prestigieux collège n’appréciant pas cette contestation, elle envoya la police à la rencontre des manifestants, ceux-ci une fois dans la rue. Sans aucune raison objective, les policiers ont intimidé les militants, allant même jusqu’à immobiliser physiquement certains afin de tenter de saisir, encore une fois illégalement, leur appareil de captation vidéo. Dans un État de droit, le droit à la manifestation pacifique est protégé. Toute attaque contre cet aspect fondamental de notre démocratie est intolérable. Malgré la plainte portée à la connaissance du Comité P, ce dernier n’a pas hésité à intimider à son tour le plaignant, argumentant qu’aucune faute n’avait été commise par la police et le menaçant de poursuites s’il diffusait la vidéo montrant l’agissement des policiers envers les militants.
Plus d’informations sur ce collectif citoyen :
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