Lors d’une mission de terrain au Pérou en décembre 2018, la Commission Justice et Paix a pu, avec le soutien des ONG Red Muqui et Labor, constater les effets de l’exploitation minière sur l’environnement, la santé et le quotidien de la population locale. Le cas de Cerro de Pasco, considérée comme la capitale minière du Pérou, montre toutes les limites d’un extractivisme intensif où l’Etat et les entreprises déclinent toute responsabilité. Analyse.

et Yanamate près de Cerro Pasco symbolisent bien la catastrophe écologique provoquée par l’extraction minière dans la région. Ces zones naturelles, essentielles à l’équilibre de l’écosystème andin, ont été polluées par les eaux usées de l’usine de traitement des minerais [4]La production de minerais requiert l’utilisation de produits chimiques tels que l’arsenic, le cyanure et le mercure pour séparer le métal de la roche.. Les métaux lourds – l’arsenic, le cadmium, le chrome, le cuivre, le fer, le manganèse, le plomb et le zinc – trouvés dans l’eau sont supérieurs aux normes nationales et internationales. Le fer, le manganèse et le zinc par exemple dépassent respectivement approximativement les limites de 6000, 2200 et 197 fois leur niveau de garde, au-dessus duquel il y a des dommages à l’environnement et des risques pour la santé [5]Estudios en Poblaciones Afectadas por Metales Pesados en Pasco, Centro de Cultura Popular Labor.. Elisabeth Perez, la représentante de l’ONG Labor que nous avons rencontrée nous a expliqué que « l’eau est devenue très acide (avec un pH respectif de 2.5 et 1.7, soit 50 000 fois plus acide que le pH neutre). La vie aquatique a ainsi disparu et la biodiversité reste très affectée. Les rives des lagunes ne disposent d’ailleurs d’aucune barrière ou mesure de sécurité pour les hommes et les animaux. Et le petit bâtiment construit sur la rive de la lagune, censé traité les eaux, n’est pas fonctionnel. Il n’existe donc actuellement aucun système de traitement ni de canalisation des eaux ».
Le bassin des fleuves Tingo, San Juan (du pont Yurahuanca au lac Chinchaycocha à Junín) et la partie inférieure du bassin de la rivière Huallaga présentent tous des niveaux élevés de pollution. La vie de centaines de milliers de personnes dépend ainsi de ces fleuves pollués à la source. Les activités minières d’autres mines (El Brocal, Atacocha, etc.) aux environs aggravent encore la situation [6]Estudios en Poblaciones Afectadas por Metales Pesados en Pasco, Centro de Cultura Popular Labor.. La présence d’éléments toxiques et cancérigènes y est très préoccupante, notamment en raison de l’utilisation de ces eaux tant pour l’agriculture et le bétail qu’à des fins domestiques. Ceci explique d’ailleurs que l’élevage ait drastiquement diminué, aussi bien quantitativement (d’environ 30 à 35%) que qualitativement (les animaux sont plus maigres et malades). La population souffre ainsi d’insécurité alimentaire ainsi que d’un stress hydrique [7]C’est-à-dire que la demande dépasse la quantité d’eau disponible ou que la mauvaise qualité de l’eau en limite l’usage. à certains endroits (à Cerro de Pasco par exemple l’eau est rationnée à une heure par jour).
Rappelons que l’eau, ressource naturelle vitale, est mal répartie au Pérou. En effet, environ 97,7% de l’eau qui naît dans la Cordillère des Andes va vers l’Amazonie, tandis que seulement 1,7% va vers la côte [8]Source : Universidad Agraria de la Molina.. Ces sources d’eau sont donc précieuses.
Enfin, les personnes rencontrées témoignent des difficultés croissantes liées au changement climatique. Selon Alberto Maurizio, Trésorier de la municipalité de Quiulaocha « Alors qu’avant il y avait de l’eau partout, la région souffre désormais de sécheresse et du froid. Une partie de la population n’a ainsi pas d’autre choix que de migrer vers d’autres villes (par exemple à Huancayo). »
Les droits à un environnement sain, à une eau potable et en quantité suffisante, à une alimentation saine et sans substance toxique, pourtant fondamentaux, sont donc clairement violés à Cerro de Pasco et dans la région. L’ONG italienne Source International, qui a mené des études dans la ville, n’hésite d’ailleurs pas à qualifier la situation de crime environnemental, de crime contre les ressources naturelles selon la Loi péruvienne n° 29263 et de crime contre l’humanité.
Les passifs environnementaux sont les résidus d’une activité extractive qui constituent un risque permanent ou potentiel pour la santé humaine et l’environnement. Selon le Vice-ministre de l’énergie et des mines péruvien, il y a actuellement plus de 8 000 passifs environnementaux miniers et plus de 3 500 en hydrocarbures au Pérou . Il est donc urgent de déterminer qui est responsable de leur traitement.
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