C’est à ce propos que l’on peut se demander si nous ne sommes pas à l’aube d’une nouvelle révolution. En effet, on constate aujourd’hui l’émergence et la consolidation de multiples « crises ». Ces dernières sont de plus en plus visibles et infiltrent toutes les sphères de la société :
Crise financière et économique - La crise des subprimes de 2007 et la crise financière qu’elle a entrainé dans un grand nombre de pays européens a eu de lourdes conséquences pour la population. Les Etats ont dû renflouer de nombreuses banques, ce qui a suscité de vifs débats. La récession mondiale a également conduit à une hausse du chômage importante et à des conséquences sociales dévastatrices.
Crise sociale - La crise sociale est en effet l’une des plus visible : taux de chômages en perpétuelle hausse et notamment pour les jeunes ou encore explosion des inégalités dans le monde (82% des richesses créées en 2017 ont bénéficié aux 1% les plus riches de la population mondiale) [4] par exemple. En parallèle, la recrudescence des mouvements féministes est révélatrice d’un problème d’égalité des genres dans nos sociétés.
Crise politique - La confiance envers notre mode de gouvernance et nos représentants est abimée. Un sentiment de rupture entre une élite politique et la population prévaut. Cette méfiance à l’égard du politique s’est récemment observée à différents endroits du globe par l’émergence de mouvements sociaux, de groupes divers : les Indignés en Espagne et au Chili, Nuit debout en France, Occupy Wall Street aux Etats-Unis d’Amérique. Ces mouvements s’érigent contre « un système politique, reprochant aux responsables leur soumission aux forces de l’argent, leur corruption éventuelle et, surtout, leur incapacité à assurer le traitement de demandes sociales exacerbées par la crise. [5] »
Crise environnementale – Cette crise s’illustre à travers de nombreuses thématiques : le réchauffement climatique, la rareté des matières premières et des hydrocarbures ou encore la finitude des ressources. Cette crise peut se coupler d’une « crise sanitaire » avec l’explosion du nombre de cancers dus aux polluants chimiques, affections respiratoires à cause de la pollution de l’air…).
Crise culturelle - On pourrait enfin parler de « crise culturelle » avec une montée du repli identitaire ou encore l’émergence de d’individualisme, soit l’exacerbation des valeurs individuelles et égocentrées au détriment du collectif.
Le panel de ces « crises » est alarmant et semble sonner le glas de notre mode d’organisation. Pour déboucher sur une « révolution » ces crises devront converger ensemble vers une lutte commune en identifiant le « système » tel qu’il est aujourd’hui comme responsable de tous ces maux. Or, on voit de nombreux intellectuels et scientifiques argumenter dans cette direction. Le modèle capitaliste et consumériste qui prône un progrès constant est, paradoxalement, responsable de la destruction de notre planète. Ce modèle semble en bout de course et il est dès lors urgent de le repenser.
Le Pape François : une personnalité révolutionnaire contemporaine ?
S’interroger sur les évolutions du concept de révolution c’est également s’interroger sur les figures emblématiques de celle-ci. De nombreux combats ont leur idole : Martin Luther King pour la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis, Nelson Mandela pour l’Apartheid en Afrique du Sud ou encore Gandhi pour la lutte pacifique en Inde. Peut-on encore identifier aujourd’hui des personnalités dont le combat émerge au-delà des frontières de leur pays pour fédérer autour d’une cause à plus large échelle ? Ces personnes sont-elles des révolutionnaires de leur temps ? Identifie-t-on encore aujourd’hui des personnalités dont les actions engendrent des changements profonds et inédits de nos sociétés ? Portrait.
Le 266ème Pape de l’Église catholique semble incarner cela : sa papauté se caractérise par une rupture avec les normes catholiques précédentes et par des prises de position inédites sur certaines thématiques considérées auparavant comme “intouchables” ou non prioritaires dans l’agenda du Saint-Siège [6]. Ces prises de position novatrices et modernes ont valu au Pape François une popularité mondiale, ainsi que l’opposition de certaines parties plus conservatrices et bureaucratiques du Vatican [7].
Un témoignage direct de ces gestes nous arrive par son dernier livre “Dieu est jeune”, dans lequel il répond à plusieurs questions posées par le journaliste Thomas Leoncini sur diverses thématiques. Dans ce livre, le Pape souligne l’importance de l’amour et de la miséricorde en venant en aide aux personnes les plus marginalisées, telles que les personnes en situation d’extrême pauvreté, les personnes âgées et les migrants. Il critique l’actuel système économique qui engendre d’énormes inégalités et empêche les personnes sans emploi d’avoir une dignité, une place au sein de la société. Enfin, le respect de l’environnement est une thématique qui lui est aussi très chère et il exhorte à cet égard les responsables politiques à placer la préservation de l’environnement en tant que priorité dans leur agenda.
En parallèle, les moyens de communication et les messages délivrés par le Pape sont résolument novateurs. On peut citer par exemple sa volonté d’être présent sur les réseaux sociaux et de les utiliser comme vecteurs de ses messages. Ses prises de position les plus remarquées ont notamment concerné : la non-stigmatisation des personnes divorcées, des femmes qui ont avorté et sa phrase qui invite à la tolérance envers les homosexuels : “Si une personne est gay, qui suis-je pour juger ?” [8].
En 2013, peu de temps après son élection il déclara “Je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres“ [9]. C’était une déclaration forte qui a provoqué un air de changement au sein de l’Église catholique, et pour l’instant, le moins que l’on puisse dire c’est que ce vent nouveau est toujours présent.
Seul le temps nous dira si le Pape François est l’un de ces grands révolutionnaires qui marquent l’histoire, mais nous pouvons d’ores et déjà considérer sa papauté comme “révolutionnaire”, c’est-à-dire en rupture avec celle de ses prédécesseurs.
Federico Licandro