À l’heure où le montant des dépenses militaires globales atteint des niveaux inégalés, notre attention est de plus en plus tournée vers les tensions géopolitiques croissantes qui, si elles ne sont pas maîtrisées, pourraient dégénérer en conflits encore plus graves. Or d’autres voies de résolution des conflits existent.
Une opinion de Sarah Verriest, responsable animation et éducation permanente de la Commission Justice & Paix asbl
Similairement à une tendance mondiale, il est indéniable que nous assistons depuis quelques années dans l’Union Européenne à une augmentation des budgets alloués à la défense. L’Union européenne elle-même s’inscrit dans cette tendance, comme en témoignent l’explosion du budget du Fonds européen de défense, de Frontex, ainsi que la création de la Facilité européenne pour la paix, financée de manière extrabudgétaire, c’est-à-dire sans contrôle parlementaire direct. Le projet de défense européen évolue par ailleurs vers une orientation plus autonome, marquée par des investissements croissants dans la sécurité et la défense. Cette transformation peut être lue comme un ajustement en réponse à des préoccupations politiques contemporaines, tout en cherchant à maintenir un équilibre délicat entre les besoins de sécurité et la diplomatie. Cette transformation peut être interprétée à la lumière de divers facteurs, tels que l’annexion de la Crimée par la Russie, l’émergence de la Chine en tant que puissance mondiale et les impératifs de la lutte contre le terrorisme, ou encore par la volonté des États-Unis de voir leurs alliés européens contribuer davantage à l’effort de défense de l’Otan.
D’autre part, l’industrie de l’armement occupe une place stratégique dans le paysage économique et politique du continent européen. Soumise à une réglementation complexe par l’Union européenne, cette industrie revêt une importance cruciale en termes de sécurité et de stabilité régionale. Au fil des décennies, l’Union a joué un rôle majeur sur la scène internationale en matière d’exportation d’armes. Cependant, le contrôle des exportations est parfois opaque et il a été démontré que la traçabilité des armes – qui peuvent se retrouver utilisées lors d’autres conflits – peut faire défaut…
Une délibération citoyenne: pourquoi?
En cette journée internationale, nous souhaitions sensibiliser le public à l’importance cruciale que revêtent le désarmement et la non-prolifération pour l’avenir de l’humanité. De même, nous exhortons les dirigeant(e) s à prendre des mesures pour renforcer le régime mondial de désarmement et de non-prolifération – y compris le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Favoriser la libre expression publique, les espaces de concertation et les dialogues politiques au sein des États participera à la construction d’une culture de paix, appuyée par des débats démocratiques, qui rayonnera positivement sur les relations inter-étatiques.
Nous tenons surtout à ce que l’Union européenne et ses États membres continuent à développer et à renforcer leurs capacités diplomatiques, car la résolution des conflits et la prévention des tensions ne reposent pas uniquement sur la puissance militaire, mais également sur la capacité à promouvoir proactivement le dialogue, la médiation, la coopération, ainsi que les politiques en faveur de la paix. Si l’Union européenne cherche à renforcer sa sécurité, le défi sera de le faire en garantissant le respect de ses engagements pour le pacifisme, tout en maintenant l’équilibre régional et international. Trouver la juste proportion entre sécurité et pacifisme ne sera pas une tâche facile. Cela nécessitera une gestion prudente des investissements dans la défense, en s’assurant qu’ils soient guidés par des objectifs de sécurité réalistes et qu’ils ne compromettent pas les principes fondamentaux de paix et de diplomatie. En tant qu’organisation de la société civile, nous réaffirmons également notre volonté à soutenir la résolution pacifique des conflits internationaux, le refus catégorique de l’usage de la force, le respect des intégrités territoriales et de la souveraineté politique des États, et rappelons que notre boussole est le respect du droit international et du droit humanitaire.
Un dialogue plus ouvert et inclusif
Un autre enjeu réside dans la promotion d’un dialogue plus ouvert et inclusif entre les gouvernements, les institutions européennes, la société civile et les citoyen(ne)s. En effet, alors que l’Europe se réarme et devient un acteur clé de la fourniture d’armes à l’échelle mondiale, les citoyen(ne)s ne semblent pas consulté(e)s. Cette implication permettrait d’harmoniser plus efficacement les priorités en matière de sécurité avec les besoins, tout en garantissant le respect des droits humains, ainsi qu’en assurant une transparence accrue dans les décisions relatives à la défense et aux exportations d’armes.
Enfin, nous tenons à favoriser la libre expression publique, les espaces de concertation et les dialogues politiques au sein des États. Cela participera à la construction d’une culture de paix, appuyée par des débats démocratiques, qui rayonnera positivement sur les relations inter-étatiques.
Lors de ces périodes charnières où l’Europe se questionne et tente de trouver la contre-mesure face à la montée des extrêmes, il est nécessaire qu’elle réengage ses citoyenꞏnes dans la construction de leur avenir. En effet, l’Union européenne, en tant que projet porteur de paix et d’unité, a le devoir d’être en phase avec les aspirations de ses citoyen(ne)s, car sa légitimité découle du consentement éclairé de sa population.
En optant pour le désarmement et la non-prolifération, nous investissons dans la paix.
En investissant dans la paix, nous investissons dans notre avenir.
Sarah Verriest, responsable animation et éducation permanente de la Commission Justice & Paix asbl
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