Tout part d’une idée préconçue, celle que la mondialisation et la libre circulation des idées, des personnes et des marchandises ont un impact certain sur l’existence des frontières.
Dès lors, la frontière, en tant que "structure spatiale élémentaire à fonction de marquage et de délimitation tant juridique que symbolique" -selon les termes de Michel Foucher [1] -, semble promise à un déclin certain si l’on en croit les dires de nombreux auteurs, tels Bertrand Badie dans son ouvrage "La fin des territoires" ou "Borderless World" de Ken’ichi Ōmae. Véhiculant un discours "sans-frontiériste", la mondialisation amènerait l’effacement des frontières étatiques.
La réalité est bien différente du rêve d’unification qui a animé plus d’un internationaliste. En effet, l’intérêt donné aux frontières et ce qu’elles définissent (le territoire des États) est loin d’avoir perdu en importance, nous éloignant de l’idée que les frontières seraient bel et bien des réalités lointaines. Dès le début du 21e siècle (mais déjà bien avant), on enregistre un retour des frontières physiques qui matérialisent des séparations ethniques, politiques, économiques, religieuses,…
Loin de l’idée première que l’on a pu avoir des effets de la mondialisation sur l’existence des frontières, quelles que soient leurs formes physiques, celles-ci ne s’effacent pas car elles sont toujours considérées comme protectrices d’une identité culturelle et nationale montante. Les frontières qu’on peut voir actuellement refleurir matérialisent le retour aux nationalismes, au protectionnisme, à un besoin d’espace à protéger "de l’Autre".
Les frontières physiques, qui semblaient s’être ouvertes et même en voie de disparition, sont dès lors en train de se multiplier : la mondialisation amène en réalité une fragmentation, loin de l’uniformisation territoriale et culturelle rêvée par beaucoup. Pour s’en rendre compte, il suffit de se pencher sur les chiffres mis en lumière par Michel Foucher dans son livre L’obsession des frontières [2] .
Selon lui, la mondialisation conduit avant tout à une consolidation territoriale. Depuis 1991, plusieurs milliers de nouveaux kilomètres de frontières ont été érigés. Et cela ne risque pas d’aller en diminuant, comme en témoignent les nombreux discours appuyant une volonté de construction de murs. Ces frontières fermées, matérialisées par des murs, se trouvent souvent là où les inégalités de niveaux de vie sont trop élevées. Dès lors, dans un contexte migratoire complexe, les murs-barrières se multiplient. On peut par exemple citer le Maroc et les "présidios" [3] espagnols de Ceuta et Melilla ou la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Les frontières voient également le jour là où les relations politiques sont tendues : entre Israël et les territoires palestiniens ou encore entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.