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“Naomi Wolf,”
Rosa Parks, Mona Eltahawy, Shirin Ebadi ou encore Zoé de Gamond… toutes ces femmes se sont illustrées dans des luttes historiques pour revendiquer davantage de justice sociale . Que ce soit dans des mouvements exclusivement féministes ou au sein de mobilisations mixtes, les femmes ont depuis toujours eu un rôle prépondérant pour faire entendre leur voix dans le but de parvenir à un changement social.
En Occident, dès la fin du XVIIIe siècle, les femmes occupent l’espace public et revendiquent leurs droits et leur émancipation. Ce souhait d’être reconnues comme « femmes à part entière » est encore d’actualité aujourd’hui. Mais lorsqu’il s’agit de bousculer un ordre établi inégal, hommes et femmes, ensemble, font grève ou descendent dans la rue.
Le XXe siècle a, par exemple, été marqué par de nombreuses grèves. Certaines exclusivement portées par des femmes [[Par exemple, en France, l’année 1917 est marquée par la grève des ouvrières parisiennes du textile surnommées les midinettes.]], d’autres apparentées à des luttes mixtes. Souvent, l’opinion publique s’étonne de la présence des femmes dans les mouvements. Pourtant, elles ont toujours été présentes, mais souvent invisibles, dans l’ombre des hommes. Cette réaction est alimentée par le stéréotype selon lequel la sphère publique appartient aux hommes et qu’une femme qui occupe cet espace transgresse l’ordre établi. Or, chacune et chacun d’entre nous avons le droit de faire grève. Cet argument peut aussi être détourné et renforce les stéréotypes ainsi que la popularité de la lutte : si les femmes se mobilisent, c’est une cause importante [[Emission de Médiapart, Les détricoteuses, « Des «midinettes» aux «gilets jaunes»: les femmes toujours en lutte ! », 31 janvier 2019.]].
Dans les mouvements syndicalistes, les femmes sont également moins visibles. En effet, le discours syndical prône l’image de l’homme ouvrier et de la femme au foyer. En 1936, par exemple, c’est la grève générale en France. Cependant, on observe une répartition genrée des tâches : les hommes maintiennent les piquets de grève à l’intérieur de l’usine tandis que les femmes arrivent de l’extérieur et apportent de la nourriture. Les médias véhiculent également cette vision : les femmes sont prises comme témoins de la grève tandis que les hommes sont interviewés pour commenter les stratégies de grève [[Id.]]. Même dans des usines majoritairement composées d’ouvrières, ce sont les quelques ouvriers qui seront mis en avant. Merci la langue française et son célèbre dicton : « le masculin l’emporte sur le féminin ».
Plus récemment, des femmes gilets jaunes se sont battues pour faire entendre leurs droits et ne pas être simplement des femmes de gilets jaunes [[Un reportage du média français C News titré « Rassemblement de femmes de Gilets jaunes » en janvier 2019 a fait débat. Source : émission de Médiapart, Les détricoteuses, « Des «midinettes» aux «gilets jaunes»: les femmes toujours en lutte ! », 31 janvier 2019. Et tweet d’une internaute : https://twitter.com/JulJumel/status/1081865652707753984 .]]. Ces femmes ne se prétendent pas féministes même si les revendications se rejoignent. Tout cela s’inscrit dans une démarche globale de convergence des luttes, c’est-à-dire rassembler des luttes différentes mais proches dans des actions communes.
Droit à l’autonomie, meilleures conditions de travail, égalité des salaires, travail du care, division genrée du travail… sont autant de revendications portées par les femmes de tout temps, et nombreuses d’entre elles ne sont toujours pas acquises !
Dans une optique de changement social en profondeur, les femmes bataillent pour une dénaturalisation de leurs tâches et une professionnalisation de leurs compétences. Elles tentent de faire entendre leur voix dans un contexte socio-politique dominé par les hommes.
Déjà en 1791, en pleine Révolution française, Olympe de Gouge rédige La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne [[Marine, 1791 : des citoyennes révolutionnaires, 18/02/2019.]]. Ces revendications politiques ont traversé les siècles et sont encore, pour certaines, d’actualité aujourd’hui. Les femmes luttent contre l’oppression [[Foufelle Dominique, Les femmes dans les luttes et les mouvements sociaux, La Brèche numérique 30/06/2004.]]et pour un changement en profondeur de la société patriarcale.
En Afrique, les femmes se battent également pour leur émancipation. Avant la colonisation, les femmes avaient davantage de place et de pouvoir, mais suite à l’arrivée des colons, les choses ont changé. En effet, des sociétés initialement matriarcales se sont profondément transformées suite à la colonisation. Pourtant, que ce soit dans la lutte armée ou dans la désobéissance pacifique, les femmes africaines ont joué un rôle essentiel dans le processus de décolonisation [[Jurado Angeles, D’hier à aujourd’hui, la puissance du féminisme africain, Courrier international 15/03/2019.]]. Mais après l’indépendance, le système patriarcal de l’Occident a perduré et les sociétés matriarcales n’ont pas été restaurées.
En Belgique, au XIXe siècle, Zoé de Gamond, puis sa fille Isabelle, sont convaincues que l’émancipation de la femme passe par l’instruction et vont se battre pour ce droit fondamental. Elles entendent ainsi agir directement sur les mentalités pour arriver à une émancipation des femmes et une complémentarité avec les hommes.
L’articulation entre les mouvements féministes et les femmes dans les revendications sociales est essentielle. Pourtant, il est parfois difficile d’établir une frontière fixe entre le féminin et le féminisme dans les mobilisations collectives : où s’arrête le féminin et où commence le féminisme ? Même si certains mouvements de femmes ne se revendiquent pas tels quels comme « féministes », on observe dans leurs revendications des traits féministes, c’est-à-dire « contestant la hiérarchie socialement établie entre les sexes [[Bereni, Laure et Anne Revillard. « Les femmes contestent. Genre, féminismes et mobilisations collectives », Sociétés contemporaines, vol. 85, no. 1, 2012, pp. 5-15.]]». C’est pourquoi il existe inévitablement un rapport voire une tension entre le féminin et le féminisme dans les luttes sociales. Et pourtant, cela peut parfois constituer un problème : alors que le féminin souligne la différence des sexes, par opposition au masculin, le féminisme combat justement cette différence. En définitive, féminin et féminisme se mêlent constamment.
L’histoire plus récente du féminisme peut se résumer sommairement en quatre « vagues », du milieu du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. La première portait sur des revendications visant à obtenir les mêmes droits civiques que les hommes (droit de vote, droit à la propriété, etc.). Après la Première Guerre mondiale, on remarque un moment d’essoufflement et de transition avant que la deuxième vague ne démarre vers les années 1960. Cette période est marquée par des revendications visant plutôt une émancipation globale des femmes, bien au-delà du droit de vote. La deuxième vague est empreinte de discours sur la sexualité, la famille, les droits liés à la procréation etc. La troisième vague émerge dans les années 1980 et se concentre davantage sur des revendications qui visent à défendre toute minorité et lutter contre les discours dominants. On parle dès lors de convergence de luttes parmi les mouvements sociaux. Dans cette troisième vague, parmi les différentes revendications, on observe parfois un « refus de féminité ». Dans son essai Quand la beauté fait mal [[Naomi Wolf, [[Quand la beauté fait mal. Enquête sur la dictature de la beauté]], Chatto & Windus, 1990.]], Naomi Wolf dénonce en effet la dictature de la beauté. Pour les femmes, l’enjeu de ce mouvement est de sortir des stéréotypes et des cadres imposés par la société. On retrouve à nouveau ici la tension entre féminin et féminisme qui est largement incarnée à cette époque. Enfin, depuis 2012, on évoque la quatrième vague, associée à l’utilisation des réseaux sociaux, qui s’oppose principalement au harcèlement et aux violences faites aux femmes [[C’est dans cette vague que l’on voit apparaître des mouvements et des campagnes tels que : #Metoo, One Billion Rising, les marches des femmes etc.]].
Aujourd’hui, dépassant le strict cadre de la sphère privée, la place des femmes dans la sphère publique n’est plus à démontrer. L’Histoire nous rappelle ces grandes figures féminines et féministes qui, par leurs actions et leurs revendications, ont amené un changement social à leur manière.
Bien sûr, il existe et a existé une multitude de femmes, de courants féministes qui dépendent du contexte sociétal du moment. Les revendications et manières de les exprimer diffèrent mais sont toujours dans une optique de libération et d’émancipation. Tout l’enjeu du XXIe siècle est d’écouter ces revendications et de les mettre en dialogue afin de trouver des points de convergence. C’est par l’action collective et la convergence des luttes que nous arriverons à un changement en profondeur des sociétés. Celui-ci passera-t-il par les femmes ? Seul l’avenir nous le dira !
Anne-Claire Willocx.