Un pas en avant, deux pas en arrière ?

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Nous vivons dans une époque contrastée, complexe, là où les avancées et les régressions coexistent. Cette complexité s’illustre bien en matière de droits des femmes : la montée des régimes autoritaires, de par l’imposition d’un système patriarcal, les discours machistes et la régression des droits de nombre de femmes à disposer de leur corps, notamment, contrastent avec les mouvements féministes qui se développent, les avancées de nombreux États pour tendre vers une plus grande égalité entre les hommes et les femmes…


A l’heure où les avancées en matière de droits des femmes doivent être soulignées et applaudies, les régressions ne doivent pas être ignorées. Elles peuvent avoir un impact réel sur leur quotidien et leur statut. De plus, les régimes conservateurs sont de plus en plus nombreux. Ils remettent le plus souvent en cause les droits – durement – acquis des femmes : avortement, égalité salariale, rôle de « mère au foyer » …

Exemple historique : les deux « Iran »

Lorsque l’on parle de régression des droits des femmes, l’Iran et la Révolution de 1979 permettent d’illustrer ce que peut réellement entraîner une régression des droits des femmes.

Avant 1979, les femmes étaient libres, non seulement de se promener cheveux détachés flottant au vent et vêtues de robes courtes mais aussi, entre autres, de choisir le travail qui leur plaisait.

En 1979, la Révolution Islamique a mis en place un système politique religieux qui réinstaure une discrimination systématique entre les hommes et les femmes, tant dans la législation que dans la pratique. Depuis 40 ans, les femmes en Iran vivent dans une société patriarcale : elles sont légalement considérées comme inférieures aux hommes. En outre, les femmes se voient interdites d’entrer dans les stades de football. Une petite avancée a toutefois eu lieu en octobre 2019, suite à des mouvements de contestation, lorsque plus de 4.000 femmes ont été autorisées à occuper le stade Azadi de Téhéran pour soutenir leur équipe nationale.

Enfin, les femmes sont tenues de porter le voile en public. Les manifestations ont cependant amené quelques avancées concernant les femmes « mal voilées » ou l’autorisation de porter des habits plus colorés.

Et aujourd’hui ?

Alors que la situation aux États-Unis est fort médiatisée, concernant notamment l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la régression des droits des femmes est en réalité bien présente dans d’autres parties du globe : au Moyen-Orient, en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie, en Europe…

En Europe

Bien que les droits des femmes sur le continent européen soient considérés comme des plus avancés, il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas immuables.

Jusqu’en 2017, en Pologne, les femmes pouvaient se procurer librement la pilule du lendemain. Depuis, elles ne le peuvent que sur ordonnance médicale. De plus, depuis 1993, les conditions d’accès à l’IVG sont très strictes (par exemple en cas de malformation du fœtus). La volonté de la droite conservatrice arrivée au pouvoir en 2015 est de durcir encore davantage cet accès.

En Hongrie, selon le premier ministre conservateur, le rôle de la femme devrait être « de s’occuper de la maison et de faire des enfants » . Il est allé jusqu’à introduire dans les cours de sciences l’affirmation que “les garçons et les filles (…) n’ont pas les mêmes capacités physiques et aptitudes intellectuelles“.

Mais ce ne sont pas les seuls États en Europe. Selon un rapport de 2017 du Conseil de l’Europe, l’Arménie, la Géorgie, la Russie, la Slovaquie, etc. ont également renforcé les critères à remplir pour avoir accès à l’avortement.

Au Brésil

Depuis l’élection du Président Jair Bolsonaro en janvier 2019, les droits que les femmes avaient acquis au fil des années connaissent un net recul.

Tout d’abord, un projet de loi approuvé en septembre 2019 par le Congrès national avait pour objet d’obliger les hôpitaux à notifier à la police les cas des femmes victimes d’agressions et de violences. Il existait déjà un système de communication au sein des services de santé mais le projet avait l’ambition d’aller plus loin en informant également les services de police de la situation de ces femmes victimes d’agressions et de violences. Elles n’auraient donc plus eu à faire la démarche de communiquer elles-mêmes leur agression aux services de police car ils en auraient été informés directement dès l’arrivée de la victime à l’hôpital.

Bien que ce projet fut adopté par le Congrès national, le Président y oppose son véto en proposant, comme solution alternative, une consultation avec la Ministre de la Femme, de la Famille et des Droits de l’Homme : Damares Alves. Une solution qui s’avère absolument insuffisante et inadéquate pour régler le problème des violences contre les femmes. Rappelons que, selon les données du ministère de la Santé, une femme est agressée toutes les 4 minutes au Brésil.

Le Président brésilien et son gouvernement ne s’arrêtent malheureusement pas là. On assiste également à une réduction budgétaire drastique en matière de protection des femmes. Ce mercredi 5 février 2020, Jair Bolsonaro a ainsi fait savoir qu’il n’avait pas l’intention d’augmenter le budget des politiques de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Selon lui, les politiques dans ce domaine ne dépendent pas de l’argent mais du « changement de comportement ».

On peut citer, notamment, le programme « la Maison de la Femme Brésilienne », venant en aide aux victimes de violences, qui n’a pas reçu un centime en 2019, le budget du Secrétariat de la femme qui a été réduit de 95% entre 2015 et 2019, les paiements pour les soins aux femmes en situation de violence qui sont quant à eux passés de 34,7 millions à seulement 194.700 Reals brésiliens.

Enfin, concernant la représentation des femmes dans le monde politique, le gouvernement de Bolsonaro n’améliore guère la situation. En effet, alors que le gouvernement précédent voyait à sa tête une femme, Dilma Rousseff, le gouvernement actuel est composé de 20 hommes et seulement 2 femmes. De plus, au Congrès national, seulement 11% des membres sont des femmes. D’après l’ONU, c’est le troisième plus petit pourcentage en Amérique du Sud, après Haïti et le Belize.

Ainsi, entre les coupes budgétaires concernant les victimes de violences et d’agression, l’abandon d’un projet de loi qui aurait permis à ces victimes de ne pas subir de lourdes procédures après leur agression, la solution de l’abstinence sexuelle pour lutter contre les grossesses précoces et les inégalités criantes, la situation des femmes depuis l’élection de Jair Bolsonaro ne cesse de se détériorer.

Conclusion

Loin de tomber dans un catastrophisme exacerbé, il nous semble utile de rappeler que les droits que nous avons acquis, et pas seulement en ce qui concerne les droits des femmes, ne sont pas immuables.

Même si le chemin à parcourir reste encore long pour que les femmes n’aient plus à se battre pour obtenir des droits qui devraient déjà être les leurs, il ne faut pas être défaitiste : du progrès, il y en a. Dans les avancées récentes à souligner, il y a par exemple la première sortie spatiale entièrement féminine , la première femme française lauréate du prix Nobel d’économie (Esther Duflo) ou encore le fait qu’il y ait cinq femmes à la tête du gouvernement en Finlande.

Isolde Legrand & Fanny Royen.

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