L’idée date des années 80, 90 et provient initialement du secteur privé. A cette époque, les grandes multinationales des NTIC [1] (IBM, Cisco Systems, etc.) sont à la recherche de nouveaux marchés et l’idée émerge qu’une ville deviendrait plus facile à gérer grâce aux nouvelles technologies numériques. On situe un moment de bascule vers 2005, moment où l’expression « smart city » est utilisée par Bill Gates, patron de Microsoft, aux Etats-Unis. Il lance le défi aux acteur·rice·s du numérique d’utiliser leur technologie pour optimiser le fonctionnement d’une ville. Les intérêts privés et publics ne feront alors que croître.
Cette nouvelle tendance s’inscrit dans un contexte particulier. François Jarrige [2] l’explique par la situation que connaissent les villes, notamment celles des pays du Sud, au début du XXIe siècle. D’une part, celles-ci font face à une croissance démographique fulgurante. Depuis 2008, plus de la moitié de l’humanité vit en ville. Et en 2050, la planète compterait 6,4 milliards d’urbain·e·s, soit près des deux tiers de la population mondiale (sans rupture de système tels des conflits violents, pénuries, crise économique majeure, etc.). Cet accroissement représente un véritable défi pour les villes en termes de gestion et d’organisation. D’autre part, la ville est le lieu où se vivent de façon directe les crises sociales, environnementales, etc. du début du siècle. En tant que lieu de concentration des pouvoirs, la ville serait le théâtre de nombreux enjeux. La smart city correspondrait donc à la rencontre entre des intérêts privés en quête de nouveaux marchés et un moment de crise dans les villes en recherche de solutions.
Et ces solutions se trouveraient, selon ces acteur·ice·s, dans les nouvelles technologies et l’usage des données numériques afin d’optimiser les services qu’offre la ville et d’inciter les habitant·e·s à modifier leur comportement. Les définitions et applications de la smart city sont multiples. Le Parlement européen la définit comme « une ville qui cherche à résoudre les problèmes publics grâce à des solutions basées sur les TIC, sur la base d’une initiative municipale et mobilisant de multiples parties prenantes [3] ». Et cette définition se décline dans différents domaines comme l’économie, la mobilité, l’environnement, l’administration, etc. La collecte de données via des capteurs pourrait par exemple permettre d’optimiser le fonctionnement des éclairages publics, la fluidité des déplacements, gérer la pollution de l’air, le chauffage dans les bâtiments, la collecte de déchets, etc.
En 2019, il y aurait à peu près 1000 smart cities dans le monde, dont la moitié en Chine et une centaine en Europe. De nombreuses villes françaises se sont lancées dans la course (Lyon, Nice, Dijon, etc.) à grand renfort de projets smart pour soigner leur image. En Belgique, la smart city rencontre aussi son succès. L’Agence du numérique, créée par le gouvernement wallon, a ainsi lancé son programme « Digital for Wallonia » en 2015 qui vise à développer l’ambition et la transformation numériques de la Wallonie dans une série de secteurs : industrie, école, santé, recherche, etc. Un de ses thèmes structurants est le « territoire connecté et intelligent ». C’est dans cet ensemble qu’on retrouve le développement des smart cities en Belgique. Bruxelles a donc lancé son projet smart city, tout comme Liège ou Namur. En tout, plus de 50 villes et communes se sont lancées dans l’aventure.