Malte, carrefour en crise d’une immigration massive

Entre les 14 et 18 septembre 2012, à l’invitation de la Conférence européenne de Justice et Paix, plus de 30 commissions Justice et Paix se donnaient rendez-vous à Malte afin d’y étudier de près un pays en proie à une grave crise migratoire. Avec un constat alarmant à la clé : les migrants y sont de plus en plus nombreux tandis que la capacité de les accueillir dignement s’étiole…

Malte, carrefour en crise d’une immigration massive Point de rencontre historique entre les civilisations chrétienne et musulmane, le pays reste encore un important carrefour culturel et social, qui absorbe ainsi les multiples crises. Cela a été souligné lors d’une rencontre avec le Premier Ministre maltais, le Dr Lawrence Gonzi, qui a décrit Malte comme « se trouvant coincé entre une crise humanitaire en Afrique du Nord et une crise économique en Europe ». Lançant un appel à la solidarité internationale, il a exprimé la crainte que nos sociétés abandonnent les valeurs qui ont servi à fonder nos civilisations de coopération. Ainsi, selon lui, beaucoup de citoyens européens exigent la satisfaction immédiate de leurs propres besoins au détriment des besoins des autres… « Il faut absolument remettre l’humain au centre de nos préoccupations. Je vous invite à aider Malte qui doit composer, sans l’avoir choisi, avec l’afflux de migrants qui arrivent chaque jour plus nombreux », a-t-il lancé dans un vibrant appel. En effet, Malte vit actuellement une grave crise migratoire liée aux changements climatiques et aux situations de détresse économique. Ce phénomène s’est accentué ces derniers mois par les heurts vécus lors des « Printemps arabes ». De grandes vagues de migration amènent chaque jour des centaines de personnes vulnérables, venant majoritairement d’Afrique, à tenter leur chance dans un voyage sur le vieux continent. Étant les points d’entrées géographiques principaux, les pays européens de la Méditerranée que sont l’Espagne, l’Italie, la Grèce et Malte sont les premiers à subir les conséquences de cette arrivée massive de migrants. La situation sociale la plus aigüe est vécue par Malte. Cette petite île, qui détient déjà le record de la plus forte densité de population de l’Union européenne, doit en effet faire face à un changement démographique sans précédent dû à cette immigration massive. A titre de comparaison et en prenant en compte la superficie, la population et le PIB, l’immigration des six dernier mois dans le pays serait équivalente à l’émigration massive de l’ensemble de la population maltaise vers l’Allemagne ! Dès lors, une question cruciale se pose. Comment un petit poucet de l’Union européenne, avec peu de moyens économiques et surtout un manque d’espace géographique criant, s’occupe-t-il de ses migrants ? Afin de nous en rendre compte sur le terrain, nous avons visité trois centres : le centre fermé à Hal Far, le centre ouvert de Marsa et le centre ouvert géré par l’Eglise maltaise et les Sœurs du Bon Pasteur. Grâce aux témoignages recueillis auprès de ces migrants, nous avons pu constater comment la répartition injuste des ressources à l’échelle mondiale réduit les gens à un tel état de désespoir qu’ils entreprennent des voyages longs et périlleux à travers plusieurs pays. Ils parcourent des déserts et des zones de conflit dans l’espoir d’obtenir une place sur un bateau surpeuplé et dangereux. Ces frêles embarcations les mènent dans un voyage terrifiant à travers la mer Méditerranée, avec au bout du chemin, une possible mort avant même d’arriver à destination. Ayant subi au cours de leur périple la violence, l’exploitation et la famine, leur première expérience de l’Europe sera ensuite la détention dans un de ces centres. Nous avons vu les difficultés rencontrées par le personnel des différents centres, qui tentent tant bien que mal de prendre soin des personnes traumatisées par ces expériences destructrices. Nous avons été impressionnés par les efforts du personnel et des bénévoles de ces organismes qui mettent un point d’honneur à respecter la dignité et favoriser la reconstruction de ces naufragés de la vie, et cela malgré les moyens très limités dont ils disposent. Malgré ces efforts en faveur de l’humain, nous restons choqués de voir que dans nos sociétés modernes et développées, des populations continuent à vivre dans des bâtiments surpeuplés et dans des conditions déplorables. Ainsi, si nous soulignons l’effort du gouvernement maltais à gérer cette crise sociale et sanitaire du mieux qu’il le peut, nous ne pouvons nous empêcher de lui recommander – ainsi qu’aux nombreux pays d’Europe continentale comme la Belgique, qui abritent ces centres – de fermer ces centres d’accueil aux immigrés, et de trouver des solutions plus durables et respectueuses des droits humains. Pour cela, il est impératif qu’une aide substantielle de l’Union européenne soit allouée à Malte. Á la sortie de ces centres, le calvaire des migrants et loin d’être terminé. Nous avons découvert le difficile et long processus qui commence lorsque les gens quittent ces centres et tentent de s’intégrer à une population qu’ils ne connaissent pas et qui ne veut pas de ces « étrangers ». Ils évoluent avec la menace constante d’une expulsion vers leur pays d’origine qui pend au dessus d’eux, comme une épée de Damoclès. Le problème de l’immigration dans ce pays n’est pas seulement un problème national. La grande majorité de ces migrants ne veulent pas venir s’implanter à Malte. Ils voient ce pays comme une nouvelle étape sur le chemin vers l’Europe continentale. Ainsi, l’éloignement géographique d’autres nations européennes ne doit pas les empêcher de prendre leurs responsabilités. Selon nous, il conviendrait de modifier la législation européenne existante, notamment la Régulation de Dublin. Cette disposition affirme que les demandes d’asile doivent être traitées dans le pays d’arrivée, et non celui de destination finale choisi par le migrant. Malte doit donc composer avec un nombre considérable de demandes et est incapable de les traiter justement et en accord avec les droits de l’Homme les plus fondamentaux. Aussi, nous regrettons que la migration pour des raisons économiques ne soit pas un droit accordé par l’Union européenne, ce qui pourrait contribuer à sortir des milliers de gens de situations d’extrême pauvreté. Le faux argument souvent énoncé du « Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde », doit être dépassé et conduire à forcer les murailles de la forteresse européenne afin d’y implanter davantage de solidarité… La problématique du racisme et de la xénophobie en Europe nous a également touchés. Le personnel des centres ouverts et fermés ainsi que des migrants eux-mêmes nous ont témoigné qu’ils ressentent, à partir de leur expérience vécue, une hausse de ces phénomènes. Ainsi, l’intégration des migrants est chaque jour plus compliquée. Les habitants autochtones les voient comme la source de tous les maux sociaux et économiques vécus à Malte. En résulte une polarisation menant à une société ethniquement divisée. Certains médias maltais apportent une contribution significative à cette vision haineuse du migrant, en parlant d ‘« invasion » et en stigmatisant négativement les migrants. L’Europe continentale n’est pas en reste, et voit nombre de ses médias dériver chaque jour vers plus de méfiance envers ces populations. Si nous rejetons cette vision simplifiée de la réalité, nous pensons toutefois que les citoyens doivent également adopter une approche critique à la lecture de l’information et remettre en question activement ces messages faux et injustes… Afin de sortir de cette spirale négative entourant le migrant nous devons établir un dialogue et une interaction fondés sur le respect mutuel. Nous avons été heureux d’être accueillis par la communauté musulmane de Malte et d’entendre l’Imam Mohammed Elsadi sur les défis auxquels ils sont confrontés dans la vie et leur désir de s’ouvrir aux autres. Chrétiens et Musulmans, Islam et Christianisme doivent être capables de vivre côte à côte et sans haine, et cela afin de construire ensemble une société libre et humaine. En attendant que nos représentants politiques européens comprennent davantage les situations vécues par les migrants et agissent en leur faveur ; nous, les citoyens européens, devons les devancer et œuvrer au jour le jour vers plus de justice sociale dans nos sociétés ! Santiago Fischer

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