Le changement climatique et les coûts de la transition

Le changement climatique et la dégradation de l’environnement constituent un défi mondial majeur qui a un impact collectif significatif. Pour répondre à cette problématique, l’Union européenne a présenté le Pacte Vert pour l’Europe. Le Pacte est une feuille de route fixant les grandes lignes d’une transformation radicale de l’économie européenne, mais également une opportunité pour une société plus juste. Cette transition vers une économie verte n’est pas sans coûts économiques et sociaux. Les inégalités économiques et sociales que la transition peut créer doivent être abordées en urgence et en parallèle avec celle-ci afin de ne pas compromettre la cohésion de la société.

Le Pacte Vert pour l’Europe

Publiée en 2019, dans le but de respecter les engagements pris au niveau international dans le cadre de l’accord de Paris, une communication de la Commission (2019) explicite l’engagement de l’Union à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. “Cette nouvelle stratégie de croissance vise à transformer l’UE en une société juste et prospère, dotée d’une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, caractérisée par l’absence d’émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2050 et dans laquelle la croissance économique sera dissociée de l’utilisation des ressources”. [1]

Cette stratégie englobe donc différents domaines, en particulier les transports, l’énergie, l’agriculture, le bâtiment et les secteurs tels que la sidérurgie, l’industrie du ciment, le textile et les produits chimiques. Cela souligne les éléments qui seront prioritaires dans cet effort climatique et économique de l’UE pour 2030 et 2050.

L’UE veut : 

  • Un approvisionnement énergétique propre, abordable et sûr ;
  • Mobiliser les acteurs de l’industrie en faveur d’une économie circulaire et propre ;
  • Favoriser un développement du secteur de la construction ;
  • Accélérer la transition vers une mobilité durable et intelligente ;
  • Concevoir un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement ;
  • Préserver et rétablir les écosystèmes et la biodiversité ;  
  • Avoir un environnement exempt de substances toxiques ;
  • Promouvoir la finance et l’investissement verts et assurer une transition juste ;

Les mesures principales pour atteindre ces objectifs sont réparties en trois groupements de textes :  

  • La loi européenne sur le climat, adoptée en juin 2021, qui fixe l’objectif de la neutralité climatique, ainsi que la cible intermédiaire d’une réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE d’ici à 2030, par rapport au niveau de 1990.
  • Le pacte européen pour le climat, qui met en place une plateforme de discussion et d’échange avec la société civile. 
  • Les deux paquets “Ajustement à l’objective 55”, un ensemble des propositions visant à réviser et actualiser la législation européenne pour assurer le respect des targets du 55% en 2030.

L’impact de la transition

Les pays et les populations les plus fragiles seront également les plus touchées par cette crise climatique et ses conséquences. Par exemple, si l’on considère les catastrophes naturelles, dont la fréquence et la dangerosité évoluent sans cesse, leurs conséquences touchent de manière plus importante les zones défavorisées. En effet, ces zones sont inévitablement moins équipées. De même, au sein des pays européens, les groupes les plus vulnérables devant les changements climatiques seront les moins équipés financièrement et en termes de couverture sociale.

Au-delà des conséquences des changements climatiques, l’accroissement des inégalités s’illustre aussi dans l’implémentation de la transition écologique et énergétique. Au niveau national, il est important que les mesures allant dans le sens de la transition n’augmentent pas la vulnérabilité des foyers défavorisés. Au niveau international, l’importance d’avancer ensemble et solidairement face à ce défi global semble évident, pourtant un nouvel enjeu s’impose : la prise en compte plus transparente des externalités de notre consommation et notamment des énergies vertes et du numérique dans le cadre de la transition écologique et énergétique.

Conscient de l’impact social des mesures liées au défi climatique, le législateur européen a créé des instruments comme le fonds social pour le climat (FSC) et le fonds pour une transition juste (FTJ) pour soutenir les ménages, la petite industrie et pour les régions plus dépendantes des combustibles fossiles et de l’industrie à forte intensité d’émission.

Il est important aujourd’hui de créer des instruments permettant de respecter ces objectifs climatiques, mais prenant également en compte l’importance du critère social. En effet, le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) – un des instruments utilisés par l’UE pour atteindre ses objectifs concernant la régulation de ses émissions de gaz à effet de serre – est né pour réguler les émissions des industries à forte intensité énergétique. Néanmoins, le système s’est élargi en touchant aussi le secteur du bâtiment et du transport routier. Avec ces changements, il faut se préparer à des répercussions sur le coût de certains produits transformés. Il faudra donc étudier l’impact sur les ménages, notamment en identifiant les produits concernés que l’on retrouvera dans le panier des ménages à faible revenu. L’expansion de ce système (le SEQE) aux transports pourrait également avoir un impact sur la classe moyenne inférieure. On l’a vu en France, par exemple, à travers le mouvement des “gilets jaunes”, face à l’augmentation du coût du pétrole proposée par le gouvernement français. On note la récupération de certaines de ces problématiques par des partis populistes et nationalistes en recherche d’électorats. Ceux-ci soulignent les pertes d’emploi, le manque de planification dans la transition vers les énergies renouvelables, l’augmentation du coût du carburant.

La transition et le secteur de l’emploi

Le travail décent, l’éradication de la pauvreté et la durabilité environnementale sont trois des enjeux décisifs du XXIᵉ siècle. La restructuration économique mêlée à l’augmentation du coût de l’énergie (diversification des sources et des fournisseurs d’énergie) aura pour conséquence, d’une part,, des licenciements et des fermetures d’entreprise. D’autre part, la création d’emplois liés à l’écologisation des entreprises et des lieux de travail. Même si l’équation entre perte d’emploi et création d’emplois était positive, le coût social serait toujours important.

La Commission européenne estime au niveau macroéconomique que la transition aura un impact neutre ou légèrement positif sur l’emploi. Une transition technologique majeure est attendue, ce qui entraînera la perte de nombreux emplois et la création de nouveaux dans un même temps. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières – qui vise à éviter le fait que des entreprises européennes puissent déplacer leur production à forte intensité de carbone à l’étranger, ou que des produits de l’UE soient remplacés par des importations à plus forte intensité de carbone – contribue à sauvegarder des postes de travail. En revanche, il provoque potentiellement une hausse des prix des produits importés et des coûts sociaux des pays non européens.

Sur le marché du travail, la précarité devient la norme, le salaire et la capacité d’achat sont progressivement réduits. La mobilité entre les professions est souvent mission impossible, même pour celles et ceux qui ont une formation supérieure. De plus, La situation est aggravée par un environnement économique non-croissant. La Commission est consciente de la nécessité d’une approche simultanée et intégrée des politiques macroéconomiques, industrielles et sectorielles, de sécurité et santé au travail, mais la politique sociale relève avant tout de la compétence des États membres. Si, d’une part, l’écologisation des économies nécessite de subsidier les mesures propres à chaque pays, d’autre part, un certain degré d’intégration est nécessaire pour éviter le dumping et assurer la création d’emplois décents dans les secteurs à forte valeur ajoutée et dans les industries à plus forte intensité de main-d’œuvre. Les instruments proposés maintenant dans l’Union européenne risquent d’être insuffisants. Il faudra donc voir l’habileté de l’UE et des États Membres à concilier l’écologie avec le social à travers le semestre européen (cycle de coordination des politiques économiques, budgétaires, sociales et du travail).

Conclusion

Une transition écologique est nécessaire pour répondre au changement climatique. Si les initiatives politiques ont tardé. Une société plus résiliente aurait eu plus de ressources pour accompagner le processus et soutenir celles et ceux qui ont été laissé·e·s pour compte. Certaines entreprises l’ont fait, et maintenant elles sont (dans certains secteurs) des oasis heureuses dans un désert post-industriel. Malheureusement, toutes les politiques climatiques n’aboutissent pas nécessairement à la justice sociale et économique. Bien que l’inactivité soit plus coûteuse que l’action, les actions doivent être équitables.

La population ne doit être considérée comme une spectatrice passive mais comme une agente du changement.  Une approche intégrée fondée sur le dialogue et une solution transversale à plusieurs niveaux (national, régional, sectoriel et entreprise) est urgente. Des politiques partielles ou extrêmes peuvent détruire le long chemin que la société européenne devra parcourir.

L’Europe et ses États jouent un rôle fondamental et leurs dirigeant·e·s doivent faire preuve de la même résilience que les pères fondateurs. L’hésitation n’a pas sa place. L’action va passer, certes par la subsidiarité et l’intégration, mais aussi surtout à travers le dialogue et la solidarité.

Mattia Tosato.


[1] Communication de la Commission, Le pacte vert pour l’Europe, COM(2019) 640 final

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