Les nouveaux visages de l’engagement volontaire. Défis et opportunités pour notre société

Volontaires et bénévoles s’engagent auprès de l’Autre et pour une société meilleure. Si de nombreuses associations tirent la sonnette d’alarme sur une baisse du volontariat, les recherches universitaires nous aident à dépasser nos stéréotypes sur le profil type du volontaire. Nous pouvons toutefois constater une évolution dans les formes d’engagement bénévole et celles-ci sont porteuses d’espoir pour notre société. La société civile et les pouvoir publics doivent adapter leur action pour mettre en valeur ces changements ainsi que pour soutenir le volontariat dans toutes ses formes. 2016_analyse_les_nouveaux_visages_de_l_engagement_volontaire_710x280.jpg

« Volontaire » est un adjectif que l’on peut utiliser dans différentes situations pour décrire une variété très importante d’activités. Est volontaire le père de famille qui entraîne l’équipe de foot où son fils joue. Est volontaire la présidente d’une asbl. Est volontaire l’enseignant qui aide des enfants et des adolescents dans l’école de devoirs de son quartier. Il suffit parfois de penser à notre propre entourage, on y trouvera des personnes engagées sur différents fronts. Si le volontariat peut se déployer dans des domaines très variés, la Loi du 3 juillet 2005, relative aux droits des volontaires , définit de manière précise le terme « volontaire ». Il s’agit donc d’une personne qui s’engage : – de manière non rétribuée et sans aucune obligation ; – au profit d’autrui ou de la société en général ; – auprès d’une organisation par laquelle il n’est pas employé (ou en tout cas dans une tâche différente de celle qu’il effectue dans le cadre de ses heures de travail rémunérées). Il est important que tous les volontaires connaissent l’existence de cette Loi, parce qu’elle défend leurs droits et elle définit leurs « devoirs ». Mettre tout volontaire au courant de celle-ci est d’ailleurs une tâche importante de ceux qui, dans chaque organisation, encadrent et accompagnent les volontaires dans leurs activités. Bénévole ou volontaire ? Tranchons le débat Les organisations qui travaillent avec des citoyens et des citoyennes qui donnent leur temps de manière non rémunérée ne s’accordent pas sur un terme univoque : bénévole ou volontaire. Cela dépend souvent des pratiques et de l’histoire de chaque association. Certaines utilisent les deux termes en même temps pour décrire des personnes menant deux types d’activités différentes au sein de la même organisation. Historiquement ces deux termes ont des origines différentes. Selon Céline Orban [1]ORBAN C., « Bénévolat, volontariat… une mise à débat », dans Le volontariat en Wallonie et à Bruxelles. Regards du monde associatif et de la recherche académique, 2014, Fédération … Continuer la lecture, le terme « bénévole » aurait à la base une connotation religieuse [2]Ce terme se trouve dans le droit ecclésiastique.. Ce terme s’impose dans les années 80 pour définir une activité non salariée au sein d’une association. Il décrirait également une attitude apolitique. Le « volontariat » a de son côté une origine liée à la sphère militaire [3]Le terme « volontaire » désignait un soldat qui prenait part à une guerre sans solde, avec l’objectif d’apprendre le métier.. C’est bien ce second terme qui a été retenu par le législateur belge en 2005 pour décrire tout travail non rémunéré, sans recherche de profit personnel ou d’obligation, s’exerçant à travers une organisation. C’est ce terme que nous allons retenir pour la suite. Signalons cependant que l’Organisation Internationale du Travail donne une définition plus large du «travail bénévole» : «travail non rémunéré non obligatoire ; il s’agit du temps que des personnes consacrent sans rémunération à des activités réalisées soit par le biais d’une organisation soit directement pour d’autres personnes qui n’appartiennent pas au ménage du bénévole» . La différence avec la définition législative belge se trouve ici dans la possibilité d’exercer du bénévolat en dehors d’une organisation. Selon ces deux définitions, on pourrait décrire le volontariat comme une forme de bénévolat institutionnalisé [4]ORBAN C., idem., p. 90.. C’est de cette manière que nous utiliserons les deux termes au sein de cette analyse. Des chercheurs des Universités de Gand et de Liège ont mené une étude approfondie sur les caractéristiques du volontariat en 2015 . D’après leurs estimations, près d’un belge sur cinq est engagé dans une forme de volontariat ou de bénévolat au sens plus large [5]Pour comprendre la différence entre volontariat et bénévolat, voir l’encadré « Bénévole ou volontaire ? Tranchons le débat ! ». Les volontaires, tels que définis par la loi belge, représentent plus précisément 12,5% de la population âgée de 15 ans et plus. Près d’un belge sur cinq est engagé dans une forme de volontariat ou de bénévolat. Malgré ces chiffres plutôt encourageants, nombreuses sont les associations qui posent le constat, au sein de leurs structures, d’une baisse du nombre de volontaires ainsi que des difficultés à engager et à fidéliser des nouveaux volontaires. Ceci serait particulièrement le cas pour les jeunes. Ces constats sont-ils fondés ? Comment peut-ont y apporter une réponse ? Les jeunes : un nouveau type d’engagement ? L’intuition de certaines associations ne correspond parfois que partiellement à la réalité du volontariat au niveau de la société. Malheureusement, nous ne disposons pas de recherches nous permettant d’évaluer l’évolution du nombre de personnes engagées en tant que volontaires. Nous pouvons toutefois affirmer que nous sommes face à des formes d’engagement qui diffèrent de celles du passé. Ceci peut d’une certaine manière expliquer les difficultés ressenties par de nombreuses associations. D’une part, si les associations ont du mal à recruter des jeunes volontaires, il est faux d’affirmer que les jeunes aujourd’hui sont en général moins engagés que dans le passé. Les statistiques démontrent que les jeunes en 2015 ne sont pas proportionnellement moins actifs dans le volontariat que les seniors [6]Fondation Roi Baudoin, « Zoom, le volontariat en Belgique, chiffres-clés et analyse », p.3, https://www.kbs-frb.be/fr/Activities/Publications/2015/20151019ND [consulté le 21/11/2016]] , même si à cause du vieillissement de la population, un volontaire belge sur quatre a plus de 60 ans. D’autre part, si on mesure l’intensité de l’engagement, les jeunes de 20 à 24 ans représentent la tranche d’âge qui consacre le plus d’heures aux activités volontaires. Par contre, la manière dont les plus jeunes s’engagent est différente des formes qui prévalaient, par exemple, dans les années ‘70. On remarque que les 15-35 ans s’investissent de manière importante dans des cadres plus fluides, de manière très intense et sur des courtes périodes. Ce type d’engagement se fait souvent au détriment des formes de volontariat « classiques », encadrées par une organisation institutionnalisée. Des exemples se trouvent, notamment, dans des mouvements comme celui des Indignés, et plus récemment, le mouvement des « Nuits debout » en France. L’auto-organisation, l’horizontalité et l’intensité des activités sur un court terme sont des caractéristiques communes à ces deux mouvements. Il s’agit aussi de mouvements qui portent un message très fort de changement de société. On remarque que les 15-35 ans s’investissent de manière importante dans des cadres plus fluides, de manière très intense et sur des courtes périodes. Un exemple belge, qui a vu un investissement très intense de la part de beaucoup de jeunes citoyens, se trouve dans l’expérience liée au « Parc Maximilien » à Bruxelles. En septembre 2015, faute de places disponibles pour le pré-accueil, de nombreuses personnes arrivées d’Irak et de Syrie pour demander l’asile en Belgique, ont été obligées de trouver des lieux de fortune où passer la nuit. Beaucoup dormaient à l’extérieur, près des bureaux de l’Office des étrangers. À partir de petits actes spontanés de solidarité avec ces réfugiés, une plateforme citoyenne est née de manière auto-organisée. Cette dernière a, pendant des semaines, géré la gestion quotidienne de ce qui est devenu, très rapidement, un vrai camp d’accueil de demandeurs d’asile. Suite au démantèlement du camp, une partie des personnes investies dans le camp du Parc Maximilien reste aujourd’hui toujours engagée dans la Plateforme citoyenne ou dans d’autres associations travaillant avec des réfugiés, issues de cette expérience . Si beaucoup de jeunes adultes se dédient à des formes de bénévolat ou de volontariat sur un court terme, c’est aussi parce que cette population peut plus facilement vivre des changements importants, tant au niveau de la vie professionnelle que personnelle. Ces moments-clés de la vie de chacun (le passage des études à la vie professionnelle, la création d’une famille) risquent de mettre à mal des engagements de type volontaire pris sur le moyen ou le long terme. Soutenir le volontariat pour guérir notre société Améliorer notre compréhension des nouvelles formes d’engagement, ainsi que des caractéristiques particulières de l’engagement des plus jeunes, nous permet de répondre de manière plus concrète au constat de baisse de l’engagement. En tant qu’acteurs de la société civile et du monde associatif, nous souhaitons donner la possibilité à chacun de s’impliquer dans une expérience de volontariat, parce que nous sommes convaincus que l’engagement volontaire est source de prise de conscience et d’implication citoyennes. Pour cela nous tous, associations, ONG, mouvements, devons être conscients de la réalité changeante et apporter des réponses adéquates pour faciliter l’engagement. Quels sont les incitants à l’engagement ? Parmi toutes les motivations qui poussent une personne à devenir et s’investir en tant que volontaire, d’après Jean-Philippe de Marteau nous pouvons trouver quatre grandes catégories « d’incitants » : Les incitants matériels. En prestant des heures en tant que volontaire je peux avoir accès à des biens ou des services. Par exemple, les mutuelles proposent à leurs volontaires une réduction de leurs cotisations. Les incitants sociaux. Ce qui me pousse à être volontaire est la recherche de la convivialité. J’ai envie de tisser des rapports interpersonnels ou de connaître d’autres cultures. Les incitants « développementariaux ». En tant que volontaire j’ai envie d’apprendre. Je développe mes connaissances et mes compétences. Les incitants idéologiques. Je partage les valeurs de mon association, je veux contribuer à la cause qui est défendue. Chaque volontaire est motivé, dans une proportion différente, par plusieurs de ces incitants. Au cours de la vie, comme au sein d’une même expérience d’engagement, les incitants peuvent évoluer. Sans dénaturer notre mission, nous pouvons répondre aux besoins de nos volontaires, en étant attentifs à leur permettre d’apprendre par l’action et de tisser des nouveaux liens sociaux. Plus notre message pour une société meilleure sera clair et fort, plus notre action et nos activités seront soutenues par les citoyens qui partagent nos valeurs et qui ont envie de les mettre en pratique. Il est aussi fondamental que les organisations puissent soutenir et servir de caisse de résonance à des mouvements et des formes d’engagement plus spontanées. Si le rôle du monde associatif est d’encadrer et de permettre l’engagement de tous, le rôle des pouvoirs publics est de soutenir la création de ces espaces de participation démocratique que sont à la fois les associations et les mouvements, ainsi que d’y être à l’écoute. Force est de constater que, malgré l’évolution des formes de volontariat, les moyens ne suivent pas. Dans ce cadre, nous soutenons le plaidoyer mené par la Plateforme francophone du Volontariat qui demande de « permettre aux organisations d’encadrer correctement les volontaires, en leur fournissant notamment les ressources nécessaires à leur mobilisation » et en mettant en place des dispositifs législatifs qui soutiennent et mettent en valeur l’engagement des citoyens au sein d’associations. Dans une société qui ressemble de plus en plus à un corps malade, nous pensons que les volontaires forment les cellules qui composent la démocratie ainsi que les anticorps à la division, au racisme et in fine au totalitarisme. Nous sommes là pour soutenir nos volontaires et pour travailler avec eux pour une société plus juste et solidaire. Porzia Stella

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Notes

Notes
1 ORBAN C., « Bénévolat, volontariat… une mise à débat », dans Le volontariat en Wallonie et à Bruxelles. Regards du monde associatif et de la recherche académique, 2014, Fédération Wallonie-Bruxelles, Service général de la Jeunesse et de l’Éducation permanente, pp 88-96.
2 Ce terme se trouve dans le droit ecclésiastique.
3 Le terme « volontaire » désignait un soldat qui prenait part à une guerre sans solde, avec l’objectif d’apprendre le métier.
4 ORBAN C., idem., p. 90.
5 Pour comprendre la différence entre volontariat et bénévolat, voir l’encadré « Bénévole ou volontaire ? Tranchons le débat ! »
6 Fondation Roi Baudoin, « Zoom, le volontariat en Belgique, chiffres-clés et analyse », p.3, https://www.kbs-frb.be/fr/Activities/Publications/2015/20151019ND [consulté le 21/11/2016
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