La guerre en Ukraine : un casse-tête pour les pacifistes ?

L’évolution du conflit qui se joue entre l’Ukraine et la Russie inquiète et submerge d’informations les citoyen·ne·s européen·ne·s. Plusieurs sentiments se mêlent… Tout d’abord, l’empathie pour la population ukrainienne qui s’illustre par de nombreux élans de solidarité et de propositions d’accueil. Ensuite, une préoccupation qui croît progressivement et qui concerne la durée du conflit, ses conséquences sur nos modes de vie. Enfin, une inquiétude importante, relative à l’expansion territoriale du conflit vers l’Ouest ou encore l’utilisation de l’arme nucléaire.

Crédit image : Katie Godowski.

En Belgique, ce qui rassemble aujourd’hui les citoyen·ne·s, les responsables politiques, les associations ou encore les académicien·ne·s, c’est la volonté d’une cessation immédiate des affrontements et un retour à une situation pacifiée permettant le dialogue entre l’Ukraine et la Russie.

Pourtant, nous sommes malheureusement contraints d’observer que divisions existent au sein de la société belge sur les méthodes pour arriver à cette cessation du conflit. Ces divisions traversent par exemple le secteur associatif pacifiste et contribuent sans doute à diminuer la force du mouvement pacifiste.

La société belge ne se divise pas sur l’idée que l’union qui lie les États-membres entre eux soit basée sur les valeurs de solidarité, de recherche du bien commun et de démocratie. Elle tend davantage à se diviser et s’interroger sur les conséquences, positives ou négatives, de la trajectoire sécuritaire prise par l’Union européenne.

Militarisation versus culture de paix : le programme de l’Union européenne

Nous sommes forcés d’accepter que l’ordre mondial change et l’UE n’est pas imperméable à ces changements. Les politiques et les stratégies de l’Union européenne tendent à se modifier afin de répondre aux nouveaux défis et enjeux internationaux. Dans cette optique, depuis plusieurs années, le développement de la stratégie de militarisation de l’Union européenne s’accélère. S’il est important que l’Union européenne puisse réagir de concert dans des situations comme la guerre en Ukraine, ou renforcer son autonomie face aux pressions extérieures, cette stratégie expose néanmoins certaines problématiques. D’une part, les ressources que l’Union européenne mobilise, ne se substituent pas à celles que chaque États-membres alloue à sa stratégie militaire nationale mais s’additionnent. D’autre part, ce coût additionnel n’est pas non plus gage d’un positionnement commun car les intérêts nationaux restent souvent privilégiés.

Depuis sa création, l’Union européenne s’est démarquée en prônant une construction de la paix par les échanges économiques et culturels, « promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples » selon l’article 3 du Traité de Lisbonne, plutôt que d’opter pour une sécurisation croissante des États vis-à-vis de leurs voisins. Pourtant, selon le professeur Aymeric Potteau de l’Université de Lille, « la réponse européenne est inédite puisque, dès le 28 février, moins de quatre jours après l’invasion, l’organisation décide d’apporter aux forces armées ukrainiennes une assistance sous forme de financement ou d’équipements militaires destinés à libérer une force létale[1]. Sans mésestimer la portée politique d’une telle décision, à bien des égards, révélatrice de la trajectoire géopolitique de l’UE ». La trajectoire de l’Union européenne semble donc s’éloigner de l’essence de l’Union.  

Accéder à une culture de paix européenne

Le programme de l’Union européenne pour ces prochaines années comme ses décisions vis-à-vis de la guerre en Ukraine seront décisifs. C’est pourquoi, il nous semble important de réitérer la nécessité d’une culture de paix. Culture de paix qui s’inscrit dans le long terme et ne substitue en aucun cas à la solidarité des populations européennes et des responsables politiques vis-à-vis de l’État agressé. Mais qu’est-ce qu’une culture de paix et comment l’implémenter dans nos politiques ?

Définie par l’Assemblée des Nations-Unies, « la culture de la paix est un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les États ». La culture de paix met l’accent sur le développement de l’éducation aux droits humains, d’une bonne gouvernance, des méthodologies de résolutions de conflit, de la construction de la mémoire des conflits afin de prévenir les conflits et donc, construire la paix.

Dans la situation présente, l’action de l’UE ainsi que son inaction, en tant qu’acteur de la communauté internationale et de différentes instances internationales, aura un impact non négligeable. C’est pourquoi, plus encore que le choix d’agir ou non au sein d’un conflit, c’est la justification derrière ce choix et l’idéologie qu’il transporte qui seront fondamentales. Il incombe à la société civile de proposer une vision à long terme sur le sens à donner à l’addition des actions prises par l‘Etat ou par l’UE et conférer, en ce sens, une perspective d’avenir sur ces enjeux de paix. Elle doit se questionner sur ce que recouvrira la culture de paix au sein de l’Union européenne dans les prochaines années ainsi que sur les réponses que celle-ci devrait apporter aux conflits internationaux qui font rage aujourd’hui.

Conclusion

Depuis le traité de Lisbonne, l’UE tend à s’éloigner de la construction d’une culture paix, pourtant inscrite dans ses textes fondateurs. En engageant des mesures et politiques de militarisation, elle prend une nouvelle direction. Elle entame un nouveau chapitre. Néanmoins, il faut impérativement que les citoyen·ne·s soient conscient de l’importance du tournant qui est pris afin d’y apposer ses ambitions et ses limites. Il est important que la part de budget allouée à la construction d’une culture de paix, comme définit précédemment, soit plus importante que celle allouée aux États pour une favoriser un réarmement. Le danger réside dans la substitution du premier par le deuxième.

Nous devons choisir d’assumer le biais que représente notre adhésion à une série de valeurs dans la lecture que nous aurons des conflits : la démocratie, les droits humains, l’égalité des peuples et la paix. Notre lecture du conflit, et les actions qui en découlent, seront influencées par notre adhésion aux valeurs démocratiques ainsi qu’à l’autorité du droit international. L’UE a pour mission de promouvoir plus de démocratie et soutenir les populations en lutte pour leurs droits et ce, en condamnant les actions mettant à mal ces droits.

Au-delà des divisions au sein du milieu pacifiste belge, il faut aujourd’hui rester vigilant à ce que la promotion du dialogue et de la diplomatie dans la promotion des valeurs de paix, démocratie et droit international supplante la promotion de la diplomatie dite “dure”, se jouant au travers des forces armées et transactions d’armement. L’enjeu sera donc de développer l’idéologie pacifiste européenne sur le long terme et, dans le même temps, agir de manière concrète et proactive face à la guerre qui se déroule actuellement sur le territoire ukrainien.

Nous devons appeler, ensemble, à un arrêt immédiat de la guerre, à un accord bilatéral de cessez-le-feu laissant place à une médiation internationale.

Mila Gatti.


 

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