L’exploitation du pétrole dans le Parc des Virunga : menace ou opportunité de développement ? Les enjeux du déclassement.
Le Parc des Virunga est un véritable joyau naturel pour l’humanité. Malgré son statut, il est pourtant menacé aujourd’hui.
Le Parc des Virunga, situé à l’Est de la République Démocratique du Congo (RD Congo), est le plus ancien parc national du continent africain (1925). Ce Parc est considéré comme un véritable joyau naturel d’une richesse inégalable en termes de biodiversité et de ressources naturelles [1].
D’une superficie de 7.9OO km², les Virunga font partis, avec d’autres parcs comme celui de Salonga, de la forêt équatoriale du bassin du Congo qui couvre plus de 2 millions de km². Il s’agit du deuxième poumon de la planète après la forêt amazonienne, ce qui en fait une zone stratégique contre le réchauffement climatique. La préservation de cet espace d’exception est primordiale pour l’humanité toute entière. Seuls les superlatifs permettent de décrire ce parc d’exception. Et pourtant, les menaces qui pèsent sur lui sont nombreuses : insécurité chronique et grandissante, exploitation sauvage des ressources naturelles, dégradation de la faune et de la flore par le pillage et le braconnage… À ce sombre panel s’ajoute à présent une nouvelle menace : la possibilité d’un déclassement de certaines zones de l’aire protégée.
En mars 2018, Aimé Ngoi Mukena, Ministre des hydrocarbures, annonce vouloir déclasser une zone de 1.720,75 km2 du Parc des Virunga (représentant 21,5% de sa surface totale) et de 2.767,5 km2 du Parc de la Salonga (situé au centre du pays). La volonté de déclasser ces aires protégées par décret présidentiel, alors qu’elles sont inscrites au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, résulte du fait de l’incompatibilité de ce statut avec l’exploitation des ressources qui y sont présentes. Ainsi, si certaines zones des parcs étaient déclassées, cela permettrait aux autorités de vendre des permis d’exploration et d’exploitation des réserves souterraines de pétrole et de gaz à des entreprises privées. Un tel déclassement pourrait avoir pour lourde conséquence de conduire à la radiation des Parcs de la liste du patrimoine mondial, et ainsi de faire sauter l’un des derniers verrous qui protège encore les Parcs des intérêts économiques internationaux – qui n’œuvrent pas toujours en faveur du développement durable.
Les populations riveraines du Parc des Virunga se sont mobilisées. Des organisations de la société civile ont mené des campagnes de sensibilisation auprès de ces dernières pour les informer des conséquences que pourrait engendrer ce projet. Elles ont également mobilisé la population au travers d’une pétition ayant recueilli plus de 23.000 signatures à la fin de l’été 2018. Grâce à ce soutien de la population, les organisations ont été reçues à la Présidence en octobre pour présenter leurs doléances. Elles s’opposent à « toute initiative visant à désaffecter ou déclasser les Parcs Nationaux des Virunga et Salonga ou une de leurs parties pour exploiter le pétrole au préjudice de l’Humanité et des Communautés locales en RD Congo ».
Les autorités congolaises justifient leur démarche en invoquant la législation congolaise qui autorise la révision unilatérale des accords instituant les aires nationales protégées si l’intérêt national l’exige. On peut toutefois se demander dans quelle mesure ces nouvelles explorations permettent d’invoquer « l’intérêt public » ? En effet, l’exploitation du pétrole dans le Parc des Virunga constituera-t-elle une réelle opportunité de développement ? Quels risques cela comporte-t-il ? Les ressources extraites dans le Parc ne bénéficient pour l’instant pas, dans leur grande majorité, au développement de la région, ni aux populations riveraines. Pis, ces ressources font peser un lourd tribut sur ces dernières, car elles suscitent aujourd’hui la convoitise et sont une source intarissable de conflits. On dénombre plus d’une centaine de groupes armés opérant dans ou aux environs du Parc. Ces derniers exploitent ses ressources pour financer leurs activités et se pérenniser. L’insécurité créée par la présence de ces groupes a déjà coûté la vie à plus de 170 « rangers » (les gardiens du Parc) depuis 1994. Cette situation a conduit à la fermeture exceptionnelle du Parc de juin jusqu’à la fin de l’année 2018.
Le Parc est constamment sous tension : comment articuler la protection de la nature exceptionnelle tout en exploitant son potentiel pour appuyer le développement économique de la région et ce, en intégrant les populations riveraines aux décisions qui les concernent ? Beaucoup se demandent dans quelle mesure l’ouverture de l’exploitation des ressources souterraines de gaz et de pétrole permettrait de répondre positivement à cette équation.
Clara Debeve.
Notes
[2] Le Nigéria et l’Angola ont des réserves de pétrole estimées à respectivement 37 et 9 milliards de barils. (P. Edmond, ibid.).
[3] Pour la période 2010-2011, on estime à plus d’un million de dollars le chiffre d’affaire des activités touristiques du Parc. Global Witness, Ibid.
[4] International Crisis Group, L’or noir du Congo : risque d’instabilité ou opportunité de développement ? 2012.
[5] International Crisis Group, Ibid.
[6] Il fut question à un moment de créer un pipeline pour relier l’intérieur du pays et la zone côtière de Matadi, mais l’installation de cette dernière coûterait plusieurs milliards de dollars et est resté pour l’instant à l’état de projet.
[7] Une entrevue avec le Ministre des Hydrocarbures en vue de l’achat de titre se paye très cher. A cela s’ajoute toute une série de taxes. A ce sujet voir notamment : Patrick Edmond, ibid.
[8] Notamment en vue des élections de décembre 2018.
[9] Des contrats ont par exemple été bloqués dans la région de l’Équateur, fief de l’opposant historique Jean-Pierre Bemba. Voir notamment Patrick Edmond, ibid.
[10] Notamment par l’hyper présidentialisation du secteur, voir notamment : Patrick Edmond, Ibid.
