Changement climatique : des scenarii à l’action

Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toutes les précédentes depuis 1850. Le climat se réchauffe et toute la planète est affectée par des dérèglements climatiques.

La société de demain vivra indéniablement avec le changement climatique, qu’elle cherche à l’atténuer ou qu’elle doive s’y adapter.

Depuis 30 ans, un organe scientifique, le GIEC[1] évalue l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur le changement climatique et en publie régulièrement des rapports dont le dernier, en août 2021, en synthétise les fondements scientifiques.

Les résultats de ce rapport sont, une fois de plus, alarmants[2] : il est maintenant incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres ; la température globale de la dernière décennie était 1,1°C plus élevée que durant la période 1850-1900 ; de nombreux changements climatiques sur Terre sont sans précédent sur des centaines voire des milliers d’années et certains de ces changements (telles la montée des eaux et la fonte des glaces) sont irréversibles sur plusieurs siècles. Au niveau régional, le changement climatique affecte déjà toutes les régions habitées de la Terre. En Europe centrale et de l’Ouest, on observe ainsi une augmentation des extrêmes de chaleur, des fortes précipitations et des sécheresses agricoles et écologiques[3]. Il suffit de se rappeler des derniers étés en Belgique pour s’en rendre compte.

En 2015, pour tenter d’atténuer le changement climatique, un objectif international a été décidé, à travers l’Accord de Paris[4] : contenir le réchauffement planétaire nettement en dessous de 2°C, voire le limiter à 1,5°C.Selon les projections du climat présentées dans le dernier rapport du GIEC, cette limite de 1,5°C sera déjà atteinte d’ici à 2040. Pour la fin du siècle, les scientifiques projettent un réchauffement planétaire allant de 1,4°C à 4,4°C comparé à 1850-1900[5].

Les projections pour l’avenir

Cet écart de 3°C que l’on observe entre les projections dépend de l’incertitude sur l’évolution future de notre société, c’est-à-dire qu’en fonction du contexte socio-économique et des choix qui seront fait – ou non – pour faire face au changement climatique, nous pourrions suivre l’une ou l’autre de ces projections. En fait, les modèles établis par la communauté scientifique pour estimer ces futurs plausibles du monde se basent sur deux types de scénarios : ceux caractérisant des trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre (les RCP pour representative concentration pathways) et ceux décrivant des trajectoires socio-économiques du monde (les SSP pour shared socio-economic pathways).

Les RCP représentent des évolutions probables d’émissions et de concentration de gaz à effet de serre au cours du XXIe siècle et sont au nombre de cinq, allant d’une trajectoire optimiste pour le climat (diminution rapide et soutenue de la concentration en gaz à effet de serre jusqu’en 2100) à une trajectoire pessimiste (augmentation continue et soutenue de leur concentration jusqu’en 2100)[6].

Les SSP décrivent l’évolution du contexte socio-économique du monde et en présentent donc des situations plausibles au cours du XXIe siècle. Cinq narratifs de référence ont été définis, décrivant des tendances économiques, politiques, sociales et technologiques diverses au cours des prochaines décennies. Pour exemples, le SSP1 dénommé « développement durable » décrit un monde se tournant vers le développement durable et respectant les limites environnementales et les biens communs, moins intensif en énergie et en consommation de ressources, investissant dans l’éducation, la santé et le bien-être, alors que le SSP3 « rivalités régionales » décrit un monde caractérisé par la résurgence des nationalismes, une priorité mise sur la compétitivité et la sécurité des pays, un développement économique lent et une persistance des inégalités et des conflits régionaux[7].

Quel scénario, pour quels objectifs ?

Combinés, ces deux types de trajectoires permettent de modéliser l’évolution du climat selon divers scénarii alliant l’évolution socio-économique du monde et les émissions de carbone liées aux politiques climatiques mises en place. Dans son dernier rapport, le GIEC a retenu cinq scénarii de référence par rapport aux multitudes de modèles existant dans la littérature scientifique. Pour atteindre l’objectif de 1,5°C de réchauffement fixé par l’Accord de Paris en 2015, un seul de ces cinq scénarii y arrive : il décrit un monde tourné vers le développement durable, avec une forte coopération internationale, une société respectueuse de l’environnement et dont les émissions de CO2 seraient immédiatement et fortement réduites et où l’on atteindrait des émissions zéro nettes en 2050. Dans ce cas, le réchauffement planétaire atteindrait temporairement 1,5°C d’ici 2040 puis redescendrait à 1,4°C en 2100.

À l’opposé, le scénario de référence le plus pessimiste décrit un monde dominé par une croissance économique forte et associée à une utilisation intensive des énergies fossiles. Les émissions de CO2 augmenteraient fortement, jusqu’à atteindre à la fin du siècle le triple des émissions actuelles. Dans ce scénario, la température atteindrait 4,4°C en 2100.

Il ne faut pas oublier que lorsque l’on parle de réchauffement climatique, c’est en fait tout le système climatique qui est modifié. Chaque dixième de degré de réchauffement compte car l’augmentation de la température globale s’accompagne notamment d’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des extrêmes : les vagues de chaleur, fortes précipitations et sécheresses seront d’autant plus fortes et fréquentes que le réchauffement sera élevé.

Ainsi, si l’on souhaite respecter au mieux l’Accord de Paris, il faut s’engager immédiatement dans des politiques climatiques ambitieuses, prendre le chemin d’une consommation moins intensive en ressources et en énergies fossiles, et tendre vers une plus grande coopération internationale.

L’enjeu de la coopération internationale

En termes de coopération internationale en matière de climat, justement, il existe depuis 1995 les Conférences des parties (COP pour Conference of the Parties) qui se tiennent chaque année et réunissent tous les pays membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (197 membres en 2021). C’est lors de ces COP que les parties prenantes tentent de mettre en place des solutions pour lutter contre le changement climatique, telles quel le Protocole de Kyoto en 1997 et l’Accord de Paris en 2015. Ces réunions permettant de rassembler les États autour de la problématique commune du changement climatique, on peut y voir de grandes potentialités de coopération à l’échelle mondiale. Pourtant, la lutte contre le réchauffement climatique ne semble toujours pas assez ambitieuse malgré les objectifs décidés. La COP26, retardée d’un an suite à la pandémie de covid-19 et qui se tiendra en novembre 2021, est fort attendue car, si les mesures sanitaires ont montré qu’il était possible de prendre des décisions fortes pour le bien-être de l’humanité, des politiques climatiques ambitieuses permettant de limiter le réchauffement à 1,5°C tardent encore à être annoncées et appliquées dans le monde.

« Chaque demi-degré de réchauffement compte, chaque année compte, chaque choix compte »[8]. Il n’y a plus de doute sur l’existence du réchauffement climatique et sur son attribution aux activités humaines. Au plus le climat se réchauffe, au plus nous serons soumis à des dérèglements néfastes pour notre bien-être et la survie de nos sociétés. Les choix que nous prenons aujourd’hui impacteront notre confort de demain. Plus que jamais, il est urgent de construire une société solidaire, orientée vers la coopération plutôt que la compétition, prenant des mesures ambitieuses pour atténuer le changement climatique et s’adapter à ses conséquences. Le GIEC estime ainsi qu’en réduisant fortement, rapidement et durablement les émissions de gaz à effet de serre, on verrait une inflexion de la tendance au réchauffement émerger d’ici 20 ans.

« L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre. » Antoine de Saint Exupéry, Citadelle, 1948.

Guillaume Bossuroy.


[1] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, organisme créé en 1988 par le Programme des Nations unies pour l’environnement et l’Organisation météorologique mondiale.

[2] Dans cet article, toutes les données scientifiques sur l’évolution actuelle et future du climat sont issues du dernier rapport du GIEC, référencé dans cette note : IPCC (2021), « Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change ».

[3] Les sécheresses, de plus en plus fréquentes en Belgique, touchent le territoire de façon inégale : voir l’article « Eau et sécheresse en Belgique : disponibilité, gestion et raréfaction d’une ressources commune », G. Bossuroy, Justice & Paix, 2020. https://www.justicepaix.be/eau-et-secheresse-en-belgique-disponibilite-gestion-et-rarefaction-d-une/

[4] https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris

[5] L’une projections climatiques affichant donc un dépassement temporaire de la limite de 1,5°C avant de redescendre à 1,4°C en 2100.

[6] Colin, A., Vailles, C., Hubert, R. (2019), « Comprendre les scénarios de transition. Huit étapes pour lire et interpréter ces scénarios », Institute for Climate Economics, 64 pages.

[7] Riahi et al. (2017), « The Shared Socioeconomic Pathways and their energy, land use, and greenhouse gas emissions implications: An overview » in Global Environmental Change, vol. 42, pp. 153-168.

[8] Phrase prononcée en 2018 par Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail I du GIEC, à l’occasion de la sortie du rapport spécial « Réchauffement planétaire de 1,5°C ».

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