Afin de témoigner du passé et de mettre en lumière les cultures africaines et leur diversité, de plus en plus de musées voient le jour sur le continent africain, comme le Musée national de Kinshasa ou le musée des Civilisations Noires au Sénégal financé par la Chine . Mais surtout, cela témoigne de la volonté des populations d’Afrique de mettre elles-mêmes en scène leur histoire, ce qui relance inévitablement le débat concernant les restitutions des œuvres africaines se trouvant sur d’autres parties du globe.
Par rapport à certains de ses voisins, comme la France et l’Allemagne, la Belgique semble être à la traîne quant à la restitution des trésors coloniaux [1]. Un tel retard peut témoigner de la complexité de la question car il ne s’agit pas seulement de déterminer qui est le propriétaire de ces trésors mais cette question se rattache avant tout à l’histoire de deux peuples, les colonisés et les colonisateurs. Un bel exemple de cette complexité est le Musée de Tervuren.
En 2018 a eu lieu la réouverture du Musée de Tervuren, fondé en pleine époque coloniale et restauré dans une optique de « décolonisation ». En effet, avant sa rénovation, le bâtiment était truffé de références coloniales et les expositions n’avaient guère évolué depuis les années 1950. Au contraire, elles continuaient de projeter l’image d’une Belgique dotée d’une mission civilisatrice [2].
Selon Julien Volper, conservateur au Musée, la collection appartient à l’histoire du Congo mais fait également partie intégrante de l’histoire de la Belgique, comme en témoigne la présence de certains objets depuis plus d’un siècle dans le musée. Ainsi, ils auraient été appréciés par plusieurs générations de Belges. Sous justification de multiculturalité, afin d’offrir une ouverture à d’autres cultures, le conservateur défend ainsi le maintien des œuvres africaines en son musée.
Mais dès lors, au nom de la multiculturalité, serait-il justifiable de maintenir hors de l’Afrique de telles œuvres ? Pour s’ouvrir à d’autres cultures, nous gardons des œuvres que leurs pays d’origine ont dû reproduire afin de pouvoir en offrir une représentation à leur population, et ce depuis plusieurs générations. Et pourtant, ces œuvres représentent aussi l’histoire, la culture, l’identité du pays colonisé. Imaginez que depuis plusieurs décennies, il n’est souvent plus possible pour les nouvelles générations de découvrir leur patrimoine authentique, hormis par le biais de représentations – parfois grossières – comme ce fut le cas des trônes des Rois de Dahomey [3].
Se ressent aussi pour le pays colonisé une nécessité d’éduquer ses générations futures par le biais de son art patrimonial et de s’inscrire dans une histoire, une culture et une identité.
Malgré cette volonté de repenser l’orientation du musée, le débat sur la restitution des œuvres pillées durant la colonisation, comme nous le voyons, n’en perd en rien sa vivacité. Un collectif a ainsi demandé la restitution des œuvres d’art quelques semaines seulement après l’inauguration du musée. Comme le souligne Mireille-Tsheusi Robert, « Contester le Musée royal de Tervuren, l’histoire coloniale de la Belgique ou son influence actuelle sur le Congo, c’est toucher à des motifs de fierté nationale et à la vitrine internationale du pays ».
Un autre fait illustrant la vivacité de ce débat est la décision du Roi des Belges de ne pas assister à l’inauguration du musée restauré afin d’éviter de s’immiscer dans le débat autour de celui-ci.