Les conflits liés aux terres et aux ressources naturelles

Evènements déterminants de notre société, les conflits sont synonymes d’affrontements entre des intérêts, des valeurs, des actes ou procédures. Aujourd’hui, les ressources naturelles comme la terre, l’eau ou les minerais ont un rôle toujours plus important à jouer au sein des conflits.

« Qualifiés de « nouveaux conflits » par les intellectuels des relations internationales, ces nouvelles guerres diffèrent en raison d’une série d’éléments tels que les objectifs, les méthodes, les acteurs, le financement et la forme. »

Ces conflits opposent des acteurs différents provenant de la société civile ou du gouvernement et prennent différentes formes en usant soit de la violence directe (physique, militaire etc.) ou indirecte (sanctions économiques, embargo etc.). Au XXe siècle, l’ordre mondial est constitué de sorte à faire face aux conflits interétatiques –entre Etats- ou aux guerres civiles –entre civils d’un même Etat-. De nos jours, les conflits sont davantage intraétatiques, c’est-à-dire, opposant acteurs étatiques et non étatiques. Qualifiés de « nouveaux conflits » par les intellectuels des relations internationales, ces nouvelles guerres diffèrent en raison d’une série d’éléments tels que les objectifs, les méthodes, les acteurs, le financement et la forme. Selon Mary Kaldor, l’intérêt géopolitique et idéologique qu’on retrouvait dans les guerres du XXe siècle, a été remplacé au XXIe siècle par des intérêts d’identité, ethniques et religieux. Ces nouveaux conflits, décrits par Mary Kaldor, renvoient donc aux conflits liés à l’appropriation des terres, et des ressources naturelles par le contrôle des populations.

L’importance de la terre et de ses ressources au XXIe siècle

La terre est une surface de la planète avec ce qu’il y a en dessous, au-dessus et toute chose qui est attachée à son sol. Elle comprend donc les êtres humains, les habitations, les édifices et autres améliorations. Les ressources naturelles, elles, sont des substances provenant de la terre sans action humaine et sont considérées comme sources réelles ou potentielles de richesse. La terre, et les ressources naturelles qu’elle produit, ne cessent de prendre de l’importance auprès des civilisations, des Etats et des acteurs non étatiques. Sources de développement et de richesse économique, sociale et culturelle, la terre et ses ressources sont des biens précieux. Combiné, la terre et les ressources naturelles sont d’une importance considérable pour ceux qui les possèdent, d’un point de vue économique mais aussi humain.

En effet, être propriétaire de terres, c’est jouir pleinement des ressources naturelles présentes sur celles-ci et les développer pour en faire un revenu. La terre est un bien de grande valeur, essentiel aux développements local, national, international notamment grâce à l’agriculture mais également grâce à l’exploitation des ressources et la construction d’édifices rentables.

Au-delà de l’aspect économique, les terres représentent une source d’identité qui lie une histoire, une culture à une communauté établie. Ces terres se sont transmises de génération en génération au sein d’une même communauté ou d’une famille et elles confirment l’appartenance à un groupe spécifique. Sans terre, il est possible pour une communauté ou un individu de perdre son identité propre.

Ces deux facteurs sont donc des raisons suffisantes pour démarrer un conflit sur fond économique et/ou ethnique. D’une part, une partie au conflit peut être intéressée par la richesse ou la localisation de certaines terres ; d’autre part, une autre partie au conflit peut revendiquer l’appartenance de certaines terres. Dès la fin des années 90, on constate une augmentation des conflits liés aux terres et aux ressources naturelles, qui finalement, s’inscrivent dans le processus de mondialisation.

Nouvel engouement autour de la terre et des ressources naturelles

La terre et ses ressources naturelles sont, au fil du temps, devenues un objet d’attention et de convoitise par les acteurs étatiques, économiques et civils. En effet, la mondialisation et les conséquences positives comme négatives qui en découlent, ont profondément changé la perception de la terre et ses ressources.

En effet, la croissance de la population a augmenté la demande en terre arable, en eau et autres ressources naturelles essentielles pour vivre ; la dégradation de l’environnement a entraîné une « rareté des terres » ; les changements climatiques ont poussé certaines populations à l’immigration vers de nouvelles terres viables ; certaines régions du monde riches en ressources naturelles ont attiré de nombreux investisseurs étrangers qui se sont accaparé ces terres et ressources ; et l’élargissement des marchés fonciers a augmenté la valeur des terres. Ces multiples raisons sont assez importantes pour justifier l’entrée en conflit entre différents acteurs, qui voient d’abord dans ces terres et ressources naturelles un intérêt financier et un moyen de développer leur société.

Selon le récent rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, From Conflict to Peace Building : the role of natural resources and the environement (2009), 40% de la totalité des conflits entre 1990 et 2009 sont liés aux terres et ressources naturelles. Dans ces multiples conflits, 80% des victimes sont des civils. A la différence des conflits du XXe siècle, ces nouveaux conflits sont caractérisés par l’implication d’une multitude d’acteurs non-étatiques, des vagues de déplacement de population affectant parfois les pays limitrophes ayant une capacité d’accueil limitée, l’imprévisibilité de ce type de conflit et, une prolongation de la durée du conflit qui, n’a pas de début ou fin déterminé. Ce sont des conflits qui varient en forme et en intensité en fonction des acteurs et du lieu.

On observe essentiellement ces nouveaux conflits dans les pays du Sud où la structure foncière est profondément inégale, c’est-à-dire, dans les pays où il existe une forte disparité entre grandes et petites exploitations, entre paysans et groupes industriels ou encore entre populations locales et gouvernements.

La prévention de ces nouveaux conflits est-elle possible ?

Prévenir ce type de conflit est une nécessité mais il n’existe pas encore de stratégie systématique et efficace pour résoudre les griefs et conflits fonciers. C’est un challenge auquel les gouvernements et la communauté internationale doivent répondre en ne tenant pas compte de la sensibilité du sujet d’un point de vue politique ou la complication du sujet d’un point de vue technique.

La résolution des conflits fonciers est difficilement envisageable mais la prévention ou gestion est possible. En effet, des mesures pratiques peuvent être implémentées pour empêcher les griefs d’évoluer en conflit violent, limiter les impacts négatifs du conflit à court et long termes ou faire des enjeux liés aux terres et aux ressources une contribution aux objectifs plus généraux de maintien de la paix. La communauté internationale a récemment pris conscience qu’une meilleure compréhension des conflits liés aux terres est nécessaire par une approche durable menée par la société civile, les organisations non gouvernementales, les organisations internationales, le secteur privé, les groupes politiques et des institutions (nationales, internationales, locales, juridiques etc.) forts. Progressivement, les problèmes fonciers sont davantage abordés et pris en compte pour empêcher et/ou gérer les conflits plus généraux. Seulement, il existe une inégalité continue dans le dialogue entre les acteurs locaux, nationaux, internationaux et non étatiques qui se base essentiellement sur la capacité et les moyens d’action.

Qu’en est-il de la restitution des terres et ressources naturelles ?

La restitution est présente dans de nombreux instruments internationaux de droits humains. Cela consiste pour des individus ou groupes de personnes ayant souffert d’une perte ou d’un préjudice, de retrouver autant que possible leur situation initiale avant la perte ou le préjudice.

Dans la théorie, la notion de restitution peut être un remède équitable pour les victimes mais dans la pratique, l’application est plus difficile. En effet, les déplacements multiples subis par les populations, les injustices historiques subies ou encore l’appropriation, parfois violente, de leurs terres sont des raisons parmi tant d’autres qui rendent le processus de restitution difficile. La violence psychologique et physique de la désappropriation est une expérience traumatisante qui reste dans les mémoires.

Conclusion

Le défi sécuritaire autour des terres et des ressources naturelles est de plus en plus important. Trop nombreux sont ces conflits inter étatiques qui déstabilisent certaines sociétés et contraignent des populations à subir des violences ou à s’exiler. La raréfaction des ressources naturelles et la disparition de terres arables en raison de l’empreinte humaine dans le monde ne cesseront d’augmenter. De ce fait, ces nouveaux conflits vont se multiplier et vont engendrer de nouveaux déplacements de populations. Les conflits liés aux terres et aux ressources s’inscrivent dans un cercle vicieux qui sera difficile à briser.

Nour Engueguele

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