Ré-enchanter l’Europe

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A la veille des élections européennes, comment appréhender le sens d’un projet européen pour l’avenir ? En rendant plus intelligible la portée humaniste des actions européennes, et en renforçant les principes de réconciliation, de solidarité, de reconnaissance de l’autre et de démocratie. europe_parlement_et_drapeaux.jpg

A la veille des élections européennes, il est primordial de continuer à nous émerveiller de tout ce que nous a apporté l’Europe, depuis la fin de la 2ème Guerre Mondiale : d’abord la paix difficilement gagnée, sur base de(s) principes d’action qui guidèrent la démarche des ‘pères-fondateurs’ que furent Konrad Adenauer, Jean Monnet et Robert Schuman : réconciliation, dignité et droits humains, action concertée et reconnaissance mutuelle des peuples dans leur singularité. Ensuite, grâce à des principes qui se sont incarnés dans de nouveaux modes concertés de planification, d’organisation et de coordination tant économiques et financiers que politiques et sociaux. Après des siècles de guerre, on allait créer de nouvelles formes du vivre-ensemble. L’Europe, recueil de multiples héritages, devenait ainsi un formidable espace d’évolution, d’émancipation, de progrès. Politiquement, l’Europe a toujours été considérée comme un continent. Culturellement, elle a reçu de multiples influences au cours des âges, comprenant de nombreux pays qui possèdent autant un héritage commun que des différences, à la fois historiques, linguistiques et religieuses sans oublier les apports récents venus avec la mondialisation. Néanmoins, avec le sablier de l’Histoire, toute fondation démocratique finit par avoir ses paradoxes : plus le temps passe, plus se complexifie le travail de mémoire, d’explication et d’interprétation des réalisations passées, ainsi que celui de la transmission objective d’informations au quotidien. Le constat d’aujourd’hui est celui de profonds désarrois – sinon de rejets divers et multiples, qui semblent s’être emparés des Européens, tant semble s’installer une véritable crise de confiance, tant continuent à rebuter les aspects technocratiques de ces programmes d’intégration, la complexité du fonctionnement des Institutions européennes et leur manque d’efficacité face à certains défis contemporains urgents, comme l’enjeu climatique. Aujourd’hui se dressent d’autres immenses défis : la crise de la politique migratoire, la pression sur les ressources naturelles, les inégalités, les guerres au Moyen-Orient et sur le continent africain, la mondialisation, la montée des extrémismes, les enjeux éthiques autour des nouvelles technologies, les impacts à venir de l’intelligence artificielle, l’instrumentalisation des informations, la multiplication des réseaux sociaux… Pour contourner ces obstacles, il faut d’abord rendre plus intelligible la portée humaniste des actions européennes. Ensuite, ré-enchanter leur sens en termes de signification et vision. Enfin, faire mémoire de celles et ceux qui les ont précédemment portées depuis le Traité de Rome. Même imparfaits, leurs témoignages donnent à saisir leurs intentions et à faire émerger l’esprit de cette aventure unique à travers l’Histoire européenne. Mais comment appréhender ce sens européen pour l’avenir ? Ce passé décrit-il encore le cadre de notre présent ? Dans le cas de l’histoire de l’Union Européenne, on mentionne souvent sa volonté et ses processus de réconciliation. Peut-être serait-il temps de les réexpliquer mieux encore pour transmettre les tenants et aboutissants de ce premier principe fondateur admis, car derrière les dérives populistes actuelles, de vieux démons se manifestent malheureusement à nouveau. Un projet européen constitue un facteur de paix durable, la seule réponse possible aux replis identitaires et nationalistes dont les effets peuvent entraîner les êtres humains loin dans la barbarie. Il importe également d’éclairer le principe de solidarité : au-delà d’une prospérité globale à maintenir, agir pour qu’émerge une répartition plus équitable des ressources au sein des populations et entre les États partenaires de l’Union. Rappelons que 17 % des Européens vivent sous le seuil de pauvreté, alors que les patrimoines des catégories les plus aisées semblent sans limite. On est également en droit d’attendre une solidarité plus affirmée encore de l’Europe avec le reste du monde, notamment des communautés qui vivent des situations de conflit, le réchauffement climatique, les migrations forcées ou des violences politiques. Un troisième principe pourrait être celui du respect et de la reconnaissance de l’autre, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union Européenne, pour être à l’avant-garde de la prise en compte des justes besoins de toute population. Cette reconnaissance suppose la création de conditions qui permettent la valorisation de la diversité culturelle, philosophique, religieuse, tout en assurant les droits des minorités et catégories discriminées. Enfin, il est indispensable de renforcer les dispositifs démocratiques pour réduire le fossé qui s’est creusé entre décideurs politiques et citoyens. Afin que les citoyens s’emparent du projet européen, il est indispensable de leur faire une place dans les processus de consultation et de décision. D’autres modalités démocratiques, plus participatives, complémentaires aux élections, pourraient contribuer à stimuler l’adhésion des peuples pour l’Europe. On pourrait objecter que continuer à réfléchir et interpeller sur ces principes est bien élitiste et que de surcroît, ils pêchent par idéalisme. Elitisme ? Pourtant, les grands tournants de l’Histoire ont le plus souvent d’abord été entamés par des minorités pensantes puis agissantes. Idéalisme ? D’accord, l’importance relative des intérêts et des idéaux dans le projet d’intégration européenne demeure un sacré sujet de controverses. Henri Riebene, affirmait pourtant « que ce serait là fausser les intentions des Konrad Adenauer, Jean Monnet, Robert Schuman et de tant d’autres qui ne pensaient pas devoir choisir entre intérêt national et intérêt commun. L’eussent-ils même désiré, leur sens politique aiguisé les aurait avertis de l’impossibilité de cette dérive. » Il est donc indéniable de pouvoir affirmer que l’Europe s’est unie avec un certain ‘succès’ pour créer ce qu’elle est devenue, malgré ses échecs, limites et manquements. Pour autant, elle ne s’est pas (encore) ‘convertie’ avec un esprit de sens à de nouveaux ensembles de valeurs. Il est donc sans nul doute encore temps de tirer parti de ce legs unique, de ces initiatives successives et actions novatrices qui ont non seulement gagné la paix en Europe mais également et peut-être surtout amené sa construction démocratique même si celle-ci, imparfaite, est parfois remise en question. Car, quoi qu’il en soit, certains enjeux supranationaux exigent une échelle d’action supranationale. Aucune politique fiscale juste, équilibrée n’est possible à l’échelle d’un pays. Aussi, seule l’Europe est capable d’offrir une réponse politique à la mesure de l’urgence et de l’ampleur des défis environnementaux. Voyons les dernières avancées en matières économique, environnementale ou sociale, comme celles relatives à l’interdiction de la pêche électrique, au Règlement général sur la protection des données personnelles, à la réglementation du travail détaché de pays à pays pour combattre le dumping social. Voyons aussi cette génération jeune née des échanges Erasmus. Elle attend une Union Européenne à la fois démocratique et efficace, forte et humble, riche et généreuse, une Union Européenne qui pense plus juste et parle vrai, courageuse politiquement, en faisant place à de nouveaux idéaux. Concrètement, nous pourrions nous rallier aux propositions de Philippe Herzog :
  • Un agenda européen aux priorités claires et compréhensibles par toutes et tous
  • Un projet politique avec une stratégie économique, sociale, environnementale, migratoire financière et industrielle commune aux différents pays, avec le bien commun comme vision.
  • Une politique migratoire concertée
  • Une solidarité renforcée au-delà des concurrences, afin de donner priorité à l’éducation, à la cohésion sociale et au respect du travail.
Régis Debray écrivait récemment : « Il est dur de renoncer à l’idée que l’Histoire a un sens et pas seulement un cours. » Le 26 mai prochain, à nous de désigner, au Parlement européen, des porteuses et des porteurs de ce sens. Les membres du groupe de travail Éthécopol (Éthique et économie dans la politique).

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