Respect de la planète : le visage militant du Pape François

La Commission Justice et Paix Belgique francophone se félicite de la publication le 18 juin 2015 de l’Encyclique papale « Laudato Si’ » qui appelle à la préservation de la planète et de l’environnement en dénonçant les dégâts irréversibles qui lui sont infligé.

En cette année stratégique qui verra Paris accueillir la Conférence sur le climat « COP21 », cette voix est essentielle et doit être entendue par les décideurs politiques et économiques du monde entier. Nous avons en effet l’opportunité de marquer un tournant historique vers une gouvernance mondiale mettant au cœur des préoccupations la dimension écologique. Justice et Paix se réjouit que l’Encyclique Laudato Si’ pose la question fondamentale de l’héritage écologique que nous laissons à nos enfants et que le Pape la place en défi fondamental pour l’humanité. C’est un signal fort qui rappelle que nous sommes tous concernés et à ce titre, tous des citoyens potentiellement engagés dans ce combat. Justice et Paix salue les propositions concrètes qui sont avancée par le Pape François pour endiguer cette destruction, en s’attaquant aux causes profondes de ce mal, à savoir :
« un renouvellement de la politique internationale, nationale et locale ainsi que des processus de décision dans le secteur public et des entreprises, du rapport entre politique et économie, entre religions et sciences, et tout cela dans un dialogue transparent et honnête»[1]Texte complet de l’Encyclique
Justice et Paix n’a de cesse de dénoncer les souffrances vécues au quotidien par les populations victimes de ces violences, souvent les plus précaires, comme nous le rapportent nos organisations partenaires issues d’Afrique centrale et d’Amérique latine que nous recevons régulièrement en Belgique et qui offrent des témoignages de terrain aux citoyens et aux décideurs politiques. Comme le souligne l’Encyclique, « Le Pape est profondément affecté par la faiblesse des réactions face aux drames de tant de personnes et populations ». Elle doit donc être dépassée. Ces mots nous incitent à engager en urgence des réformes profondes pour assurer la vie sur terre. Des dégâts tous azimuts Au Pérou, pays d’action de Justice et Paix, la pollution de l’environnement (sols, eaux, cultures vivrières) due aux activités des multinationales est à la base de près de 200 conflits sociaux pour la plupart liés à l’extraction de ressources comme les minerais et les hydrocarbures, richesses qui constituent deux tiers des exportations de ce pays andin. Les populations affectées sont mécontentes et réclament le respect de leurs droits fondamentaux par l’État et les opérateurs privés. Elles sont fatiguées de ne pas être entendues, ce qui conduit à ce que les conflits dégénèrent et s’exacerbent, faute d’une intervention de l’État central en faveur des plus faibles. Le mégaprojet aurifère « Conga », situé à Cajamarca, dans le nord du Pérou, cristallise actuellement toutes les colères et s’avère le symbole de cette mobilisation citoyenne peu écoutée. Si la multinationale américaine Newmont parvient à démarrer les opérations, elle asséchera des lagunes d’eau douce essentielles aux écosystèmes et à la vie des communautés locales, ce qui risque d’affecter les réserves aquifères de plusieurs vallées, dont l’approvisionnement de la grande ville de 400 000 habitants de la région, Cajamarca. Il faut une prise de conscience globale que les pratiques économiques actuellement prônées ne respectent pas les populations et l’environnement. Il y a plusieurs principes fondamentaux qui doivent être pris en compte si l’on veut protéger les populations et les écosystèmes, comme l’annonce John Ruggie dans ses principes Directeurs « respecter, protéger, remédier . Le rapport Ruggie En 2011, John Ruggie ; rapporteur « Droits de l’Homme et entreprises » auprès des Nations Unies, proposait et faisait adopter par le Conseil des Droits de l’Homme, les Principes Directeurs « Droits de l’Homme et Entreprises ». Il énonçait ainsi trois grands axes : Les États doivent protéger les populations, les entreprises doivent respecter les Droits de l’Homme et les populations doivent pouvoir bénéficier d’un accès à la justice et aux réparations. Avant tout, les États doivent prendre leur responsabilité en protégeant leurs populations. Cela passe par une régulation sérieuse des acteurs économiques. Les États doivent prendre toutes les mesures possibles, en accord avec les standards internationaux, pour empêcher les entreprises d’adopter des comportements menant à de graves violations des droits de l’Homme. Ensuite, les citoyens doivent pouvoir accéder aisément à des mécanismes de réparation pour les dommages subis. Enfin, les entreprises doivent tout faire pour empêcher quelconque violation des droits de l’Homme. Les populations doivent pouvoir participer à la prise de décision lorsqu’un projet économique peut potentiellement modifier leur vie quotidienne, et donc les affecter. Les populations indigènes sont aussi des acteurs, comme les États et les entreprises. La Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) consacre en effet le droit à l’information « libre, préalable et informée », outil permettant un renforcement des communautés indigènes par un accès à l’information nécessaire leur permettant de prendre des décisions quant à leur futur. Ce droit n’est pas assez respecté et il doit à tout prix être promu tous azimuts. Par ses différentes prises de positions, le Pape entend rappeler ces principes au monde entier. Changer de modèle Dans la foulée de la publication de l’Encyclique, François s’est exprimé le 17 juillet 2015 en marge d’une rencontre avec des experts et investisseurs du secteur minier en faveur d’un changement de paradigme radical, afin de dépasser le modèle de prédation actuellement en cours et de mettre fin à l’impunité dont font preuve les multinationales extractives. « Les minerais et plus généralement les richesses du sous-sol constituent un précieux don de Dieu, dont l’humanité se sert depuis des millénaires [2] L’Express, 17 juillet 2015, Exploitation minière : le Vatican accuse les entrepreneurs de tolérer l’impunité» , a souligné le Pape. Après avoir écouté de nombreux témoignages de populations affectées venues des quatre coins du monde, et puisant dans Laudato Si’, le chef de l’Eglise catholique a estimé, par cette nouvelle intervention, qu’une exploitation judicieuse des biens de la terre est celle qui mène de front les impératifs économiques, la justice sociale et la préservation de l’environnement. Pour le Pape, grand défenseur du concept de décroissance,
« Les gouvernements des pays d’origine des sociétés multinationales, personnes opérant dans ce secteur, entrepreneurs, investisseurs et autorités locales, employés et leurs représentants peuvent apporter leur contribution, tout comme les filières internationales d’approvisionnement avec leurs différents intermédiaires. Mais aussi les consommateurs des biens dont la réalisation doit faire appel à des ressources minières. Toutes ces personnes sont appelées à adopter un comportement inspiré par le fait qu’elles constituent une seule famille humaine »[3]ibidem
Il a dénoncé l’impunité dont jouissent ces corporations ainsi que la criminalisation et la répression injuste que subissent les mouvements sociaux pacifiques qui osent rentrer en lutte afin de préserver leurs droits fondamentaux. Mais le Pape n’a pas attendu 2015 pour montrer son visage militant aux yeux du monde entier. François a en effet multiplié ces dernières années des déclarations publiques progressistes, en faveur de davantage de justice sociale dans la conduite des affaires économiques mondiales. En 2013, le Pape avait déjà rendu publique son « exhortation apostolique » sous le titre « la joie d’évangéliser », document dans lequel il définissait le libéralisme comme « une économie d’exclusion », une « économie qui tue ». Il a également condamné en 2014 les excès de la finance mondiale qui pratique la spéculation au mépris de tout sens de l’éthique. Ses paroles sont inspirantes pour une société civile du Sud et du Nord de la planète qui se bat depuis des décennies en faveur d’une meilleure prise en compte des droits fondamentaux des populations et de la protection de l’environnement. Elles sont également sources d’espoir pour les populations affectées aux quatre coins du globe, quelque soient leurs origines et religions. À nous tous, citoyens, de désormais relayer ce message haut et fort pour qu’un monde sans abus commis par des multinationales soit possible. Á ce titre, la conférence sur le climat de Paris, la COP21, constitue une opportunité d’envergure internationale pour porter ce message. Si les citoyens ont à maintenir une pression constante, les décideurs politiques et économiques doivent les écouter et engager à leur tour un véritable changement.
Santiago Fischer

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