De ces observations, nous ne pouvons que nous demander quelle réponse efficace nous pouvons apporter à cette problématique. Une réponse est-elle même possible quand les Pouvoirs publics peinent à solutionner le manque crucial d’habitat social ? Existe-t-il réellement des réalisations qui permettent d’apporter ne fût-ce même qu’un début de réponse ?
Avant d’aborder cet aspect, tournons-nous vers le public visé à titre d’exemple par notre initiative. Les personnes vivant sans domicile fixe et les personnes sortant de prison.
a. Les personnes sans domicile fixe
Nous organisons notre réflexion sur les remarques et observations obtenues auprès de personnes actives auprès des personnes de la rue principalement en France. Néanmoins leur réflexion est tout-à-fait transposable à la Belgique et particulièrement à Liège. Pedro Meca, récemment décédé, dominicain, a vécu la majeure partie de sa vie aux côtés des exclus. Il est l’initiateur à Paris de ‘’La Moquette’’, un lieu de rencontres pour personnes de la rue. Michel et Colette Collar-Gambiez ont partagé, durant de nombreuses années, la vie des personnes vivant sans domicile fixe, tant en France qu’en Belgique. Jean-Guilhem Xerri, ancien président de l’association ‘’Aux Captifs, la libération’’ a été, quant à lui, à la tête d’une association qui privilégie la rencontre des personnes via ‘’les tournées-rue’’ organisées chaque nuit à Paris.
Si quelques jours suffisent pour transformer toute personne en personne SDF, il en va autrement pour ‘’sortir’’ de la rue. Très nombreux sont les ‘’problèmes’’ à résoudre pour un ou une sortant de la rue. Nous nous limiterons à 3 domaines.
1. La notion d’espace
Il est aisé de comprendre pourquoi cette notion s’amenuise au fur et à mesure des années passées à la rue. Souvent, dans les premiers temps, la personne qui dort dans une entrée d’immeuble tente de limiter, baliser son ‘’chez soi’’. D’errance en errance, ce balisage disparaît. D’abord pour des raisons évidentes de nuisance. Les ‘’voisins’’ d’immeuble vivent très mal cette intrusion dans leur domaine. Ensuite, partager un dortoir ou une chambre à 4 personnes n’aide pas à structurer son espace et lentement mais surement, la personne perd cette notion d’espace.
2. La notion de temps
Tout comme pour l’espace, cette notion est un luxe pour qui passe sa journée et ses nuits dans la rue. Temps de veille, la nuit comme le jour, conduisent à perdre toute référence horaire. Quand vient le matin, par exemple, la personne tente de grappiller quelques heures de sommeil la mettant ainsi en difficulté avec l’organisation des lieux d’accueil.
3. La notion de corps
Quelle plaie que ce corps à nourrir, panser, caser pour la nuit, protéger contre la pluie ou le froid voire la chaleur ! Là où nous éprouvons du plaisir, la personne à la rue vit ce corps comme un boulet à trimballer d’un lieu d’accueil à l’autre, d’un abri à l’autre. Encore une composante de la vie qui s’amenuise et disparaît ne laissant place qu’à un boulet à traîner.
Espace, temps et corps doivent être pris en considération dans notre recherche d’un logement pour les personnes originaires de la rue. Il serait vain d’imaginer les dépanner si dans notre réflexion ces trois composantes ne sont pas prises en compte.
b. Les personnes sortants de prison
Le public qui s’approche de la Plateforme Sortants de Prison est composé de personnes purgeant l’entièreté de leur peine, ce qu’elles nomment entre elles : les ‘’fond de peine’’.
Donc, pas des personnes qui ont demandé une libération conditionnelle, ce qui leur permet, théoriquement, d’avoir un accompagnement ou du moins un ‘’plan’’ de sortie.
Après une longue incarcération, le désarroi est manifeste au moment de la libération. De nombreux problèmes sont à résoudre : rechercher un logement, payer la caution locative et le premier loyer, trouver un moyen de subsistance, construire/reconstruire des relations sociales, ... La réinsertion, reprendre place dans la société, est une garantie pour éviter la rechute ou la récidive. Elle est un enjeu crucial pour le sortant de prison mais aussi pour la société toute entière.
L’objectif premier de la Plate-Forme Sortants de Prison est de rendre le sortant de prison acteur dans sa libération et de sa réinsertion : pouvoir résoudre les problèmes rencontrés, pouvoir faire ses choix, retrouver du respect et de la dignité humaine...
La Plate-Forme Sortants de Prison propose d’accompagner le sortant de prison pour mettre en œuvre un projet de vie construit ensemble. Le premier contact se prend bien avant la libération et l’accompagnement se prolonge au-delà. Elle propose en outre une convention sur les rôles et les attentes de chacun, ainsi qu’une épargne en vue d’accéder à son propre logement.
A la sortie, les accompagnateurs seront présents pour orienter la personne vers son lieu d’accueil ou son logement qui permettra de reprendre pied dans le monde ‘’libre’’.
Les conditions de vie du monde carcéral auront aussi été prises en considération tout comme les raisons de l’incarcération pour le choix du logement.
Et pourtant, des personnes accompagnées ne trouvent pas le logement espéré (but de notre accompagnement) et se retrouvent pour un temps dans un abri, voire une auberge de jeunesse… Lentement, le découragement vient prendre la place des bonnes intentions et des espoirs et c’est la rue qui leur ouvre tout grands les bras.