Le 1er janvier 2017, l’ancien premier ministre portugais Antonio Guterres accédait au « job » considéré comme le plus difficile du monde, le poste de Secrétaire général des Nations Unies. Le récipiendaire de ce poste est un acteur central de la scène internationale et la courroie essentielle de la machine diplomatique mondiale. De fait, chacun de ses actes a un impact sur la préservation de la paix et de la sécurité internationales. Pourtant, son arrivée s’est faite dans une relative indifférence. L’actualité internationale était marquée par les épisodes de la crise humanitaire syrienne, l’investiture de Donald Trump,… Pourtant, l’investiture du successeur de Ban Ki Moon aurait dû susciter l’attention car jamais depuis la guerre froide, le monde n’a connu autant de crises. Tant dans leur échelle, leurs diversités, que leurs implications : tensions géopolitiques, instabilités politiques, conflits armés, terrorisme, changements climatiques… Avec pour conséquences directes, l’explosion du nombre de réfugiés dans le monde et une montée vertigineuse du populisme en Occident. Antonio Guterres, qui se décrit lui-même comme un « catholique de gauche », a été choisi pour son charisme, son expérience politique et diplomatique, et ses talents oratoires. Son atout majeur a été sans doute son bilan positif comme Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés de 2005 à 2015. Poste où il a dû gérer la grande crise migratoire que l’on connaît et a pu réformer son agence en réaffectant plus de ressources humaines et matérielles sur le terrain et répondre aux situations d’urgence. Ce qui lui vaut le respect des organisations non gouvernementales, qui voient en lui un homme compétent et un grand défenseur des droits humains.
A priori donc, l’unanimité dont il fait preuve, y compris au sein des membres permanents du Conseil de sécurité, la personnalité et les compétences qui lui sont reconnues, et sa maîtrise des arcanes de la machine onusienne sont des gages de sa capacité à s’attaquer aux vastes chantiers qui se présentent à lui. Ce serait donc « l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut ». Et c’est peut-être ça le talon d’Achille de la désignation du nouveau Secrétaire général : depuis sa création en 1945, seuls des hommes ont occupé le bureau sis au 38e étage de la tour des Nations Unies à New York. Et d’après Onufemmes, l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, à peine 25% des postes de haut niveau au sein de l’ONU sont occupés par des femmes. À la faveur de ce processus de sélection relativement transparent [1] et d’une pression constante de certaines organisations de la société civile, c’était une opportunité de choisir, enfin, une femme et casser cette image d’une organisation hyper masculinisée Ce ne sera donc pas pour cette fois.
Pour autant, depuis qu’il s’était lancé dans la course pour succéder à Ban Ki-moon, Antonio Guterres a présenté la parité hommes-femmes dans la hiérarchie de l’ONU comme une de ses priorités. Ses premières décisions semblent s’inscrire en ce sens. Le poste de numéro deux de l’organisation a été confié à la nigériane Amina Mohammed. La diplomate brésilienne Maria Luiza Ribeiro Viotti occupe le poste de cheffe de cabinet. La Sud-Coréenne Kyung-wha Kang, ancienne responsable des opérations humanitaires de l’ONU a été nommée conseillère politique spéciale. Au-delà de ces nominations, cette nouvelle équipe s’est engagée à s’attaquer aux causes profondes des conflits en accordant une place fondamentale aux femmes dans cette stratégie. À l’occasion de la présentation de sa vision pour l’année 2017 devant la tribune de l’Assemblée générale, Antonio Guterres déclarait :
« Protéger et autonomiser les femmes et les filles est primordial. L’égalité des sexes est essentielle au développement, et le rôle clef qu’elle joue dans la consolidation et le maintien de la paix devient de plus en plus indéniable ».
En réalité, Antonio Guterres ne part pas d’une feuille blanche. Cet objectif n’est pas nouveau et constitue le cœur même de l’agenda « Femmes Paix et Sécurité » (FPS) qui a été mis en place par le Conseil de sécurité à la suite des recommandations de la conférence de Beijing de 1995 (voir encadré).
La conférence de Beijing a marqué un tournant majeur dans l’agenda onusien en érigeant la situation des femmes dans les conflits armés, en sujet prioritaire. La Déclaration et le Programme d’action de Beijing, adoptés à l’unanimité par 189 pays à cette conférence, forment le principal document établissant la politique mondiale en matière d’égalité des sexes, et de l’autonomisation des femmes. Le document fixe des objectifs et des actions stratégiques à entreprendre dans douze domaines dont la violence à l’égard des femmes, les femmes et les conflits armés, les femmes et la prise de décisions. Ces différents objectifs et actions sont déclinés dans l’agenda FPS qui est constitué à ce jour de 8 résolutions (1325, 1820, 1888, 1889, 1960, 2106, 2122, 2242). Celles-ci sont axées sur quatre piliers d’intervention ; prévention, protection, participation et redressement. Ces résolutions organisent également les moyens institutionnels et matériels des organes de l’ONU, et déterminent les rôles de chaque type d’acteur (Gouvernements, société civile, bailleurs de fonds…).