Forum Citoyen 2020 « Langage de domination : quel pouvoir ont les mots ? »

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Retour sur le Forum Citoyen 2020 organisé le 14 novembre dernier par BePax, Magma et Justice et Paix.

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Intro

Les systèmes de domination structurent notre société et conditionnent nos rapports sociaux, nos corps, nos pensées, notre langage. Nous baignons dans un système qui produit et reproduit des inégalités et des violences quotidiennes. En tant qu’associations d’éducation permanente, Bepax, la Commission Justice et Paix et Magma, proposent de questionner ces différentes formes de domination à travers l’analyse du langage.

« Langage de domination : quel pouvoir ont les mots ? » fut le thème du forum citoyen annuel qui s’est tenu, en version numérique, ce samedi 24 novembre.

Parce qu’il est important de nous rendre compte à quel point notre langage quotidien et les mots utilisés de manière spontanée renforcent les systèmes de domination et créent des violences,

Parce qu’il est important de réagir face aux inégalités que l’on perpétue sans s’en rendre compte tellement ces dernières sont ancrées dans les normes sociales et les institutions,

Parce que les mots ont du pouvoir, qu’ils influencent les actions, déterminent le regard, imposent une vision du monde. Et ce dans la presse, les réseaux sociaux, les discours politiques, le monde associatif, les ONG mais aussi entre vous et nous,

Ce forum abordent les questions de Qui parle pour qui ? Qui parle de qui ? Comment ? Pourquoi ? Comment se réapproprier les mots pour renforcer les luttes sociales ? A travers quatre ateliers dont les résumés sont repris dans ce dossier.

Atelier : La domination dans l’expression artistique et le monde culture

Avec Gia Abrassart, journaliste et fondatrice de Café Congo

Rapportage à consulter sur www.bepax.org

Atelier 2 : Discussions autour du « Greenwashing »

Avec Séverine de Laveleye, députée fédérale et membre du parti Ecolo.

Le « greenwashing » est une stratégie utilisée principalement dans le monde de l’entreprise qui vise à orienter sa communication vers un positionnement plus écologique. Cette stratégie marketing utilise faussement l’argument environnemental pour accroitre son chiffre d’affaire. Bien souvent les promesses sont disproportionnées. On prône le « durable », « vert », « naturel », « écologique »… sans précision.

Quelques exemples :
– La gamme de magasins « Carrefour Bio »
– Starbucks et ses produits « durables » dont les tigettse et les tasses sont jetables
– Roundup de Monsanto, qui prétend produire un produit bio dégradable
– Industrie Automobile. Exemple : la voiture électrique qui demande plus de matériaux à l’impact écologique et humain désastreux
– H&M « conscious » : prétend utiliser du du coton bio mais sans preuve ni certification.

Comment aider les entreprises à avancer dans la bonne direction, même si cela semble lent ?

On ne peut pas douter de tout, tout le temps. Il est important de se laisser une marge de manœuvre. Un diagnostique clair et transparent doit être posé pour penser une stratégie basculante.

Comment lutter contre le greenwashing ?

De quels mécanismes de contrôle dispose-t-on ?
– Loi qui interdit la publicité mensongère votée en avril 2010, malheureusement pas efficace.
– Autorégulation des entreprises – demander au secteur lui-même de se réguler, se contrôler les uns les autres (greenwashing, sexisme, racisme, etc).
– Jury d’éthique publicitaire.
– Société civile, qui reste en alerte
Observatoire Citoyen du Greenwashing
– « Greenwashing tour »
– Financements à la recherche, notamment dans le secteur de l’agriculture. Pour trouver des alternatives aux pratiques dommageables à l’environnement.
– Créer et renforcer des labels, co-créer des codes de conduite avec les entreprises, des partenariats.
– Législation ambitieuse pour contraindre les entreprises à être plus responsables
– Au niveau européen : clarification des étiquetages
– Soutenir les coopératives locales et responsables
– Prix au carbone. Un des rares produits qui reste « gratuit ». Imposer la taxe carbone.

Quels secteurs faut-il réglementer en priorité ?

Les secteurs dépendants des énergies fossile : aérospatial, transport, secteur agricole dépendant des pesticides, notamment de ombreux pays du « Sud ».

Greenwashing et politique. Quelles pratiques dans le monde politique ?

En 2020, quasiment tous les partis politiques sont amis de l’environnement.
Green profond ou de façade ? Plusieurs exemples laissent à penser qu’en politique, le greenwhasing est lui aussi, bien présent.
– En 2016, une loi contre les pesticides qui tuent les abeilles est proposée. Pourtant aucune majorité parlementaire ne sera trouvée, même si à priori tout le monde se dit contre.
– Idem avec le glyphosate.

On fait beaucoup de publicité en politique : le climat et l’environnement sont Les enjeux du 21eme siècle. On entend le mot « durable » partout. Les partis politiques ne peuvent pas mentir mais ils auront tendance à surjouer leur engagement écologique. Il est donc essentiel de garder un œil critique sur les promesses politiques et les messages publicitaires.

Atelier 3 : Quelle représentation des migrants dans les médias ?

Avec Elisabeth Marie, représentante au Conseil de l’Europe pour Caritas

Nous avons toutes et tous besoin de cadres de référence, de catégories qui nous permettent de structurer le monde qui nous entoure. Ces cadres vont construire notre regard, et ce regard va ensuite impacter le réel (il va par exemple contribuer à enfermer les personnes migrantes dans certaines représentations). Dans la production de ces cadres de référence, les médias jouent un rôle important. Le choix des mots compte : tsunami, vague migratoire, crise, etc…  cela induit des émotions et des ressentis (peur d’être submergé, danger, besoin d’un contrôle, etc…).

• Les cadres les plus utilisés dans la presse qui problématisent les personnes migrantes :
– Ce sont des intrus
– Il s’agit de vagues incontrôlables qui risquent de créer le chaos dans nos sociétés. Elles nécessitent un contrôle de l’état
– Ces personnes pèsent lourdement sur notre économie et sur la sécurité sociale
– Ces vagues augmentent le risque d’attentats terroristes

• Les cadres les plus utilisés pour dé-problématiser les personnes migrantes :
– Ce sont des victimes innocentes. Cela est également problématique car cela déshumanise aussi les personnes.
– Le problème, ce sont les inégalités mondiales, pas les personnes.
– Les pays occidentaux ont une responsabilité dans les inégalités mondiales et les conflits.

– C’est aussi un apport pour notre économie.

• Selon la recherche de M. Van Gorp : dans les médias flamands, trois cadres reviennent souvent :
– risque de chaos et donc besoin d’un contrôle
– victimes innocentes
– poids sur la sécurité sociale

• Pistes d’actions
– Questionner ses cadres et ses propres stéréotypes
– focus sur les émotions plutôt que sur les faits quand il s’agit de convaincre
– mettre l’accent sur les histoires positives
– faire preuve d’empathie

Atelier 4 : Violences policières sur les jeunes en Belgique : analyse du relais dans les médias.

Avec Aïda Yancy, historienne spécialisée des questions de race, genre, orientation sexuelle et domination sociale

Rapportage à consulter sur www.bepax.org

Conclusion

Ce forum s’est intéressé à la question des mots et du langage : la première renvoie à celle des catégories à travers lesquelles nous classons et pensons le monde, la seconde nous amène à considérer les images et les univers de sens que charrie plus largement notre langage. « Dire c’est faire », ce qui signifie que les mots ne sont pas simplement des reflets de notre réalité, mais bien des actions à part entière. Aussi, nommer permet aussi bien de visibiliser que d’invisibiliser, connoter positivement ou négativement, marquer ou déconstruire des frontières entre les groupes.

Trois ateliers ont porté sur les conséquences du racisme en Belgique et en Europe (profilage ethnique, représentation des migrations dans les médias, domination culturelle par l’art), et le quatrième portait sur les échos que trouve la lutte écologique au sein du monde de l’entreprise. On a pu y constater combien les discours émanant des médias, des artistes, des politiques, ou des départements de communication de multinationales, constituent aussi bien des mots « du pouvoir » que des outils pour les défaire.

Par la contestation des mots et des imaginaires diffusés comme des cadres du débat public par des institutions ou des groupes détenant divers capitaux, par la remise en cause de la légitimité de certains actes perpétrés par des dépositaires de l’autorité publique, et par la visibilisation de réalités qui contredisent les narratifs officiels, les citoyen·ne·s exercent leur pouvoir, contestent, demandent des comptes, tentent d’exercer une pression, de récupérer du pouvoir, et alertent sur des situations qui ne respectent pas la dignité humaine.

Les questions principales qui concluent ce forum sont donc reliées au rôle d’acteurs-clés (1) comme l’Etat dans la perpétuation de violences à travers des politiques (migratoires) et des institutions (police, justice), (2) comme les entreprises dans la réappropriation instrumentale de critiques émanant de la société civile, et enfin (3) comme les artistes dans la production de représentations qui structurent les subjectivités, empêchant des voix d’être entendues, et privant des groupes de leur participation à l’espace public.

En tant qu’associations actives dans le domaine de l’éducation permanente, de la coopération internationale et de la jeunesse, notre action doit donc nécessairement s’accompagner de la prise de conscience de notre responsabilité à ne pas reproduire, mais également participer à l’invention de nouveaux langages qui ne reproduisent pas divers rapports de domination.

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