Une démocratie pour demain

En avril 2022 était lancée la consultation citoyenne « Un pays pour demain », à l’initiative du Gouvernement fédéral, qui présentait les contributions libres de nombreuxꞏses Belges. Les participantꞏes ont ainsi pu se positionner sur des questions telles que l’énergie, le développement durable, la démocratie, les institutions et la particratie.

Énergie, développement durable, démocratie, institutions et particratie sont autant d’enjeux sur lesquels politiques et citoyenꞏnes sont aujourd’hui amenéꞏes à se positionner. Mais comment le citoyen peut-il envisager un tel positionnement en bonne intelligence avec les acteurꞏrices en présence ? Et surtout, quel rôle se réserve-t-il lorsque l’appréhension de ces enjeux se voit complexifiée par une multitude de crises ?

En avril 2022 était lancée la consultation citoyenne « Un pays pour demain », à l’initiative du Gouvernement fédéral, qui présentait les contributions libres de nombreuxꞏses Belges. Si les résultats, publiés ce 17 février, n’ont pas vocation à constituer un sondage représentatif de l’opinion des Belges, ils présentent néanmoins un intérêt particulier dans le cadre de ce Pour parler de Paix.

Cette plateforme de consultation digitale a pour objectif de présenter une étude qualitative de différentes thématiques en amont d’une éventuelle réforme de l’État. Une consultation d’autant plus intéressante qu’elle permet d’envisager le rôle des citoyen·nes dans les processus de discussions et de décisions relatifs à des enjeux fondamentaux en période de crise.

Énergie et développement durable

L’énergie et le développement durable sont perçus à la fois comme des enjeux suffisamment importants que pour inclure les citoyenꞏnes et suffisamment techniques que pour inclure des expertꞏes, de nombreuses personnes ayant répondu au questionnaire semblent vouloir impliquer une pluralité d’acteurꞏices dans ces domaines. Si beaucoup de partenaires sont citéꞏes, (éluꞏes politiques,  syndicats ou producteurs d’énergie) c’est bien la consultation d’expertꞏes dans le processus de discussion fait consensus chez les répondantꞏes.

Quant au processus de décision, les pistes de réponses sont plus nuancées. Certaines accordent le dernier mot aux éluꞏes, là où d’autres préfèrent impliquer une diversité d’acteurꞏrices : « [certaines] contributions appuient en particulier l’idée d’un panel associant citoyens, experts et scientifiques. Ce panel devrait être constitué de citoyens représentatifs de la population et servirait, par exemple, à formuler des recommandations aux acteurs politiques »[1] . Reste que, de manière générale, les citoyen·nes souhaitent s’investir davantage dans la prise de décision, que cela se fasse via référendum, consultation ou panel citoyen.

Démocratie : droit de vote, processus décisionnels et droits fondamentaux

Premièrement, concernant le caractère obligatoire du vote, plusieurs faisceaux de réponses indiquent une division des répondantꞏes. Certaines contributions affirment que l’État ne peut imposer la manière d’exercer ce droit. Par ailleurs, cette obligation favoriserait, selon elles, un vote protestataire renforçant les partis populistes. De l’autre côté, les partisanꞏes du vote obligatoire y voient un moyen d’obtenir une « réelle universalité ». D’autres contributions recommandent, quant à elles, une plus grande reconnaissance du vote blanc et nul.

Au-delà de ces considérations, une idée partagée par plusieurs répondantꞏes est que la population devrait être mieux informée sur l’importance et le contexte des élections. Cela en vue d’endiguer en partie la perte de confiance des citoyenꞏnes en leurs éluꞏes.

Un autre enjeu lié à la démocratie réside dans les discussions relatives à certains sujets qui devraient, ou ne devraient pas, être systématiquement discutés au Parlement. En l’occurrence, la loi pandémie avait été donnée en contextualisation de cette partie de la consultation. Deux aspects principaux ont été relevés à ce sujet : « (…) [d’une part] la nécessité, dans des conditions normales, d’un débat préalable au Parlement et d’un contrôle parlementaire (…) »[2] et, d’autre part, l’acceptabilité d’une absence de débat parlementaire en situation de crise. Cela dit, certainꞏes répondantꞏes affirment la nécessité d’un débat et d’un contrôle parlementaire en cas d’urgence en vue d’éviter toute dérive autoritaire. D’autres propositions encore envisagent une « procédure d’urgence permettant au Parlement de se réunir rapidement et de prendre des décisions à court terme »[3].

L’avis global des répondantꞏes reste que, en dehors de ces circonstances, le contrôle parlementaire est une exigence fondamentale au sein d’une démocratie, particulièrement lorsque le sujet traité est lié aux droits fondamentaux. Certainꞏes estiment, par ailleurs, que cette seule exigence ne suffit pas et qu’il conviendrait d’inviter les citoyenꞏes au débat lorsqu’il s’agit de sujets aussi importants.

Institutions

Sur la question de la structure du pays, les contributions des répondantꞏes passent par de nombreux modes d’organisation et « [couvrent] un large éventail de possibilités ». « Ils vont du maintien de la structure actuelle à un État belge unitaire, en passant par un État fédéral sans ou avec des communautés et/ou régions, à un État d’esprit confédéral, jusqu’à la scission du pays »[4].

Quelle que soit la structure proposée par les répondant·es, l’avis général fait état d’une structure institutionnelle trop complexe, laquelle serait un frein à l’efficacité des processus décisionnels et rendrait l’appréhension de l’État, de sa politique et de son organisation à la fois complexe et opaque dans le chef du citoyen. La tendance est donc à la simplification en vue de susciter, par ailleurs, un plus grand intérêt pour la politique.

Enfin, une autre institution questionnée dans le cadre de cette consultation est le Sénat. Plusieurs pistes ont été explorées en ce sens : suppression, statuquo, renforcement ou encore son adaptation. Une autre proposition formulée par certainꞏes répondantꞏes est le remplacement du Sénat par une assemblée de citoyenꞏes volontaires ou tiréꞏes au sort. Une telle réforme permettrait « d’assurer une bonne représentation des citoyens, mais aussi de dépolitiser le Sénat en laissant moins de pouvoir aux partis politiques (…) »[5]. Selon d’autres répondantꞏes, les citoyenꞏnes seraient plus enclinꞏes à défendre leurs propres intérêts que l’intérêt général. De plus, un panel composé de citoyenꞏnes volontaires ne saurait représenter la population dans son ensemble. D’autres contributions proposent encore des panels plutôt composés d’expertꞏes et de membres de la société civile.

Particratie

Un autre enjeu ayant été soumis à la consultation est, d’une part, la manière dont il conviendrait de former notre Gouvernement après les élections et, d’autre part, le fait de laisser ou non le champ libre aux partis dans l’élaboration de leurs listes, ces dernières ayant un impact conséquent sur la répartition des voix en leur sein.

Concernant le premier enjeu, les répondantꞏes soulignent que le vote des citoyenꞏnes devrait être mieux respecté lors de la formation du Gouvernement. Dans cette conception, la logique du résultat des élections doit être appliquée : les partis ayant reçus le plus de scrutins ne peuvent se retrouver dans l’opposition à la suite d’un jeu de coalition. Dans certaines contributions, les répondants soulignent qu’il s’agit là d’une question de confiance entre les électeurꞏrices et les éluꞏes.

Concernant l’influence des partis dans la désignation des éluꞏes, il y a là aussi un faisceau de contributions dénonçant un manque d’équilibre entre le parti et les candidatꞏes. Plusieurs propositions ont été identifiées en vue de pallier ce problème : suppression de la case de tête et des suppléantꞏes, classement des candidatꞏes dans la liste via ordre alphabétique ou de façon aléatoire, permettre aux électeurꞏrices de classer eux-mêmes les candidatꞏes ou de panacher leurs votes de préférence sur plusieurs listes, ou encore introduire un système sans liste affichant des candidatures individuelles, impliquant de facto la suppression des partis.

En période de crise

Si certaines réponses recommandent une transparence accrue des autorités compétentes en période de crise, « [proposant] par exemple d’établir une feuille de route avec des scénarios et des critères (…) »[6], les répondantꞏes semblent néanmoins garder ici la population à l’écart de la prise de décision et du contrôle des institutions. Six cas de figure se dégagent donc des réponses données par les contributeurꞏrices : les décisions émaneraient alors du Gouvernement fédéral, des régions et communautés, des communes, d’un « système en cascade »[7], de l’Union européenne ou encore d’un Comité national de crise.

Il semble étrange de constater que, d’un côté, de nombreuses contributions plaident dans le sens d’une meilleure intégration des citoyen·nes dans la sphère politique, que ce soit au sein des processus de discussions ou de décisions. Par ailleurs, une large partie des contributeurꞏrices met un point d’honneur à impliquer systématiquement la population, ou tout le moins le Parlement, dès lors qu’il s’agit de débats portant sur les droits fondamentaux. D’un autre côté, de multiples répondantꞏes paraissent écarter la population de ces processus dès lors que les circonstances semblent l’exiger. Si l’on peut comprendre que des circonstances très particulières peuvent légitimer une concentration temporaire des pouvoirs au sein d’un Gouvernement, une telle posture adoptée par les citoyenꞏnes est-elle sans risque ?

La période que nous vivons actuellement est particulière, en ce qu’elle concentre et cristallise une multitude de crises : climat, santé, démocratie, perte de confiance, énergie, économie, etc. Depuis l’année dernière, plusieurs organismes internationaux ont relayé leurs inquiétudes quant aux dérives autoritaires d’États jusque là considérés comme des démocraties. La pandémie de COVID-19 a en effet accéléré ce phénomène, justifiant la confiscation totale ou partielle des pouvoirs de contrôle des institutions législatives,  les concentrant dans les mains d’une personne ou d’un Gouvernement. Il est malheureusement probable que les crises actuelles accélèrent encore ce mouvement.

Si tel n’est pas le cas en Belgique, les perspectives d’investissement de la politique par les citoyens et citoyennes dans un monde multi-crises sont peut-être tout de même à rechercher de ce côté : comme l’ont souligné de nombreux·ses répondant·es à la consultation « Un pays pour demain », les décisions relatives aux droits fondamentaux doivent toujours faire l’objet d’un consensus avec les citoyenꞏnes, qu’il s’agisse d’une période de crise ou non. C’est aujourd’hui que se prépare une démocratie pour demain.

Samuel Meurisse.


[1]Demain-Toekomst-Zukunft.be, « Résultats de la consultation citoyenne », dans Un pays pour demain, plateforme digitale de consultation citoyenne, février 2023, https://demain-toekomst-zukunft.be/pages/rapport, consulté le 19 février 2023.

[2] C.f n.b n°1.

[3] C.f n.b n°1.

[4] C.f n.b n°1.

[5] C.f n.b n°1.

[6] C.f n.b n°1.

[7] « Selon l’ampleur de la crise, la commune, la province ou le gouvernement fédéral prend les décisions. En complément au système actuel, certainꞏes répondantꞏes incluent également les régions dans ce système, ce qui permet de passer d’un niveau de gouvernement national à un autre » (C.f n.b n°1.).

Facebook
Twitter
LinkedIn
Print
Email

Dans l'actualité

Restez informé·e·s

Inscrivez-vous à notre newsletter en ligne et recevez une information mensuelle complète.

Engagez-vous à nos côtés !

Nos actus péda dans votre boîte mail ?

Remplissez ce formulaire pour être tenu·e au courant de nos actualités pédagogiques (formations, outils pédagogiques etc.)

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Prénom - Nom