Code minier en RD Congo : les enjeux de la réforme
Démarrée en 2012, la révision du code minier congolais a abouti en mars 2018 à la promulgation d’un nouveau texte. Censée accroître les recettes publiques pour contribuer au développement du pays, cette réforme législative n’a pourtant pas fait l’unanimité. Au contraire, bien qu’elle ait été accueillie positivement par la société civile, elle a en revanche été vivement contestée par les entreprises minières. Mais quels changements contient ce nouveau code minier ? Et à qui bénéficiera-t-il réellement ?
La République Démocratique du Congo (RD Congo) est un pays immense (le deuxième plus grand de l’Afrique) aux ressources naturelles riches et variées. En plus d’une faune et d’une flore impressionnantes, un des plus grands domaines de forêt équatoriale au monde et d’importantes réserves en pétrole, le sous-sol de la RD Congo regorge de minerais et métaux. Le pays dispose par exemple de plus de la moitié des réserves mondiales en cobalt, minerai rare et extrêmement convoité car indispensable à la fabrication de nombreux objets de haute technologie et à ce qu’on appelle la transition énergétique [1]. Malgré cela, le pays reste l’un des plus pauvres au monde et avec un indicateur de développement humain parmi les plus bas (avec un indice de 0,457 le pays était 176ème sur 189 en 2018 [2]). L’informalité, l’opacité et la mauvaise gouvernance du secteur minier, les exportations illégales ou encore la fraude fiscale, conjugués au fait que l’ancien code minier était très libéral, sont quelques éléments qui expliquent que les ressources naturelles ne profitent jusqu’à présent que très peu à la population congolaise et au développement du pays.
Agathe Smyth.
Notes
[1] La voiture électrique, par exemple, est très friande de cobalt. Sur les enjeux liés à la voiture électrique, voir : Justice et Paix, Voiture du futur ou futur sans voiture ?, 25 septembre 2018. Sur les enjeux liés à ce qu’on appelle les terres rares, voir : Justice et Paix, Les terres rares… Une transition énergétique plus vertueuse ?, 26 septembre 2018,
[3] Fonds Monétaire International : La République Démocratique du Congo excelle en matière de croissance, mais reste à la traîne sur le front de la réduction de la pauvreté, Bulletin du FMI, le 13 octobre 2015.
[4] Raf Custers, Congo : les multinationales inlassablement en opposition, mars 2019.
[5] Selon les résultats d’une enquête de l’agence Bloomberg parus fin 2016, Joseph Kabila et sa famille auraient constitué un gigantesque réseau d’entreprises qui aurait rapporté des centaines de millions de dollars. Dans le secteur minier, ils contrôleraient plus de 120 permis d’extraction d’or, de diamants, de cuivre ou de cobalt.
[6] Marie-France Cros, RDC : Albert Yuma va revoir unilatéralement les partenariats miniers, La Libre Afrique, 21 novembre 2017.
[7] Randgold Resources (entreprise sud-africaine), CMOC international (chinoise), Glencore (anglo-suisse), Anglo Gold Ashanti (sud-africaines), Ivanhoe Mines (canadienne), Zijin Mining Group (chinoise) et MMG (chinoise). Ces sept entreprises produisent 85 % du cuivre, du cobalt et de l’or de la République Démocratique du Congo (RDC).
[8] Elles sont toutes listées dans le préambule du nouveau code minier.
[9] Les métaux de base sont ceux qui s’oxydent, se ternissent ou se corrodent facilement quand ils sont exposés à l’air ou à l’humidité. Du fait de leur abondance naturelle dans la croûte terrestre, leur prix est bien plus bas que ceux des métaux précieux tels l’or, le rhodium, le platine, le palladium et l’argent.
[10] Ce sont des métaux de base auxquels peuvent être ajoutés certains métaux rares et semi-précieux comme le titane, le cobalt, le vanadium et le molybdène. Ces métaux entrent dans la composition des alliages ne contenant que très peu ou pas de fer.
[11] Définies par le nouveau code minier comme toute substance minérale qui, selon la conjoncture économique internationale du moment et l’appréciation du gouvernement, présente un intérêt particulier au regard du caractère critique et du contexte géostratégique.
[12] Décret N° 18/42 du 24 novembre 2018 portant déclaration du cobalt, du germamium et de la colombo-tantalite « coltan » comme substances minérales stratégiques.
[13] Article 251 bis.
[14] Entre 2012 et 2017, la demande mondiale de cobalt a augmenté de 30% et elle devrait quasiment doubler d’ici 2026.
[15] Le prix du cobalt a connu un boom en mars de l’année passée, soit une hausse de 190% en un peu plus d’un an. Depuis le prix du cobalt s’est effondré de plus de 60%.
[16] Transparency International, Corruption Perceptions Index 2018.
[17] Article 242 du nouveau code minier.
[18] Informations obtenues lors d’un atelier sur le code minier organisé à Kinshasa du 4 au 6 juin 2019 avec les partenaires du CNCD-11.11.11.
[19] Article 258 bis du nouveau code minier.
[20] Article 285 septies du nouveau code minier.
[21] Article 285 bis du nouveau code minier.
[22] Article 281 ajout des alinéas 7 et 7 bis.
[23] Sur les problèmes liés aux coopératives, voir l’analyse d’EurAc, Mesures d’accompagnement au Règlement de l’UE sur l’approvisionnement responsable en minerais, Pour un renforcement de la gouvernance du secteur minier artisanal en RDC, Mars 2017, p.13-16.
[24] Article 109.
[25] Selon l’article 58 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 : « Tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales. L’État a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement. ».
[26] Plusieurs organisations de la société civile congolaise ont par exemple, avec l’appui de la GIZ, élaboré en novembre 2018 un Guide de vulgarisation de la loi n°18/001 du 09 mars 2018 modifiant et complétant la loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier.
