Les principes clés de la démocratie seraient les mêmes quel que soit l’État dans lequel ils s’appliquent. Ils peuvent contribuer à une gouvernance stable et transparente.
Les principes clés de la démocratie sont les mêmes et peuvent contribuer à une gouvernance stable et transparente, quel que soit l’État dans lequel ils s’appliquent. Il n’y aurait pas de formes de démocratie propre à chaque État ou à chaque continent.
Une autre forme de démocratie à l’Africaine
La réélection du président Félix Antoine Tshisekedi en République Démocratique du Congo (RDC) après le scrutin du 20 décembre 2023 nous invite à nous questionner sur les thématiques de démocratie et de bonne gouvernance. Celles-ci ont eu lieu avec un retard dans le vote, car dans certains villages et autres endroits, les bureaux de vote ont continué de fonctionner jusqu’au 22 décembre, soit trois jours après la date officielle du scrutin. Les élections ont été organisées dans un contexte très tendu, caractérisé par des troubles causés par des mouvements armés.
La démocratie ne se limite pas seulement aux élections, il s’agit aussi de l’effectivité de plusieurs grands principes qui doivent être respectés et mis en œuvre. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) ; la souveraineté du peuple ; la coexistence de plusieurs partis politiques ; l’égalité des droits ; le respect des libertés (d’expression, d’association, de la presse, etc.)
La participation ne consiste pas seulement à voter le jour des élections, bien que ce soit certainement sa forme la plus notable. Les candidat∙es doivent expliquer clairement et par un débat contradictoire quels sont leurs plans, leurs projets de développement du pays et comment ils comptent les mettre en œuvre. Mais, actuellement en RDC, la tendance est que chaque candidat∙e travaille au profit des membres de son ethnie.
Principes clés de la démocratie
Il n’y a pas de démocratie adaptée au contexte africain ou de démocratie propre à l’Afrique[1], à l’Europe ou à d’autres continents. En effet, les principes de la démocratie sont les mêmes. Une fois mis en œuvre, ils peuvent produire les mêmes résultats d’épanouissement des peuples, de libertés et de respect des droits humains.
En démocratie, les citoyen·nes doivent participer effectivement à la prise de décision : le peuple a son mot à dire. Les citoyen∙nes confient des pouvoirs aux personnes qu’ils et elles élisent, et celles et ceux-ci sont chargé·es d’utiliser ces pouvoirs pour enrichir l’entièreté de leur communauté. Les hommes et femmes politiques sont responsables devant le peuple, doivent agir conformément à sa volonté et ont le devoir de ne pas abuser de leur pouvoir pour s’enrichir et enrichir leurs proches. Lorsque des gouvernements autoritaires prennent le contrôle des journaux et des chaînes d’information, lorsqu’ils entravent et intimident les organisations de la société civile, il devient trop facile de dissimuler la corruption et les abus de pouvoir au public. Il devient plus difficile pour le peuple de demander au gouvernement de rendre des comptes le jour des élections.
Le gouvernement doit rendre des comptes au peuple, ne pas abuser dans sa gestion ou s’enrichir au détriment de ce dernier. Les organisations de la société civile doivent avoir accès à l’information et au mode de gestion afin que la corruption ne soit pas dissimulée. La gestion des entreprises publiques et le recrutement des fonctionnaires doivent être effectués de manière transparente. Les opinions politiques des citoyen∙nes doivent être respectées, car la démocratie a pour substance l’ouverture de la pensée et de l’expression. Tous les partis politiques d’opposition, de gauche ou de droite, doivent avoir les mêmes chances dans la conquête du pouvoir. La liberté économique est d’une importance capitale, car elle permet aux communautés de se développer et de développer l’économie nationale pour la rendre forte et moins dépendante des importations.
Démocratie et Droits humains
Un grand débat existe en ce qui est du respect de droits humains comme condition d’effectivité de la démocratie. Pour certain·es, la démocratie ne peut exister sans droits humains et pour d’autres, les droits humains ne sont qu’une construction idéologique occidentale qui n’est pas une conditionnalité pour la démocratie et le développement dans un pays.
L’Afrique prête pour la démocratie
« L’Afrique ne serait pas prête pour la démocratie ! », a dit l’ancien président français Jacques Chirac (1995-2007). Bien sûr qu’elle est prête. En RD Congo, par exemple, le pays vient d’accomplir quatre cycles électoraux de 2006 à 2023. Ceci est un signe que les valeurs démocratiques pénètrent de plus en plus les mentalités des citoyen∙nes congolais∙es, et qu’il serait inadmissible de prendre le pouvoir par les armes.
La démocratie est une valeur africaine
Les affaires du village se réglaient autour « des arbres à palabres » avec la participation des populations ou leurs représentant·es : c’était le temps de légiférer, de décider, de juger… Dès lors, on peut sans équivoque établir un parallèle entre la structure des « chefs traditionnels et notables » et celle des « chefs d’État et notables ».
Les chefs traditionnels n’exerçaient pas seuls le pouvoir, les notables participaient à la prise des décisions et étaient consultés. Celui qui emportait l’adhésion populaire était intronisé, comme le montre l’exemple des peuples du nord du Togo. Ceci démontre que la démocratie est aussi une valeur africaine. Ce modèle d’organisation du pouvoir par la suite sera mis à mal par la colonisation et la décolonisation[2].
L’Afrique est prête pour la démocratie, malgré les récents coups d’État observés au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Malgré ces défis, le continent poursuit son chemin vers la démocratie. En République démocratique du Congo, par exemple, le pays a récemment accompli quatre cycles électoraux, ce qui témoigne de l’adhésion croissante des citoyens aux valeurs démocratiques et de leur rejet de la prise de pouvoir par la force. |
En conclusion, l’Afrique fait face à des défis dans sa quête démocratique, mais elle progresse néanmoins vers une gouvernance basée sur les principes universels de la démocratie. Malgré les obstacles tels que les coups d’État et les troubles politiques, les valeurs démocratiques sont ancrées dans les sociétés africaines, comme en témoigne l’engagement croissant des citoyen∙nes dans le processus électoral et la participation politique.
Il est crucial de reconnaître que la démocratie n’est pas simplement une question d’élections, mais aussi de respect des droits individuels, de transparence gouvernementale et de responsabilité des dirigeant∙es envers leurs citoyen∙nes. En s’appuyant sur les traditions participatives ancestrales et en s’adaptant aux réalités modernes, l’Afrique peut consolider ses institutions démocratiques et promouvoir le développement durable et l’épanouissement de ses peuples.
Ainsi, l’Afrique est prête pour la démocratie et elle continue d’affirmer son engagement envers ces idéaux, non seulement comme un héritage historique, mais aussi comme un chemin vers un avenir de prospérité et de liberté pour tous·tes ses habitant∙es.
Marina Muvughe.
[1] Biléou Sakpane-Gbati, 2011, “La démocratie à l’africaine”, Éthique publique [Online], vol. 13, n° 2
[2] Biléou Sakpane-Gbati, 2011, “La démocratie à l’africaine”, Éthique publique [Online], vol. 13, n° 2