Défendre la dignité humaine en temps de crise économique

La Conférence des Commissions européennes de Justice et Paix, représentant les 22 commissions nationales des Conférences des évêques catholiques, s’est rendue en Grèce à l’occasion d’un atelier international sur les thèmes de la dignité humaine et de la crise économique.

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Octobre 2014 – En Grèce, l’impact de la crise est particulièrement grave et visible, comme en témoignent les nombreuses personnes qui ont décidé de battre le pavé pour protester contre le chômage et ses conséquences. Nous sommes venus ici afin de réfléchir ensemble aux nouvelles menaces qui pèsent sur la dignité humaine, et aux assauts qu’elle subit ; nous voulions également nous familiariser avec des exemples de bonne pratique quand il s’agit de défendre la dignité humaine.

Au cours de l’atelier, nous avons rencontré les ONG Praxis et Klimaka, qui mènent des initiatives de sensibilisation sociale d’une grande valeur. Nous avons visité le centre de détention d’Amigdaleza qui abrite des demandeurs d’asile et la Society for the Care of Minors (Société d’accompagnement des mineurs), qui s’occupe de jeunes mineurs d’âge. Nous avons également rencontré des représentants de partis politiques et l’événement a été inauguré par le Professeur Vassilis Karydis, adjoint au Médiateur, qui, dans son intervention sur les enjeux actuels, a fait référence au cadre législatif en matière de droits humains.

Dans un discours prononcé à l’Organisation des Nations Unies en mai 2014, le Pape François a lancé un appel pour que soit mis fin à « l’économie de l’exclusion » par des actions qui pèseront « sur les causes structurelles de la pauvreté et de la faim, (obtiendront) des résultats supplémentaires en faveur de la préservation de l’environnement, (garantiront) un travail décent à tous et (offriront) une protection adaptée à la famille ».[1]http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2014/may/documents/papa-francesco_20140509_consiglio-nazioni-unite.html

Dans le même ordre d’idée, l’expérience des ONG que nous avons visitées montre combien il est nécessaire de répondre aux besoins fondamentaux de tous les membres de la société. On ne peut accéder à l’emploi et se réinsérer durablement dans la société quand on est sans-abri, quand on n’a pas d’emploi, ou quand on a besoin d’un traitement spécial pour des problèmes de santé mentale ou physique. Ces organisations ont adopté une approche axée sur la personne, qui reconnaît que notre première réponse aux plus vulnérables doit reposer sur leurs besoins. À court terme, les organisations locales et bénévoles jouent un rôle crucial quand il s’agit de soutenir les plus marginalisés et les exclus. Tout doit être fait pour pérenniser ces initiatives, d’autant plus que les demandes d’aide explosent en ce moment.

Si les ONG contribuent fortement à alléger des besoins sociaux de plus en plus pressants, il importe également de s’attaquer aux facteurs structurels et systémiques qui emprisonnent les populations dans des cycles de pauvreté et de privation, en appliquant des réformes politiques au niveau des gouvernements. Les réponses politiques devraient s’inspirer d’une approche globale des besoins complexes, dont l’exemple viendrait des organisations que nous avons visitées. Investir dans des modèles qui mettent les populations en capacité d’intégrer la société et de lui apporter leur contribution bénéficie à l’ensemble de la société. Au cours de notre atelier, on nous a présenté une série d’initiatives positives en matière d’économie sociale. Toutes devraient être approfondies et analysées comme des méthodes novatrices qui aident les personnes et les communautés à s’engager activement pour améliorer leur propre situation.

Les représentants politiques ont levé un voile sur le degré d’aliénation politique apparue dans la société grecque. La crise est vécue non seulement comme une crise politique, mais également morale et sociale, qui exige un changement de cap. Ceux et celles qui souffrent des conséquences de la crise économique ressentent une immense frustration face aux manquements systémiques des dirigeants et aux échecs des politiques qui ont privilégié les considérations financières au détriment des droits humains fondamentaux et du bien-être des populations. L’enjeu pour les dirigeants politiques, tant au niveau national qu’européen, sera de restaurer la confiance, en plaçant clairement les besoins des personnes au-dessus des exigences du marché et, ce faisant, en incitant les peuples européens à renouer avec les processus démocratiques dans l’espoir de créer une Europe de la démocratie et de la solidarité. L’expérience grecque illustre l’impérieuse nécessité d’instaurer des politiques fiscales et d’investissements plus justes, de garantir une répartition de la charge fiscale respectueuse des principes de justice sociale, de combattre réellement l’évasion fiscale et de réglementer la finance de telle sorte que les institutions financières servent le bien commun.

Les solutions à ces problèmes, pour être pérennes, devront s’accompagner de politiques européennes qui privilégieront les besoins des plus vulnérables. Dans une dizaine de jours, le 17 octobre, des représentants gouvernementaux de haut-niveau, venant des 47 pays membres du Conseil de l’Europe, se réuniront à Turin pour envisager de manière critique les résultats engrangés dans l’application de la Charte sociale européenne. En collaboration avec d’autres ONG, Justice et Paix Europe participera à une réunion parallèle qui célèbrera la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Ces réunions sont une occasion unique de renforcer notre engagement pour la défense des droits sociaux et économiques, inscrits dans la Charte sociale.

Au cours de notre atelier, nous avons identifié une autre priorité pour l’avenir : les politiques d’immigration et d’asile. En Grèce, comme dans bien d’autres pays de l’UE, les migrants et les demandeurs d’asile sont maintenus dans des conditions indignes de notre responsabilité envers la défense de la dignité humaine. La pratique qui consiste à maintenir ces personnes, dont certaines ont été victimes de violence et de traumatismes, dans des conditions d’emprisonnement est une injustice d’une grande gravité. Il est évident que ces conditions de détention ne permettent ni de leur offrir des soins de santé physique ou mentale appropriés ni d’assurer leur bien-être. Le droit à la vie familiale est bafoué. Pareille expérience aura des conséquences particulièrement désastreuses sur les jeunes, qui traversent les années les plus critiques de leur développement.

La solidarité et une responsabilité partagée doivent devenir les valeurs fondatrices de notre politique d’immigration au niveau de l’UE. Dans la pratique, il convient donc d’apporter un soutien accru aux pays qui, en raison de leur situation géographique, voient affluer un plus grand nombre de migrants. Un dialogue et un véritable engagement avec les pays d’origine seront cruciaux. Dans le cas de la Grèce, il conviendrait, en premier lieu, d’exonérer le gouvernement grec de l’obligation de cofinancement qu’impose le Fonds européen pour les réfugiés. En effet, celle-ci fait peser sur d’inestimables initiatives de soutien à l’intégration des migrants le risque de perdre tout leur financement dans un proche avenir.

En conclusion de notre atelier, nous souhaiterions exprimer nos sincères remerciements à nos hôtes, la Commission grecque Justice et Paix et l’Église Catholique Grecque, qui ont tenu à partager avec nous leurs expériences. Nous remercions l’ensemble des organisations qui ont accueilli nos ateliers d’avoir accepté de nous dévoiler leur travail. L’expérience nous a apporté une richesse d’informations dont nous nous inspirerons dans notre travail national et européen. Le secteur des organisations locales, volontaires et confessionnelles en Grèce est riche d’exemples de personnes qui, malgré leurs ressources limitées, ont un impact immense sur la vie et le bien-être des populations. Leurs témoignages nous encouragent à commencer par ce qui est en notre pouvoir, car la taille d’une initiative ne préjuge pas de son impact.

Les participants de l’atelier international et de l’Assemblée générale se sont, dans un premier temps, réunis à Athènes, avant de se rendre à Corinthe. La rencontre a ainsi pris les atours d’un pèlerinage. Le samedi 4 octobre, nous avons célébré la Messe sur la colline de Mars (Aréopage), au pied de l’Acropole, où l’Apôtre St. Paul fit son célèbre sermon aux Athéniens. La Messe, qui était la première Messe catholique publique des temps modernes, a été présidée par Monseigneur William Kenney, le Président sortant de Justice et Paix Europe. Après la messe, les participants ont déployé une bannière sur laquelle on pouvait lire : « Changez la vie maintenant : tous et partout », la phrase qui symbolise le mieux le sermon de St. Paul. Revenu sur les pas de l’Apôtre, le dimanche suivant, le groupe a célébré une seconde Messe sur le site de l’ancienne Corinthe.

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1 http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2014/may/documents/papa-francesco_20140509_consiglio-nazioni-unite.html
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