Le féminisme doit être un mouvement de masse. Il ne peut être réservé à une minorité de femmes privilégiées. Il faut donc rompre avec l’élitisme. La plupart des théories féministes émergent de femmes privilégiées qui vivent « au centre », comme le remarque bell hooks dans son ouvrage De la marge au centre. Théorie féministe, poussant la réflexion sur l’échec des mouvements féministes des années 1900 à 1980 à mettre en place un féminisme de masse qui s’adresse à toutes les femmes, et prônant ainsi une approche révolutionnaire du féminisme. Pour elle, les féministes privilégiées ont été incapables de parler avec différents groupes de femmes parce que, soit elles ne comprenaient pas les interrelations d’oppression entre sexe, race et classe, soit elles refusaient simplement de prendre ces interrelations en considération.
La notion de « marge » est primordiale parce qu’elle évoque un « centre » producteur de discours. Elle aide à aller au-delà d’une pensée en termes de « majorité-minorité » qui ne traduit pas forcément un déséquilibre démographique dans les mouvements sociaux et qui revêt la forme démocratique de la légitimité pour résister à céder le pouvoir. Dé-marginaliser, c’est écouter les personnes minorisées et recentrer l’analyse sur leurs expériences sociales et politiques ; c’est remettre la production de savoir au centre des enjeux et des rapports de pouvoir [6].
Aller vers un féminisme de masse consiste à le rendre accessible à tous.tes. Bien que l’université soit un lieu d’éducation à la conscience critique, parler et échanger dans les milieux plus populaires – bars, centres culturels, cinémas, etc. – est essentiel. L’accessibilité passe par l’utilisation d’une sémantique dénuée de jargon. Plus de simplicité, plus de perméabilité des thématiques. Il faut toucher les personnes les plus éloignées de l’université. Rendre la théorie accessible à toutes et tous, en vue de la transformer. C’est dans ce but que bell hooks écrit des livres sans jargon, donne des conférences publiques dans les librairies, dans les églises, chez les gens…
Aller vers un féminisme de masse, c’est aussi prendre en considération les points de vue de ces femmes « en marge » car plusieurs systèmes d’oppression s’imbriquent dans leur quotidien. De par leur multitude, leurs perspectives sur la société sont plus larges et peuvent ainsi enrichir le féminisme qui se bat contre toute forme d’oppression.