L’aggravation du conflit territorial opposant la Chine au Japon autour des îles Senkaku et la récente hausse du budget japonais de la défense ont éveillé l’inquiétude de certains observateurs percevant cette situation comme autant d’indices d’une remilitarisation du pays. Toutefois, ces développements ne peuvent être pleinement appréhendés que par la prise en compte de l’histoire militaire du Japon et l’analyse des facteurs internes et externes de ces évolutions.
Le 13 mai dernier, trois navires gouvernementaux chinois sont entrés dans les eaux territoriales des îles Senkaku (Diaoyu en chinois) disputées au Japon en mer de Chine orientale. Il s’agit du dernier incident en date de l’épreuve de force dans laquelle les deux pays se sont engagés, depuis que Tokyo a nationalisé trois de ces cinq îles en les achetant à leur propriétaire privé en septembre 2012. La Chine a depuis régulièrement envoyé des navires, mais aussi ponctuellement des avions autour de cet archipel inhabité, alors qu’en parallèle, Tokyo annonçait la constitution d’une force spéciale de 600 hommes et 12 navires pour surveiller et protéger les Senkaku. Cette position de fermeté par rapport à la Chine a été favorisée par le retour au pouvoir du PLD (Parti Libéral Démocrate, conservateur) [1]Le PLD a en outre gouverné le Japon presque sans interruption depuis sa création en 1955, sauf pendant un intermède de dix mois entre 1993 et 1994, et entre août 2009 et décembre 2012 suite à … Continuer la lecture lors des élections législatives de décembre 2012. Cette domination du PLD inquiète particulièrement les pacifistes, le premier ministre Shinzo Abe ayant inscrit dans son programme électoral l’augmentation des dépenses militaires. Il n’a d’ailleurs pas dérogé à sa réputation de “faucon” en matière de politique étrangère en prévenant en avril que le Japon expulserait par la force tout éventuel débarquement chinois sur les Senkaku. Dans un contexte où l’environnement sécuritaire japonais est de plus en plus tendu, et alors que la Corée du Nord a procédé à deux lancements tests de missiles l’année dernière et à un essai nucléaire en février, un nombre croissant de voix plaide en faveur d’une politique étrangère plus agressive et émancipée de l’influence des États-Unis. Ce qui l’éloignerait des principes qui ont, au cours des dernières décennies, façonné la politique de défense du Japon.Documents joints
Notes[+]
↑1 | Le PLD a en outre gouverné le Japon presque sans interruption depuis sa création en 1955, sauf pendant un intermède de dix mois entre 1993 et 1994, et entre août 2009 et décembre 2012 suite à la nette victoire de son principal rival, le Parti démocrate du Japon (PDJ) de centre-gauche. |
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↑2 | A.K.N. Ahmed, “An Emerging Military Power”, Economic and Political Weekly, vol. 23, N.34, 20 août 1988, p. 1738 |
↑3 | Notamment l’envoi de membres des FAD au Cambodge en 1991 et de 53 gardiens de la paix au Mozambique en 1993. |
↑4 | Hiroshi Nakanishi, “La guerre du Golfe et la diplomatie japonaise”, 16 décembre 2012, www.nippon.com |
↑5 | Edouard Pflimlin, “Le Japon relance ses dépenses militaires face à la menace chinoise”, Le Monde, 9 janvier 2013 |
↑6 | Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), Yearbook 2012, p. 154 |
↑7 | Martin Fackler, “Japan is Flexing its Military Muscle to Counter a Rising China”, The New York Times, 26 novembre 2012 |
↑8 | Alicia P. Q. Wittmeyer, “Why Japan and China could accidentally end up at war”, Foreign Policy, 19 mars 2013 |