La nécessaire réforme de la CENI
Avant d’organiser les prochains scrutins, la plupart des observateurs nationaux et internationaux s’accordent à dire qu’il faut revoir l’organisation, la composition et le fonctionnement de la CENI. En effet, il y avait, avant même le scrutin du 28 novembre dernier, de forts soupçons de connivence entre le président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda, et le président sortant, Joseph Kabila. Dès l’annonce de la composition de la CENI, cela a donc mis en cause l’impartialité de cette institution. D’autre part, la CENI avait prévu un calendrier électoral très serré qui n’a pas permis de préparer sereinement ces élections. La distribution du matériel électoral (sensible et non sensible) n’a pas non plus été assurée de manière régulière et complète dans tous les bureaux de vote. Certains centres n’ont pu ouvrir leurs portes le jour J pour cause d’éléments manquants. Une autre controverse concerne l’accès des observateurs et parfois même des témoins à des copies certifiées des résultats ou aux centres locaux de compilation des résultats. L’accès leur a également été refusé au centre national de traitement des résultats. Toutes ces zones d’ombre paraissent donc suffisantes pour discréditer la CENI actuelle et les résultats qu’elle a publiés. Pour que la poursuite du cycle électoral puisse se faire dans de meilleures conditions, la CENI doit regagner en crédibilité. C’est pourquoi nous appelons à une réforme de cette commission, qui doit impérativement passer par une réorganisation de son Bureau. La société civile devra jouer un rôle important dans cette réforme et dans la conception des améliorations à y apporter.
Révision du fichier électoral
Parallèlement à la réforme de la CENI, plusieurs autres points d’attention sont essentiels à prendre en compte. Parmi ceux-ci, une révision complète du fichier électoral. En effet, plusieurs citoyens n’ont pas trouvé leur nom sur les listes le jour du scrutin. La CENI a donc autorisé au dernier moment le vote des « omis ». Ces derniers représentaient au final 17% des votants [4]. À l’inverse, certains citoyens étaient inscrits deux fois dans le fichier. Cela peut laisser croire que certaines personnes auraient pu voter dans plusieurs bureaux de vote différents, ce qui a également participé à alimenter les suspicions autour du scrutin et de l’institution qui l’organise. Une révision du fichier électoral avant les prochains scrutins est donc nécessaire afin de s’assurer de l’inscription de tous les citoyens sur les listes et de supprimer les doublons.
Éducation civique de la population et de la classe politique
À long terme, un travail d’éducation civique de la population est essentiel. En RDC, plus d’un tiers (33%) des personnes de plus de 15 ans sont analphabètes [5]. Les faiblesses du système éducatif justifient donc un besoin important d’éducation civique et électorale auprès de la population afin d’informer chaque citoyen de ses devoirs et ses droits, dont le vote fait partie. Une formation politique des candidats semble également nécessaire afin de limiter la « politique du ventre », c’est-à-dire le fait de voir de nombreux candidats se présenter pour le salaire et les avantages du poste plutôt que pour défendre de réelles convictions politiques. Les candidats doivent donc être davantage incités à formuler un programme politique concret et à réellement jouer leur rôle d’élu ou d’opposant. Lors du dernier scrutin, les électeurs, peu informés, ont davantage voté pour les personnalités locales que pour leur programme électoral puisque ceux-ci étaient inexistants ou très sommaires. Enfin, il ne faut pas oublier de former davantage les témoins des partis politiques. En effet, selon nos observateurs sur place le jour du scrutin, ceux-ci n’avaient parfois pas bien compris leur rôle, ce qui a pu participer à alimenter la confusion dans certains bureaux de vote et n’a pas permis d’amener des réelles preuves d’éventuelles fraudes lors du jugement de certains contentieux électoraux.
Revoir les règles de financement des partis politiques
Les règles de financement des partis politiques restent également à définir afin de ne pas assister à des dérapages comme on a pu en observer durant la campagne. Le camp du président sortant est notamment soupçonné d’avoir utilisé les moyens de l’État afin de mener sa campagne, par exemple lors de ses déplacements avec un hélicoptère de la présidence de la République. Une juste répartition des moyens alloués amènera plus d’égalité dans la représentation des sensibilités politiques et permettra peut-être de réguler le nombre très élevé de partis politiques et de candidats. En effet, des règles de financement plus strictes permettraient sans doute à moins de partis politiques de se présenter, ce qui pourrait diminuer la confusion engendrée par le nombre très élevé de partis et candidats enregistrés.