Sauvegarder la création ? Sur quelques enjeux éthiques et théologiques à l’heure des défis écologiques
Comme tout autre domaine où le souci pour l’avenir humain est pris au sérieux, celui de la réflexion chrétienne se doit aujourd’hui de prendre en compte les graves interrogations pesant sur la relation entre l’humanité et son environnement. L’écologie n’est pas « à option », quand il s’agit d’exposer les conceptions que l’on se fait de l’humain, de la société, de la terre et de leur « commune » destinée, ainsi que des choix éducatifs et politiques qui en découlent.
Toutes choses à l’écart desquelles la réflexion chrétienne ne saurait se tenir, sauf à considérer les termes de « création » et de « salut », qui relèvent de sa tradition, comme des coquilles vides.
Il en va ici d’un langage pertinent et crédible, à la hauteur du fait qu’à l’échelle planétaire, l’humanité et la nature sont « embarquées » ensemble vers un avenir rien moins que certain, ce qui est susceptible de remettre en question certaines « évidences » peut-être hâtivement associées à une approche chrétienne. La Commission Justice et Paix entend ainsi témoigner de cette préoccupation, conduisant aux quelques pistes ouvertes par l’analyse présentée ici.
Notes
[1] Publié dans la collection Cogitatio Fidei, vol. 146, Paris, Cerf, 1988. L’extrait cité est de la p.7. L’original allemand est de 1985.
[2] Conférence inaugurale du colloque « Eschatologie et Morale », Institut Catholique de Paris, 13 mars 2008. Voici le passage de l’Évangile auquel le propos fait écho : « Quel avantage l’homme a-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? » (Luc 9,25).
[3] 1ère Épître de Jean, chapitre 4, verset 20
[4] « Le jugement du corps vaut bien celui de l’esprit et le corps recule devant l’anéantissement. Nous prenons l’habitude de vivre avant d’acquérir celle de penser. Dans cette course qui nous précipite tous les jours un peu plus vers la mort, le corps garde cette avance irréparable » : Albert CAMUS, Le mythe de Sisyphe. Essai sur l’absurde (Folio-essais, 11), Paris, Gallimard, 1985, p. 22-23.
[5] On fait ici allusion à un courant de la deep ecology, selon lequel la disparition de l’humanité apparaîtrait finalement préférable à sa continuation, si celle-ci devenait une menace insurmontable pour la survie de la Nature. Le présupposé de cette conception est que, la Nature ayant connu une très longue évolution sans l’humanité, alors une humanité durable n’est pas nécessaire au devenir de cette même évolution.
[6] La foi en un Dieu « sauveur » est la matrice de la foi en ce même Dieu « créateur ». Si Dieu sauve, ce n’est pas en « retirant » l’humanité de la création, ni en portant celle-ci, humanité comprise, à un plus haut degré de perfection. On comprend ainsi comment le langage chrétien, dans le sillage de la tradition juive, a exprimé le salut sous l’image et le symbole de « la nouvelle création », la « nouveauté » étant synonyme de la disparition de la mort. Disparition qui n’a rien de « magique », mais qui est au cœur de l’espérance apocalyptique dont la foi chrétienne est issue. A ce sujet, on lira avec profit le très beau chapitre intitulé : « L’actualité de l’Apocalypse », dans l’ouvrage de Simon-Pierre ARNOLD, La foi sauvage. Bilan provisoire d’un théologien perplexe, Paris, Karthala, 2011, pp. 37-58. L’auteur était l’invité de la Commission Justice et Paix, le 6 mai 2011.
[7] Ceci fait référence aux relectures des 11 premiers chapitres du Livre de la Genèse, en particulier du mythe du Déluge, symbole de l’issue représentée par une alliance avec la terre et « toute chair » qui l’habite.
[8] À titre d’exemple, voir le blog de Patrice de PLUNKETT, journaliste, sous les catégories « écologie », « églises et écologie », etc. Adresse : http://plunkett.hautetfort.com
[9] Simon-Pierre ARNOLD, La foi sauvage, ouvrage cité, p. 97.
[10] Notamment dans Entre Dieu et le cosmos. Une vision non dualiste de la réalité. Entretiens avec Gwendoline Jarczyck (L’expérience intérieure), Paris, Albin Michel, 1998. Dans un esprit analogue, sur le « dilemme » entre religion de l’histoire et religion cosmique, voir Simon-Pierre ARNOLD, ibid., pp. 85ss.
[11] Á ce sujet, voir Jacques SCHEUER, Un chrétien dans les pas du Bouddha (L’Autre et les autres, n° 11), Bruxelles, Lessius, 2010 ; en particulier, le chapitre 9 : « Mon visage originel, dès avant la fondation du monde ».
