LE DROIT A L’EAU, DROIT PUREMENT SYMBOLIQUE OU VECTEUR D’UN VERITABLE CHANGEMENT ?

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A travers le monde, nombreuses sont les difficultés pour avoir accès à des sources d’eau potable… Face à ce constat, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est devenu un enjeu important pour la Communauté internationale, davantage encore de nos jours face à la pandémie de Covid-19 qui a démontré l’importance cruciale d’un accès à de telles installations afin de prévenir les maladies.


Quelles sont les dispositions internationales ?

Le droit à l’eau a pris de l’importance sur la scène internationale [1]Notons que des dispositions relatives à ce droit furent également prises à des niveaux régionaux et nationaux et que des juridictions ou quasi-juridictions régionales ont vu le jour en matière … Continuer la lecture dans les années 1970, notamment lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau de 1977 où a été énoncée pour la première fois l’idée que l’eau est un bien essentiel afin d’assurer le respect de besoins fondamentaux.

Depuis cette époque, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement furent inscrits dans différentes Conventions, dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979 (article 14, § 2) et la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 (articles 24 et 27, § 3).

En 2002, une observation générale [2]CDESC, Observation générale n°15 sur le droit à l’eau, 2002. reconnaissant « le droit à l’eau » a été adoptée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (ci-après CDESC). Le Pacte relatif à ces droits ne mentionne pas expressément le droit à l’eau mais le Comité a considéré qu’il relevait du droit à un niveau de vie suffisant, reconnu à l’article 11. Celui-ci propose une liste non exhaustive qui permet donc de considérer le droit à l’eau comme faisant partie des garanties fondamentales permettant d’assurer un niveau de vie suffisant. Dans cette observation générale, le CDESC précise que les obligations des Etats sont de trois ordres : respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à l’eau (point 20). Aussi, l’eau doit être de qualité, accessible, disponible, d’un coût abordable, et fournie sans discrimination aucune (points 2 et 12).

En 2008, Catarina de Albuquerque fut désigné comme première rapporteuse spéciale de l’ONU en matière de droit à l’eau et à l’assainissement. C’est notamment sous son impulsion qu’en 2010, les Nations Unies ont reconnu que « le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental ». L’Assemblée Générale des Nations Unies a en effet adopté le 28 juillet 2010 une Résolution à ce sujet. Celle-ci est d’une importance fondamentale puisqu’elle consacre comme droit humain fondamental l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.

L’accès à l’eau en pratique

Toutes ces dispositions semblent promettre un accès à l’eau pour tous et partout à travers le monde. Mais est-ce réellement le cas ?
Dans les faits, malheureusement, le droit à l’eau et à l’assainissement n’est pas un droit totalement acquis et ce dans de nombreux pays. Par exemple, les politiques adoptées par Israël à l’égard du Territoire palestinien impactent la jouissance du droit à l’eau et à l’assainissement ; au Bénin, la corruption d’agents de la Société nationale des eaux entrave la jouissance du droit à l’eau ; le droit à l’eau est menacé par l’exploitation minière en Equateur ; de nombreuses écoles en Afrique du Sud n’ont pas ou peu accès à l’eau et à l’assainissement… Nous pouvons également souligner que des améliorations doivent encore être apportées à la situation… en Belgique. Le Comité se dit notamment préoccupé par les coupures d’eau et recommande que soit garantie la fourniture d’une quantité d’eau et de services d’assainissement minimales.

De plus, certains groupes de personnes semblent avoir plus de difficultés à voir leurs droits à l’eau et à l’assainissement respectés. Cela peut avoir de nombreuses conséquences sur les enfants, notamment en matière de mortalité infantile (1000 enfants meurent chaque jour de maladies découlant des conditions d’hygiène et d’assainissement – voir ODD 6) ou de droit à l’éducation des jeunes filles, qui peut être mise en péril. Selon des articles du PNUD et de l’Unicef, ceci découle, entre autres, du fait que c’est généralement aux femmes que revient la tâche de ramener de l’eau potable, se situant parfois à plusieurs heures de marche ou parce que certains parents refusent que leurs filles aillent à l’école en raison de l’absence d’installations sanitaires appropriées.

Les réfugiés et personnes déplacées dans leur propre pays peuvent également faire face à de réelles difficultés pour que leur droit à l’eau et à l’assainissement soit respecté. Face à certaines images de camps surpeuplés et précaires accueillant ceux-ci, cela n’est pas surprenant d’apprendre que ces droits qui leurs sont reconnus ne sont pas satisfaits dans les faits (voir l’article de l’UNESCO sur les exclus de l’eau).

Pour les peuples autochtones, l’accès à l’eau est étroitement lié à la maîtrise de leurs terres, territoires et ressources. Mais bien souvent, ils ne sont pas en mesure de prouver que ces terres leur appartiennent. Ainsi, comme le rappelle le GITPA – le groupe international de travail pour les peuples autochtones –, ils risquent d’être expropriés et les sources naturelles d’être exploitées par de puissantes entreprises, sans qu’elles n’aient égard aux droits des personnes y vivant depuis des générations.

Enfin, les personnes défavorisées vivant essentiellement en milieu rural constituent la majorité des personnes n’ayant pas accès à l’eau potable et à l’assainissement. Leurs logements sont rarement reliés aux réseaux de distribution d’eau et souvent dépourvus d’installations sanitaires. Dans les cas où les populations pauvres ont accès à l’eau courante, son débit est souvent réduit en période de pénurie pour approvisionner les quartiers plus aisés (voir l’article de l’OMS).

« Nous ne pourrons vaincre aucune des maladies infectieuses
qui affligent les pays en développement tant que nous n’aurons
pas gagné la bataille pour l’eau potable, l’assainissement […] ».
(Kofi Annan)

Conclusion

La reconnaissance du droit à l’eau fut avant tout une avancée symbolique. Celle-ci semble cependant aller au-delà de cet aspect purement symbolique, comme en témoigne également le 6e objectif de développement durable des Nations Unies, visant à « garantir l’accès à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable ».

Le 22 mars, c’est la journée mondiale de l’eau. La raison d’être d’une telle journée est de mettre en lumière cet enjeu international et de sensibiliser aux progrès qui sont encore à réaliser dans le domaine de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous. La vraie victoire sera atteinte le jour où une telle journée mondiale n’aura plus lieu d’être, dans un monde où le droit à l’eau ne sera plus un objectif à atteindre, mais une réalité pour laquelle à ce jour une grande partie de la population est encore amenée à se battre quotidiennement pour sa survie.

Fanny Royen & Isolde Legrand.

Documents joints

Notes

Notes
1 Notons que des dispositions relatives à ce droit furent également prises à des niveaux régionaux et nationaux et que des juridictions ou quasi-juridictions régionales ont vu le jour en matière de promotion et de protection du droit à l’eau, élaborant un recueil de décisions.
2 CDESC, Observation générale n°15 sur le droit à l’eau, 2002.
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