Changement climatique, pollution, effet de serre, diminution des ressources naturelles, réduction de la biodiversité… Le XXIème siècle fait face à de nouveaux défis environnementaux qui rendent instable le futur de nos sociétés.
Les sociétés civiles à travers le monde et les gouvernements sont confrontés à des tensions liés au changement climatique.
Pour assurer le bien-être de la planète et de ses habitants, il est nécessaire de repenser nos modèles économiques et sociaux. Face à ces nouveaux défis, les sociétés civiles à travers le monde et les gouvernements ont décidé d’agir pour contrôler et limiter le défi environnemental. Le XXIème siècle se trouve dans une phase de transition écologique qui représente une période d’adaptation pour un passage vers une société plus verte notamment par l’utilisation d’énergie renouvelable, une redéfinition de la consommation et une réduction des déchets. Au-delà des modifications structurelles à effectuer, la transition écologique est responsable de conflits de plus en plus récurrents. Appelés conflits environnementaux, leur présence est aujourd’hui croissante dans le monde et touche toutes les populations.
Définir un conflit environnemental
Lionel Laslaz, maître de conférences en géographie à l’Université Savoie Mont Blanc, définit un conflit environnemental comme étant une opposition forte entre de multiples acteurs provenant de la société civile, du gouvernement ou encore d’entreprises privées. Cette opposition est déclenchée par un équipement, une infrastructure ou une politique de protection modifiant l’environnement desdits acteurs, exerçant une activité ou résidant à proximité. Cette définition suppose que l’échelle de ce conflit est locale et/ou régionale.
Dans un conflit environnemental, les acteurs utilisent deux types de langage. Tout d’abord, il y a le langage économique dans lequel une analyse coût/bénéfice est effectuée. Puis une traduction de toutes les externalités en argent est réalisée avant toute activité. Ensuite, il y a le langage humain dans lequel on retrouve des valeurs qui peuvent être écologiques, culturelles, sociales etc. qui promeut le bon vivre ensemble des populations et des acteurs économiques. L’économiste catalan, Joan Martinez Alier, évoque l’écologie politique dans ses écrits sur l’impact de l’environnement. L’écologie politique étudie les conflits environnementaux et constate que les langages utilisés par les acteurs au conflit varient en fonction de leurs intérêts, de leur pouvoir, de leur valeur ou de leur culture.
Les conflits environnementaux sont donc essentiellement liés à l’économie et suivent le processus de développement lié à la mondialisation. Peut-on cependant tenir pour responsable la mondialisation ?
La mondialisation responsable des conflits environnementaux ?
L’extraction pétrolière dans le Delta du Niger (Nigéria) depuis 1950, la prospection des mines de charbon du KwaZulu-Natal (Afrique du Sud) en 2016, les déversements illégaux de résidus toxiques en Somalie dans les années 90 ou encore l’installation d’énergie éolienne et la dégradation des terres dans l’Etat d’Andhra (Inde) en 2013 sont des évènements provoqués par la mondialisation et la croissance économique et qui de plus, engendrent des conflits environnementaux.
Nombreux sont les conflits environnementaux non recensés, nombreux sont ceux qui ne sont pas encore qualifiés à proprement parler de conflits environnementaux. Pour y remédier, l’Environmental Justice Organisations, Liabilities and Trade (EJOLT) a élaboré l’Atlas mondial de la justice environnementale[1]. Cette cartographie interactive recense les conflits environnementaux dans le monde et permet de faire des recherches par entreprises, matières premières, Etats, types de conflits (nucléaire, eau, biodiversité, énergies fossiles etc.). En 2014, l’EJOLT recense près de 1000 conflits dans le monde, aujourd’hui, 3516 cas ont été signalés. Le projet financé par l’Union Européenne montre que les conflits environnementaux ne cessent d’augmenter à travers le monde et que l’implication des entreprises ne décroît pas. Pour des raisons économiques et financières, certaines entreprises sont prêtes à générer un conflit local ou régional au détriment de l’écologie ou de la population.
Les conflits environnementaux posent donc la question de la durabilité des modèles de croissance industrielle. D’une part, le développement économique et l’environnement sont antagoniques. D’autre part, le développement durable permet d’harmoniser les deux dimensions à la condition de redéfinir les modes de production et consommation grâce aux avancées techniques et aux actions collectives. Provoquant une instabilité sur la scène internationale et une rupture de la paix, la question des enjeux environnementaux intègre les thématiques de recherche académique sur les questions internationales de sécurité.
Le concept de sécurité environnementale
Au fil du temps, le thème des conflits environnementaux a trouvé sa place dans l’univers des relations internationales et plus particulièrement dans la dimension sécuritaire. En effet, le domaine de la sécurité s’élargit et ne se concentre plus uniquement sur l’aspect militaire. La sécurité environnementale sous-entend la protection des écosystèmes afin d’assurer la survie des sociétés humaines, car la déstabilisation environnementale est une menace pour la stabilité et l’ordre régional et local. Consécutivement, l’insécurité provoquée par les conflits environnementaux peut devenir une menace pour l’ordre étatique, d’où la préoccupation de l’Etat lorsqu’un conflit émerge. La sécurité environnementale comporte trois objectifs : l’exploitation durable des ressources renouvelables et non renouvelables ; la protection des éléments (air, eau, terre) et de la société civile ; et la réduction maximale des dangers liés aux activités industrielles.
Pour répondre aux nouveaux enjeux de sécurité environnementale, la résilience est de mise pour mieux comprendre les sources du conflit, appréhender la fragilité des sociétés et dépasser ces déstabilisations. L’Organisation pour la Coopération et le Développement en Europe (OCDE) définit la résilience comme « la capacité des ménages, des communautés et des nations à absorber les chocs et à s’en remettre, tout en adaptant et en transformant positivement leurs structures et leurs moyens de vivre face à des stress, des changements et des incertitudes à long terme. » Pour assurer un apprentissage et une anticipation plus efficaces de la gestion du conflit, la notion de cohésion entre les différents acteurs est nécessaire à la sécurité environnementale. La Stratégie Globale de l’Union Européenne ajoute que la notion de résilience s’appuie sur la « démocratie, la confiance dans les institutions et le développement durable, ainsi que sur la capacité à se réformer. » Ainsi, l’homogénéité des pensées, des actions et réactions entre les acteurs assure une efficacité dans la prévention ou la gestion des conflits environnementaux.
En effet, pour maintenir la sécurité environnementale, une relation constructive et pacifique doit se créer entre les acteurs publics, privés et leurs citoyens avec comme objectif le respect de l’environnement, la stabilité politique et la prévention de la violence. Le concept de sécurité environnementale est aujourd’hui reconnu. Cependant, les causes amenant aux conflits environnementaux sont vagues. Le lien entre l’environnement, l’économie et les conflits reste complexe.
Conclusion
Le fonctionnement normal de notre société, de l’économie a un coût écologique et les conflits environnementaux sont de plus en fréquents. Malgré la reconnaissance et les tentatives de résolutions, l’impunité des responsables de ces conflits persiste. D’une part, beaucoup de coupables continuent leurs activités malgré la conscience de la dégradation environnementale et l’implication d’Organisations-Non-Gouvernementales pour la protection de l’environnement, de la société civile ou de l’Etat. D’autre part, beaucoup d’activités déstabilisatrices de l’environnement ne sont pas connues du grand public. Au-delà de la reconnaissance publique, tout un système judiciaire doit être élaboré pour sanctionner les responsables et le système institutionnel actuel doit être renforcé pour éviter la répétition des erreurs, anticiper l’escalade d’un conflit et dédommager les victimes directes et indirectes.
Nour Engueguele.